La
souveraineté numérique : condition préalable
indispensable
pour un réel
gouvernement
ouvert français
par Thomas HONNET, Doctorant en droit à
l’École de Droit de la Sorbonne.
« Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d’en
être l’organisateur. »
Jean Cocteau,
Les Mariés de la tour Eiffel
Si s’engager dans les démarches de « gouvernements ouverts » relève
d’une demande grandissante des citoyens, entraînant une nécessité de fait pour
les États, encore faut-il en amont garantir deux choses.
D’une part, discuter de « gouvernement ouvert » suppose
qu’il faut avoir les moyens de ses fins, la maîtrise de son destin et de sa
souveraineté numérique. Sans ces éléments essentiels de la souveraineté, les
principes des gouvernements ouverts risquent d’être mal appliquées, voire
dangereux vis-à-vis de la souveraineté numérique des États.
D’autre part, il peut et doit exister plusieurs
visions des gouvernements ouverts, et un État souverain pourra ainsi répondre
de manière maîtrisée et adaptée à ces questions : qu’est-ce qu’on ouvre ? Comment l’ouvre-t-on ? Quand l’ouvre-t-on ? À quel prix l’ouvre-t-on ? À qui l’ouvre-t-on ? Etc.
La question des gouvernements ouverts pose donc
inévitablement, en amont, celle de la souveraineté. Ne pas y répondre au
préalable ne pourra apporter que quelques coups d’épée dans l’eau
supplémentaires.
S’engager dans la
démarche des gouvernements ouverts semble être une nécessité indiscutable pour
les États contemporains. Pourtant il relève bien d’un vrai choix institutionnel
et souverain (A), ce qui ne va pas sans poser de problème en France, où la
souveraineté numérique peine à être maîtrisée et définie clairement (B).
Deux principaux maux
numériques frappent notre époque. Tout d’abord, cette nouvelle religion
contemporaine qui consacre le numérique et les évolutions technologiques comme
étant forcément « bons », au sens moral du terme, car signes
indiscutables de progrès, de modernité et d’évolution.
Dès lors, s’interroger et
critiquer cette « révolution » relève forcément d’un conservatisme aveugle et
ignorant, voire naïf, en tout cas à contre-courant. Et si critique commune et
reconnue il y a, par exemple sur les atteintes aux données personnelles ou à la
vie privée, celle-ci ne remettra en aucun cas en cause cette marche en avant
inéluctable de la grande Histoire.
Le second mal dont
souffre le monde numérique réside dans le « solutionnisme »[1] et l’idée que les outils
techniques, par le simple fait de leur utilisation et non pas grâce à des choix
politiques effectués en amont[2], vont pouvoir résoudre tous
les problèmes sociaux, économiques et politiques : de la perte d’intérêt des
citoyens pour la chose publique, aux difficultés de santé ou de transports, en
passant par des domaines a priori sans aucun lien avec le numérique, comme les
problèmes carcéraux[3].
En témoignent la formule d’Eric Schmidt, PDG de Google (« Si nous nous y prenons bien, je pense que nous
pouvons résoudre tous les problèmes du monde »[4]), et celle de Steven
Johnson, écrivain américain (« Wikipédia
n’est qu’un début […] nous pouvons nous inspirer de son succès pour créer de
nouveaux systèmes afin de résoudre les problèmes de l’éducation, de la
gouvernance, de santé, dans les communautés locales et dans une infinité
d’autres domaines de l’expérience humaine »[5]), qui mettent en exergue
la puissance de cette pensée.
Évidemment, ces deux
postulats sont faux, en plus d’être dangereux, et ils excluent de fait tout
début de réflexion critique.
Les « gouvernements ouverts »[6] rentrent parfaitement dans
le cadre décrit précédemment : ils ne sont ni « bons », ni « mauvais » en soi, et
ne vont pas résoudre tous les problèmes des démocraties contemporaines en
mettant simplement une dose de numérique et de transparence dans nos
institutions. Dès lors, que sont-ils ?
Ils sont, comme tout
choix technique, un choix politique (au « contenu
variable » comme l’évoquait le professeur
Jean-Jacques Lavenue[7]) avant d’être technique[8] – et non pas le résultat
de l’avancée inexorable du progrès qui obligerait les peuples et les Nations.
Ainsi, avant même toute orientation technique d’un gouvernement ouvert, trois
questions préliminaires se posent. Sommes-nous, oui ou non, en capacité de
faire le choix souverain d’un gouvernement ouvert ? Si oui, souhaitons-nous en toute indépendance faire ce choix ? Et enfin, si la réponse est une nouvelle fois
positive, à quel degré voulons-nous appliquer ce choix ? C’est donc un choix purement politique, et de
curseur à placer : peut-on, veut-on, comment ? C’est là que rentre en jeu la souveraineté dite « numérique ».
S’il peut paraître
étonnant a priori d’en parler ici, c’est pourtant la principale et première
question qu’il faut se poser avant même toute réflexion sur les gouvernements
ouverts. À travers celles-ci, nous tentons de répondre principalement à deux
questions : quoi faire, et comment le faire ? Il ne faut pas oublier les questions
préalables : peut-on le faire, et veut-on le faire ?
Nous avons en France un
rapport très particulier avec la souveraineté. D’abord théorisée par Jean Bodin
il y a plus de quatre siècles comme acte de naissance d’une souveraineté
absolue, indivisible et perpétuelle[9], elle a ensuite été
consacrée en tant que trait caractéristique de l’État contemporain. Elle est
aujourd’hui consolidée en tant que fondement de l’ordre juridique
constitutionnel de la Cinquième République sous la forme d’une souveraineté
nationale appartenant au peuple qui l’exerce par l’intermédiaire de ses
représentants et par le référendum[10]. C’est probablement cette
histoire séculaire liant la République française au concept de souveraineté qui
nous empêche aujourd’hui de bien appréhender cette nouvelle « souveraineté numérique ».
L’exemple désastreux du « cloud souverain » est tout à fait significatif à ce sujet. Lancé en 2009 par le
gouvernement Fillon, dont le plan de 285 millions d’euros devait garantir la « souveraineté numérique » de la France, le « cloud souverain »[11] à la française est
symptomatique de l’incompréhension des enjeux de souveraineté numérique de la
part des gouvernements français successifs. Six années, c’est le temps qu’il
aura fallu à ce projet pour éteindre les espoirs qu’il avait lui-même fait
naître.
En 2009, Numergy et Cloudwatt sont les
deux projets concurrents dans lesquels sont investis les ambitions, mais
également l’argent public, à hauteur de 75 millions d’euros chacun dans le
cadre du Grand Emprunt (dont la moitié sera tout de même effectivement
dépensée). Quelques années plus tard, SFR et Orange ont racheté les parts de la
Caisse des Dépôts ainsi que celles des autres entreprises françaises parties au
projet, et seuls quelques millions d’euros de chiffre d’affaires ont été
réalisés contre les 400-500 millions potentiels qui avaient été annoncés. Les
raisons de cet échec sont nombreuses : méconnaissance des enjeux, manque
de pilotage et de culture numérique de la part du gouvernement, inopportunité
de la part de l’État d’investir dans de tels projets (qui relèvent bien plus de
l’initiative et de l’investissement privés que d’une compétence étatique),
manque d’un réel intérêt de la part d’Orange et de SFR qui d’une part ne font
pas du développement du cloud leur priorité, et d’autre part n’ont pas besoin
de telles subventions publiques... Sans compter sur le fait qu’il existe déjà
un cloud « français » (OVH, et ses 250 millions de chiffre d’affaires
par an…).
« C’est le propre de l’homme de se tromper ; seul l’insensé persiste dans son erreur »[12] : ce genre
d’accident industriel et de gestion financière hasardeuse est tout à fait
regrettable, d’autant qu’elle fait partie d’une longue liste en matière de
numérique, qui compte par exemple le moteur de recherche européen Quaero[13] soutenu par le président
de la République de l’époque Jacques Chirac, le succès tout à fait relatif de Qwant[14], ou encore dernièrement
la loi Lemaire[15],
ambitieusement dénommée « Pour une
République numérique ».
Selon un article du
journal Le Point en date du 13
janvier 2016, cette loi devait être une « véritable bombe dans l’ordonnancement
du monde numérique »[16].
En matière de souveraineté numérique, force
est de constater que la bombe était en fait un « pétard
mouillé », puisque l’élément phare de la loi résidait dans
l’« OS
souverain », vieille antienne séduisante en apparence, estimé
à tout de même
700 millions d’euros minimums.[17]
Comme l’on s’en doute, et au vu des éléments énoncés précédemment, un tel
projet avait suscité de nombreuses critiques[18],
parfaitement résumées par Bernard Benhamou, secrétaire général de l’institut de la souveraineté numérique[19] : inopportunité d’un « OS national » (qui de
plus, existe déjà[20]) ;
inopportunité d’investir dans les OS alors que leur avenir est incertain à
l’heure de « l’Internet des objets » ; croyance
illusoire qu’un gouvernement pourrait si facilement concurrencer en matière de
cloud Apple ou Google, multinationales privées solidifiées par des décennies
d’existence ; etc.
Ladite disposition n’a finalement
pas vu le jour, mais il subsiste dans la loi Lemaire un article 29 qui
dispose que le gouvernement devra remettre au parlement, dans un délai
de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur
la possibilité de créer un Commissariat à la souveraineté numérique rattaché
aux services du Premier ministre, dont les missions concourront à l’exercice,
dans le cyberespace, de la souveraineté nationale et des droits et libertés
individuels et collectifs que la République protège. Ce rapport précisera les
moyens et l’organisation nécessaires au fonctionnement du Commissariat à la
souveraineté numérique, et il ne sera pas étonnant d’y voir ressortir ce fameux
OS « made in France ».
Il ne serait pas non plus
étonnant d’y retrouver les « outils de
chiffrements souverains », également
évoqués lors des débats parlementaires[21] et auxquels on échappe
pour le moment. Un tel dispositif, dont le gouvernement aurait la maîtrise
totale et conserverait les « clés » (les fameuses « portes dérobées » –
backdoors), serait très dangereux pour la confiance des utilisateurs et des
entreprises dans le système Internet, et pourrait entraîner une crise sans
précédent.
D’autres dispositions,
comme le renforcement des pouvoirs de sanction de la CNIL (dont le plafond
maximal des sanctions passe de 150 000 euros
à 3 millions d’euros, en attendant l’application en 2018 des dispositions du
règlement européen sur la protection des données[22]), vont dans le bon sens,
mais semblent bien insuffisantes en matière de souveraineté numérique.
Le Partenariat pour les
Gouvernements Ouverts est une organisation singulière regroupant États
souverains et acteurs privés (A), ce qui explique en partie les difficultés
françaises à se faire entendre en son sein (B).
Les enjeux de
souveraineté numérique en France sont malheureusement trop souvent résumés en
deux points : d’une part l’imposition fiscale des GAFAM, du « travail gratuit » et de l’économie dite « du partage » (imposition qui est un élément clé de la
souveraineté numérique, mais qui n’en est pas l’essentiel), d’autre part la
concurrence économique à ces mêmes acteurs et à la suprématie étatsunienne
(les fameux « cloud français », « OS français » et autre « Google
français ») qui, si la démarche
semble sincère et intéressante en théorie, est terriblement inadéquate en
pratique.
Pourtant, les véritables
leviers de souveraineté numérique se trouvent dans les instances de régulation
même du cyberespace[23], là où les États n’ont
pas voix au chapitre. Ils sont au sein de l’Internet
Corporation for Assigned Names
and Numbers (ICANN)[24], du World Wide Web
Consortium (W3C)[25], de l’Internet Engineering Task
Force (IETF)[26] ou de l’Internet Architecture Board
(IAB)[27]. Ils sont aussi dans les Conditions Générales
d’Utilisation (CGU) des plateformes et des applications, ou dans
l’extraterritorialité du droit étatsunien.
Ils sont, comme pour la
souveraineté traditionnelle, dans un rapport de force et une balance d’intérêts
divergents entre entités souveraines et indépendantes. Ce rapport de force est
le seul chemin possible – chemin parsemé de discussions, de diplomatie et de
coopération, mais aussi parfois de sanctions et de fermeté – pour faire
respecter nos valeurs et nos droits les plus fondamentaux.
En ce sens, il existe
déjà quelques pistes intéressantes : l’annulation du label « Safe Harbor » aux États unis
par la Cour de Justice de l’Union européenne[28] par exemple, ou la
décision de la CNIL allemande d’imposer aux entreprises opérant en Europe de ne
stocker les données qu’à l’intérieur de l’Union européenne, et de suspendre les
transferts vers les États-Unis[29]. Là sont de véritables
marqueurs de souveraineté numérique.
Dès lors, si l’on en
revient au concept de « gouvernement
ouvert », il est absolument indispensable de le remettre
dans son contexte : son développement fut l’un des premiers grands
chantiers du président américain Barack Obama en 2009 (à travers l’Open Government Initiative), jusqu’à la fondation de l’Open Government Partnership (OGP) en 2011 – dont Hillary Clinton
fut l’une des principales promotrices. L’OGP compte aujourd’hui des ONG, des
représentants de la « société civile » ainsi que 75 États dont fait partie la France
depuis son intégration en 2014 en tant que 64e pays membre, et qui
en a pris la présidence tournante jusqu’en octobre 2017.
Les termes utilisés par
la mission Etalab pour définir ce concept nous
rappellent étrangement les propos préliminaires de notre intervention : « Le Partenariat
s’attache, au niveau international, à promouvoir
la transparence de l’action publique et la gouvernance ouverte, à
renforcer l’intégrité publique et combattre la corruption, et
à exploiter les nouvelles technologies et le numérique pour
renforcer la gouvernance publique, promouvoir l’innovation et stimuler le
progrès. Au niveau national, il contribue dans chaque pays membre à nourrir le
dialogue entre l’État et la société civile, grâce à l’élaboration de “Plans d’action nationaux” qui visent à faire progresser la transparence, la participation citoyenne
et la modernisation de l’action publique. »[30] De fait, de nombreuses interrogations se font
jour vis-à-vis de la souveraineté numérique, à commencer par l’adhésion
française à l’Open Government Partnership.
Cette adhésion a été
initiée par une feuille de route gouvernementale de février 2013, poursuivie
par le Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique
(CIMAP), et entérinée par une déclaration conjointe du président de la
République François Hollande et du président des États unis mexicains Enrique
Pena Nieto, adoptée les 10 et 11 avril 2014[31]. Dix jours après, la
ministre Marylise Lebranchu annonçait officiellement
l’intention de la France d’adhérer à l’OGP. Pas de concertation du Parlement
donc, ni de concertation citoyenne : la démarche peut paraître aux
antipodes des finalités mêmes de l’OGP, censées favoriser notamment la
transparence de l’action publique et la participation citoyenne à l’élaboration
des politiques publiques.
Le financement de l’OGP
est également source de questionnements : alors que les pays membres
contribuent financièrement à hauteur de quelques dizaines, voire centaines de
milliers d’euros par an pour quelques États[32], la Ford Foundation apporte par exemple une contribution à hauteur
de 800 000 dollars de janvier 2015 à décembre 2016.
L’Omydiar Nedword, fondé
par Pierre Omidyar (fondateur d’Ebay)
apportera quant à elle 3 800 000 dollars entre janvier 2015 et décembre
2019 – somme qui se rapproche de celle versée par la Hewlet
Foundation (fondée par l’un des deux pères de Hewlet-Packard, « HP », l’une des quarante plus grosses entreprises
mondiales) : 3 500 000 dollars de mars 2015 à mars 2019[33]. Dès lors, et si comme
Laocoon « Timeo Danaos et dona ferentes »[34] (« Je
crains les Grecs, même lorsqu’ils font des cadeaux »), nous pouvons légitimement nous poser la
question du poids réel de ces « fondations » – toutes Américaines
et toutes en lien direct avec de grandes multinationales – dans le processus de
décisions et d’orientation de l’OGP par rapport à celui des États et des
peuples.
Le principe de
transparence, figure de proue des gouvernements ouverts, est à son tour un
sujet politique et juridique – à moins que l’on ne pense que « la transparence totale des entreprises et des
gouvernements ne relève pas uniquement d’une décision, mais constitue une
réalité technologique incontournable. »[35] Des questions subsistent
quant à une telle mise en avant par l’OGP alors qu’il n’a en droit français
qu’une valeur constitutionnelle indirecte, et qu’il dispose d’une portée
législative incertaine. Il est au mieux un « principe » (sur lequel se fondent tout de
même des droits fondamentaux), et donc selon le professeur Gérard Cornu « une règle ou une norme générale de caractère non
juridique d’où peuvent être déduites des normes juridiques »[36], c’est-à-dire un mode
d’action s’appuyant sur un « jugement de valeur » auquel sont attachées des obligations juridiques
contraignantes[37].
Sa valeur n’est ainsi pas figée, tout comme son étendue : qu’est-ce qui
doit être transparent ? Il est
évident que certains pans de l’action publique doivent rester opaques (le
domaine diplomatique en est le meilleur exemple), alors que de nombreuses voix
s’élèvent contre les dangers du « tout
transparent »[38]. Aussi, il est amusant de
savoir que les réunions du comité directeur de l’OGP ne sont, elles, pas
ouvertes au public, et que les décideurs publics français sont régulièrement
mis en cause dans des « affaires » (comme en attestent les récentes « affaire Fillon »[39] et « affaire Ferrand »[40]).
Le Partenariat pour un
Gouvernement Ouvert (OGP) prône également la collaboration comme mode de
gouvernance, notamment avec la « société civile » qui, si l’on s’attarde rapidement sur ses
origines, représentait depuis Aristote et Cicéron la communauté politique, la
communauté des citoyens[41]. Mais la vision moderne
dudit concept renvoie désormais à la sphère des intérêts privés des citoyens
qui s’opposerait à une sphère politique institutionnelle distincte et distante[42]. De fait, il comprend
aujourd’hui des organisations, des associations, des ONG, des lobbies et autres
think tanks qui officiellement ont un caractère non
gouvernemental et non lucratif, mais qui peuvent très bien défendre des
intérêts privés. Or, sauf à considérer comme Bernard Mandeville[43] ou Adam Smith[44] que la somme des intérêts
privés constitue l’intérêt général, il semblerait que l’OGP défend une certaine
vision de la façon de gouverner.
L’encouragement de la participation citoyenne est une autre mission de
l’OGP, mais encore une fois : un regain de l’intérêt des citoyens pour la
Chose publique (si désintérêt réel il y a, ce qui est tout à fait contestable)
ne sera pas possible en ajoutant une simple touche numérique au processus de
décision politique, comme en atteste l’expérience constitutionnelle islandaise[45].
Enfin, l’ouverture des
données défendue par l’OGP part d’un a priori, celui que le simple citoyen
s’intéressera à ces données, pourra les comprendre et les réutiliser. Or,
l’open data favorise d’une part les « initiés » qui savent comment réutiliser ces données et qui
en comprennent les enjeux – c’est-à-dire une minorité de citoyens, et d’autre
part les grandes entreprises qui disposent de grandes capacités de traitement
et qui pourraient, à terme (et c’est déjà le cas dans de nombreux domaines),
concurrencer le service et l’action publics, sans pour autant être guidées par
l’intérêt général et le bien commun.
Les gouvernements ouverts
et l’OGP posent donc de véritables questions de souveraineté qui nous amènent à
réfléchir sur la pertinence de ces concepts, sur leurs définitions et leurs
contours[46],
mais surtout sur la façon dont nous souhaitons souverainement nous en emparer.
La France se doit d’être un moteur dans cette nouvelle démarche, un moteur qui
sait fermement où il veut et ne veut pas aller.
[1] E. Morozov, Pour tout résoudre cliquez ici, Éditions
Fyp, 2014.
[2] H. Guillaud, « Peut-on lutter contre le “solutionnisme” ? », 6 novembre
2016 (consulté le 15 janvier 2017), http://internetactu.blog.lemonde.fr/2016/11/06/peut-on-lutter-contre-le-solutionnisme/#xtor=RSS-32280322.
[3] S. Snow, “How
Soylent and Oculus Could Fix the Prison System (A Thought Experiment)”, 23 septembre 2016 (consulté le 15 janvier 2017):
[4] E. Schmidt,
« The World around us », conférence Zeitgeist 2012,
15 octobre 2012.
[5] S. Johnson, Future
perfect: The case for progress in a networked age, Penguin, 2012.
[6] Pour une
définition et une analyse synthétiques du concept : W. Gilles, “Open Government and Democracy: the French case”, 4th international conference on Democracy as Idea and Practice at
Oslo, 10-11 janvier 2013, [en ligne]:
http://www.uio.no/english/research/interfaculty-research-areas/democracy/news-and-events/events/conferences/2013/Programme/open-gov-in-france(vdef20130107).pdf.
[7] Pour lire l’ensemble des interventions de
ces 1res Journées universitaires sur les enjeux des gouvernements ouverts (Academic
Days on Open Government Issues) cf. la page
dédiée du site de l’IMODEV :
http://cms.imodev.org/nos-activites/europe/france/academic-days-on-open-government-issues-december-5-6th-2016-paris-france/videos/.
[8] S. Desrochers,
« Lawrence Lessig : étude de la paternité d’une théorie normative
du Cyberespace », décembre 1999,
[en ligne] :
http://lthoumyre.chez.com/uni/etd/03/
regu01.pdf ;
Pour lire
l’ensemble des travaux du professeur L. Lessig :
site de la Harvard Law School,
http://hls.harvard.edu/faculty/directory/10519/Lessig/ publications.
[9] J. Bodin,
Les six livres de la République (morceaux
choisis), éditions confluences, 1999 ; G. Muhlmann, Histoire des idées
politiques, PUF, 2012.
[10] Article 3 de la Constitution française
du 4 octobre 1958.
[11] D. Cuny,
« Le flop (coûteux)
du cloud souverain à la française, suite et fin », site Nouvel
Obs, 3 décembre 2015 (consulté le 15 janvier 2017) :
http://tempsreel.nouvelobs.com/rue89/rue89-economie/20151203.RUE1524/le-flop-couteux-du-cloud-souverain-a-la-francaise-suite-et-fin.html
;
S. Cassini, « Cloud souverain, un gâchis à la française », site Les Échos, 24 février 2015 (consulté le
15 janvier 2017) :
http://www.lesechos.fr/24/02/2015/LesEchos/21884-030-ECH_cloud-souverain--un-gachis-a-la-francaise.htm ;
F. Gueham, « Cloud souverain : la
bataille est-elle perdue ? », 17 juin 2016 (consulté le 15 janvier
2017), site Contrepoints, https://www.contrepoints.org/2016/06/17/256937-bataille-souverainete-donnees-perdue-davance.
[12] « is Cuiusvis errare: insipientis
nullius nisi, in errore perseverare ». Cicéron, Discours, tome 20 : Philippiques V-XIV,
les Belles Lettres, 2003.
[13] D. Cuny, « Pourquoi Quareo n’a pas créé le “Google européen” », site La Tribune, 29 mars 2013 (consulté le 15
janvier 2017) :
[14] Y. Eudes, « Qwant, le petit moteur de recherche anonyme qui monte », site
Le Monde, 22 juin 2016 (consulté le
15 janvier 2017) :
http://www.lemonde.fr/pixels/article/2016/06/22/qwant-le-petit-moteur-de-recherche-anonyme-qui-monte_4955968_4408996.html.
[15] Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une
République numérique.
[16] E. Berretta, « La souveraineté numérique : ce dossier qui effraie Hollande et Valls », site
Le Point, 13 janvier 2016 (consulté
le 15 janvier 2017) :
[17] R. Péchard, « Développer un OS souverain made in France, combien cela coûte ? », site
Numerama,
20 janvier 2016 (consulté le 15 janvier 2017) :
http://www.numerama.com/business/139709-developper-un-os-souverain-combien-cela-coute.html.
[18] R. Fléchaux, « OS souverain : un “non-sens” pour l’ANSSI », site
Silicon, 26 janvier 2016 (consulté le
15 janvier 2017) :
http://www.silicon.fr/os-souverain-non-sens-anssi-136938.html.
[19] B. Benhamou, « Les
contresens de la souveraineté numérique », site Les Echos, 29 janvier 2016 (consulté le
15 janvier 2017), http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/
cercle-148468-le-contresens-de-la-souverainete-numerique-1196326.php.
[20] A. Piraina, « L’OS souverain made in France existe déjà : découvrez CLIP », Site
Numerama,
14 janvier 2016 (consulté le 15 janvier 2017), http://www.numerama.com/
tech/138683-los-souverain-made-in-france-existe-deja-decouvrez-clip.html.
[21] http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/3318/CION_LOIS/CL129.
asp (consulté le 15 janvier
2017).
[22] Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, 27 avril 2016.
[23] R. Delmas, « L’Internet, gouvernance d’un monde incertain », Revue française d’administration publique, 2004/2 n° 110,
pages 217 à 224 ; P.
Türk, « La souveraineté des États à l’épreuve d’Internet », Revue du droit public, n° 6, 1er novembre 2013,
page 1489 ; B. Benhamou, « Les enjeux politiques de l’architecture et de la
régulation de l’Internet », Les cahiers du numérique,
2002/2 vol.3, pages 197 à 212.
[24] https://www.icann.org/fr
[25] https://www.w3.org/
[26] https://www.ietf.org/
[27] https://www.iab.org/
[28] O. Tambou, « Propos libres autour de l’invalidation par la CJUE de la décision Safe
Harbor », Site Dalloz Actualités, 9
octobre 2015 (consulté le 15 janvier 2017) :
[29] C. Stupp, “La CNIL allemande interdit aux géants du net de stocker leurs données
hors d’Europe ”, Site Euractiv, 30 octobre 2015 (consulté le 15 janvier 2017) :
[30] Le blog de la mission Etalab, [en ligne], consulté le 15 janvier 2017 :
[31] « La
France rejoint le Partenariat pour un Gouvernement Ouvert », Le portail de la modernisation de l’action
publique, 24 avril 2014 (consulté le 15 janvier 2017) :
http://www.modernisation.gouv.fr/laction-publique-se-transforme/en-ouvrant-les
donnees-publiques/france-rejoint-open-governement-partnership-ogp.
[33] Ibid.
[34] Virgile, Énéide, Folio, 1991.
[35] Don Tapscott, in E. Morozov, Pour tout résoudre
cliquez ici, op. cit.
[36] J. Marchand, « Réflexions
sur le principe de transparence », Revue du droit public, n° 3, 1er mai 2014, p. 677.
[37] Ibid.
[38] L. Lessig, “Against transparency”, site New Republic,
9 octobre 2009 (consulté le 15 janvier 2017), https://newrepublic.com/article/70097/against-transparency
[39]
http://www.lefigaro.fr/politique/2017/07/07/01002-20170707ARTFIG00124-costu mes-offerts-a-fillon-bourgi-raconte-comment-il-a-appuye-sur-la-gachette.php
[40] http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2017/07/07/01016-20170707ARTFIG 0009
3-richard-ferrand-a-ete-entendu-par-les-enqueteurs.php
[41] R. Laudani, « Aux origines de la société civile », site Le Monde diplomatique, septembre 2012,
pages VI et VII (consulté le 15 janvier 2017) :
[42] Ibid.
[43] B. Mandeville, La fable des abeilles, Librairie philosophique J. Vrin, 1974.
[44] A. Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations,
Economica, 2000.
[45] A. Calvez, « Islande,
une Constitution citoyenne », site Médiapart, 2 mars 2012 (consulté le 15
janvier 2017) :
https://blogs.mediapart.fr/adrien-calvez/blog/020312/islande-une-constitution-citoyenne ;
V. Forquenot de La Fortelle, « La réforme
constitutionnelle islandaise ou les aléas de la démocratie participative
numérique », site Les chevaliers des grands
arrêts, 15 novembre 2011 (consulté le 15 janvier 2017) :
https://chevaliersdesgrandsarrets.com/2011/11/15/la-reforme-constitutionnelle-islandaise-ou-les-aleas-de-la-democratie-participative-numerique/
[46] Pour prolonger la
réflexion : S. Adler, “Why the Open Government Partnership needs a
reboot”, site Global Investigative
Journalism Network, 12 décembre 2015 (consulté le
15 janvier 2017) :
http://gijn.org/2015/12/12/why-the-open-government-partnership-needs-a-reboot/