Par Catherine MARCHAL-GRALITZER,
doctorante à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Le
traitement de la dette obligataire, au centre de l’actualité depuis la crise de
2008, n’est qu’une préoccupation relativement récente des acteurs économiques
au regard de l’histoire du droit des entreprises en difficulté.
Le premier emprunt
obligataire fut lancé en France par François Ier, en 1522, sous la
forme d’une rente perpétuelle pour financer la guerre en Italie[1]. Outil privilégié du financement de l’Etat, ce n’est
qu’à la fin du XIXe siècle que la technique de l’emprunt obligataire
connut la faveur des acteurs privés. Vers 1850, le Crédit Foncier de France,
suivi par plusieurs entreprises porteuses de projets industriels nécessitant
d’importants investissements, eurent pour la première fois recours à ce mode de
financement pour le développement de leur outil d’exploitation. Son
développement connut un essor particulier au lendemain de la seconde guerre
mondiale où l’indemnisation des actionnaires expropriés s’effectua par le biais
d’émissions obligataires, certaines bénéficiant même d’un statut particulier[2].
La loi du 24 juillet 1867
sur les sociétés par actions ignorait néanmoins la situation des obligataires,
peu représentés à l’époque. Les quelques émissions massives faisaient ainsi
l’objet de dispositions spécifiques et ponctuelles[3]. En l’absence de statut légal, le contrat de
souscription était donc assimilé à un contrat de prêt[4] et relevait des dispositions du code civil. Le
porteur d’obligations, dans ses rapports avec la société débitrice, se voyait
appliquer la rigueur du droit des contrats, alors même que la complexité du
lien l’unissant à la société et aux autres souscripteurs démontrait, déjà,
qu’il était bien plus qu’un créancier ordinaire. Détenteur, comme tout
créancier chirographaire, d’un droit de gage général sur le patrimoine de
l’entreprise au sens des articles 2284 et 2285 du code civil[5], l’obligataire n’en n’était pas moins un créancier
d’un type particulier, sui generis[6], éloigné dans ses préoccupations du créancier
traditionnel de l’entreprise.
En dehors de toute limitation légale de la somme
globale à émettre, ce placement, réputé sans risque, se révéla vite être, dans
le cadre de certaines émissions, un véritable leurre. Avec un endettement
obligataire hors de proportion, représentant parfois jusqu’à dix fois le
capital social, le gage offert par certaines entreprises ne fut plus
qu’illusoire[7] et les
liquidations en chaine devinrent légions. La fin du XIXe siècle fut
ainsi marquée par de gros scandales financiers, où les obligataires, spoliés,
se trouvèrent totalement démunis. On trouva alors des avocats pour plaider leur
cause perdue[8] et
partout des voix s’élevèrent contre une situation qualifiée d’injuste. Car si
l’actionnaire était à même de faire valoir ses droits au sein des assemblées
générales, sous couvert de l’intérêt social, l’obligataire, assimilé à un
simple créancier, n’avait voix au chapitre tout au plus que dans le cadre d’un
contentieux mené dans la solitude et, le plus souvent, la méconnaissance de ses
droits. Dans le pire des cas, il lui fallait attendre la liquidation où, noyé
dans la masse des créanciers chirographaires, il ne pouvait faire entendre ses
revendications.
Face à l’adversité, l’être humain fait
naturellement valoir ses instincts grégaires. Tant qu’aucune contrainte ne
menaçait l’unité de la créance obligataire, les droits de chacun des porteurs
s’exerçaient à titre individuel, comme autant de petites créances indépendantes,
sans autre lien que celui crée par l’émission. C’est la survenance de
difficultés, à même de causer un préjudice à l’ensemble des obligataires, qui
rendit nécessaire la mise en place d’une défense unitaire, « d’une
représentation collective et peut être de renonciations
majoritaires destinées à éviter le pire »[9]. L’idée selon laquelle les obligataires trouveraient
une meilleure protection dans le cadre de la collectivité fit alors jour, la
renégociation du contrat d’émission s’analysant comme le moindre mal face au
spectre de l’aggravation des difficultés et du risque de faillite. C’est ainsi
que la représentation collective, aujourd’hui érigée comme un principe
gouvernant l’action de l’obligataire de la naissance de son droit à son
extinction, se développa à la fin du XIXe siècle dans un contexte de
crise économique.
Si
la figure du mandat[10] fut un temps retenu, avec les difficultés qu’elle
pouvait entrainer[11], c’est essentiellement sous la forme du groupement
conventionnel que s’est organisée la défense des obligataires. L’exemple le plus ancien remontrait à
l’affaire des verreries Ricarmes et de cuivres Lyon-Mâcon, en 1884. A cette époque, la constitution d’organismes
assurant la défense des obligataires, par le choix de représentants et la
constitution d’assemblée générales, se développa tant à l’initiative des
obligataires qu’à celle des sociétés débitrices, lesquelles trouvèrent en cette
technique le meilleur outil pour l’obtention d’un allègement des conditions de
remboursement de l’emprunt, à la faveur d’un fait majoritaire contractuellement
instauré. Aux fins d’une représentation unitaire, les droits et actions des
obligataires se trouvaient par ailleurs centralisés, dans l’intérêt de tous,
entre les mains d’un représentant, autorisé à agir au nom de la collectivité
par décision majoritaire[12].
Les praticiens de l’entreprise en difficulté et les
tribunaux de Commerce virent très vite l’utilité à tirer de ces groupements
dans le cadre de l’adoption des plans et de leur mise en œuvre. Cette pratique
fut ainsi largement utilisée, de 1890 à 1917, à l’occasion de concordats de
majorité dont l’homologation entrainait l’adhésion de plein droit aux statuts
d’une association ou société civile. Le représentant des obligataires se
trouvait alors investi d’un droit de contrôle sur la réorganisation de
l’entreprise dont il rendait compte auprès de l’assemblée des obligataires en
élaborant un rapport. S’établissait alors un véritable droit de regard des
obligataires sur l’activité de l’entreprise, auquel s’ajoutait parfois un droit
d’intervention dans la gestion, encadré sous certaines conditions[13].
En 1895, dans l’affaire de
la Compagnie de chemins de fer Argentins[14], une option fut ainsi offerte aux obligataires,
lesquels eurent à choisir entre (i) un remboursement de 20% de la créance en 5
annuités égales et (ii) l’échange des titres anciens contre des titres
nouveau de même valeur nominale mais à intérêts variables et subordonnés au
bénéfice. Dans cette dernière hypothèse, les obligataires adhéraient de plein
droit à un syndicat, investi de pouvoirs très larges concernant le contrôle de
l’entreprise, et dont les administrés étaient autorisés à assister aux réunions
du conseil d’administration ainsi qu’aux assemblées générales d’actionnaires[15].
Quelques années plus tard,
l’affaire de la Compagnie de chemins de fer de Santa-Fé[16] fut, elle, l’occasion d’une utilisation au profit de
la procédure d’un groupement contractuel préexistant. Le soutien sans faille du
« syndicat des obligataires », qui se traduisit notamment par une
autorisation donnée à l’entreprise d’émettre de nouveaux emprunts jouissant
d’une priorité sur les droits des obligataires concordataires, permit à la
Compagnie française du chemin de fer du chemin de Santa Fé de « recouvrer,
en moins de vingt ans, la libre et entière disposition de ses résultats d’exploitation
»[17]. Ces deux affaires sont des illustrations précieuses
d’une procédure intelligemment menée où la collaboration entre débiteur et
créanciers obligataires, exempte de toute défiance, fut gage de réussite.
Cette initiative de la
pratique validée par tribunaux, fut vite reprise par le législateur, qui, après
diverses tentatives[18], mit un point final à l’élaboration d’un droit
spécial des obligataires avec le Décret-loi du 30 octobre 1935[19]. Empreint d’une volonté protectionniste clairement
affichée et relativement atypique[20], ce texte fondateur instaure le groupement de plein
droit des porteurs d’une même émission, pour la défense de leur intérêt commun,
en une masse jouissant de la personnalité civile. Traduction de la convergence
d’intérêts individuels, regroupés par le hasard des souscriptions, la masse des
obligataires devint le vecteur légal de la conservation du principe d’égalité
présidant à leur regroupement. Pour mieux assurer ce maintien, le décret-loi
institua la figure du représentant des obligataires, seul autorisé à agir en
leur nom pour tous les actes de gestion et toutes actions en justice ayant pour
objet la défense de leur intérêt commun. A l’ouverture d’une procédure
collective, le représentant déclarait la créance globale résultant de l’emprunt
obligataire et votait, au sein des assemblées de créanciers au nom de la masse,
sur les éventuelles modifications des modalités de remboursement proposées par
le syndic. Ces dispositions, reprises et modernisées par la loi de 1966 sur les
sociétés, sont, pour l’essentiel d’entre elles, encore en vigueur aujourd’hui
et désormais codifiées aux articles L. 228-38 et s. du Code de commerce.
Novateur et audacieux, ce
texte fut l’objet de toutes les attentions à sa promulgation. Une littérature
foisonnante, se livrant à une analyse tant élogieuse qu’acerbe du nouveau
régime des obligataires souleva l’enthousiasme des différents commentateurs de
l’époque. Puis, à l’euphorie des premiers instants succéda l’épreuve de la mise
en pratique, que le décret-loi releva, là encore, non sans certains heurts. Le
texte se révéla néanmoins plutôt souple à l’usage et ce n’est finalement qu’au
tournant des années 2000 qu’il suscita de nouvelles préoccupations.
Si la première partie du
20e siècle fut essentiellement marquée par la définition d’un statut
légal propre à l’obligataire, l’éloignant définitivement du créancier lambda, la seconde moitié du 20e
siècle fut l’occasion d’une progressive abolition de la frontière, autrefois
nettement établie, entre actionnaire et obligataires[21]. Mené dans le contexte plus large de la
diversification des valeurs mobilières[22], ce rapprochement s’est ainsi traduit par le
développement de titres mixtes[23] où le titre primaire revêtait la forme d’une
obligation.
La diversification du
titre obligataire, rendue nécessaire par la volonté de multiplier des sources
de financement attractives, s’opéra cependant par simple accumulation de
strates législatives[24]. A chaque titre obligataire correspondait un régime
légal propre, et ce au détriment d’une certaine cohérence entre les textes[25]. Ainsi et selon le titre concerné, il fallait se
reporter tantôt au régime des obligations simples[26], tantôt aux dispositions spéciales relatives aux OBSA[27], OCA[28] ou OEA[29], tantôt, enfin, aux dispositions relatives aux
valeurs mobilières donnant droit à l’attribution de titres représentant une
quotité du capital[30], lorsque le titre à émettre ne relevait d’aucun
régime spécial. L’ordonnance du 24 juin 2004[31], portant libéralisation de l’émission des valeurs
mobilières[32] vint mettre un terme à cette problématique en
remplaçant les dispositions éparses par un régime général des valeurs
mobilières donnant accès au capital ou à l’attribution de titres de créances[33]. Dans ces conditions, le recours à l’emprunt
obligataire connut un véritable essor. La souplesse de l’instrument, associée à
la créativité des praticiens, en fit un produit de plus en plus sophistiqué que
les acteurs tant français qu’internationaux du
« capital-investissement » ne tardèrent pas à s’approprier.
Développées aux Etats-Unis
dès la fin de la seconde guerre mondiale, les opérations de
capital-transmission se heurtèrent en France à l’obstacle du monopôle bancaire[34]. L’adaptation à cette contrainte légale se fit alors
par recours à l’émission de titres obligataires dans le cadre d’opérations à
effet de levier - autrement appelées opérations de Leverage Buy Out (LBO). Aux tranches de dettes classiques, dites senior [35] et junior[36], se greffa la tranche mezzanine généralement constituée sous forme d’obligations à bons
de souscription d’actions ou d’obligations convertibles[37]. Le recours aux émissions obligataires se généralisa
également sur ce type d’opération au profit des investisseurs en private equity, qui, pour faciliter la
remontée du cash, prirent l’habitude
de structurer une partie des capitaux propres sous forme d’obligations
convertibles et subordonnées, exerçables en cas de difficultés financières de
la société[38].
L’important développement
de ce mode d’acquisition s’est néanmoins parfois accompagné d’une fragilisation
des structures cibles. Dans une opération de LBO, le remboursement de la dette
d’acquisition portée par la société holding
s’effectue par le biais du versement par la société cible de dividendes, imposant
la maximisation d’un cash-flow
suffisant à assurer le service de la dette. Dans la plupart des cas, cet
impératif se traduit par une réduction drastique des investissements et de la
croissance. Lorsque ce schéma s’accompagne d’un business plan un peu trop optimiste, une évolution imprévue de
l’environnement économique peut parfois mettre à mal l’opération, imposant que
les actionnaires et créanciers s’entendent sur un plan de recapitalisation et
une renégociation des principales caractéristiques de la dette.
La crise financière de
2008 a ainsi précipité de grands groupes industriels, jusqu’alors épargnés par
les difficultés, dans un cycle de renégociation amiable et judiciaire de leur
dette d’acquisition. Les efforts consentis par les créanciers se sont, dans un
premier temps, essentiellement concentrés sur le report et le rééchelonnement
des échéances du crédit. A mesure de l’imminence du « mur de la
dette », les concessions se sont durcies, jusqu’à impliquer des abandons
voire, dans certains dossiers, une prise de contrôle par conversion de la dette
en capital[39].
Dans ce nouveau contexte
économique, le régime spécial des obligataires élaboré en 1935 s’est vite
révélé inadapté, tant au regard des acteurs qu’il avait désormais vocation à
protéger – à savoir essentiellement des investisseurs éloignés dans leur préoccupations
de l’image d’Epinal du bon père de famille - que des nouvelles opérations entrant dans son champ
d’application – lender led, cramdown et autres techniques
« exotiques ». Ce corps de règles protectrices, instituant des
procédures de consultation des obligataires dont l’efficacité n’était plus à
prouver dans le cadre d’une société in
bonis, est alors apparu lourd et complexe face à un impératif de célérité
évident. Cette inadaptation du statut des obligataires au droit des procédures
collectives fut, dès lors, propice aux initiatives de la pratique, prompte à
contourner un dispositif parfois en opposition avec la volonté politique de
sauvegarde de l’entreprise et des emplois attachés.
Dans l’affaire Eurotunnel,
c’est la question des modalités de consultation sur le projet plan des
créanciers obligataires relevant de plusieurs émissions distinctes, effectuées
en euros et en livres sterling, qui s’est ainsi posée. En 2006,
à l’ouverture de la procédure de sauvegarde au profit des sociétés du groupe
Eurotunnel, le droit des procédures collectives posait simplement, à l’article
L. 626-32 C. com., un principe de convocation par l’administrateur judiciaire
« des représentants de la masse » en vue de leur exposer le projet de
plan, à charge ensuite, pour ces derniers, de convoquer « les assemblées
générales des obligataires » aux fins de délibération sur le projet
soumis.
Pour les émissions en euros, cela revenait à
convoquer les assemblées générales de chaque masse des obligataires selon les
dispositions du régime des obligataires (article L. 228-65 C. com., notamment),
l’article 626-32 C. com. n’étant, en somme, qu’une « disposition de
coordination »[40] entre le
régime du droit des procédures collectives et celui du droit des valeurs
mobilières. Dans ces conditions, les assemblées générales de chaque émission en
euro avaient vocation à se prononcer à la majorité des deux tiers des voix dont
disposaient les porteurs présents ou représentés[41].
La question s’annonçait plus délicate pour ce qui
concernait les émissions en livre sterling qui relevaient du droit anglais,
lequel ignore tant le concept de « masse » que celui de
« représentant de la masse ». Une analyse stricte de l’article L.
626-32 C. com. aurait dû mener les administrateurs judiciaires à consulter ces
obligataires selon les modalités du contrat d’émission ou, à défaut, selon les
prévisions du droit anglais, lesquelles prévoient généralement, en la matière,
des conditions de quorum et de majorité différentes selon l’importance des
décisions à prendre[42]. Dans
ces conditions, les assemblées générales de chaque émission en livre sterling
auraient eu à se prononcer sur le projet de plan soumis à une majorité de 75%[43].
Contournant la voie tracée par les articles 626-32
C. com et 228-65 C. com, les administrateurs judiciaires du groupe Eurotunnel
prirent le parti de consulter la totalité des obligataires relevant d’émission
distinctes en deux masses - l’une regroupant les porteurs d’obligations émises
en euros, l’autre regroupant les porteurs d’obligations émises en livres
sterling – qui approuvèrent aux majorités respectives de 82,17% et 69,22% le
projet de plan préalablement soumis au comité des établissements de crédits et
assimilés. Le tribunal de Commerce de Paris[44] arrêta
par suite le plan de sauvegarde des sociétés du groupe Eurotunnel, approuvant
par la même les modalités de consultation des créanciers obligataires – à
savoir, tant le principe d’une consultation unique que d’une majorité à deux
tiers - dont on comprend qu’elles permirent sûrement de passer outre
l’opposition de certains minoritaires. Cette solution, très contestable dès
lors qu’elle contrevenait par ailleurs directement au principe selon lequel les
masses d'obligataires ne peuvent, en aucun cas, délibérer au sein d'une
assemblée commune[45], fut néanmoins
reprise au titre des modifications portées par l’ordonnance du 18 décembre 2008[46].
Le principe de la consultation au sein d’une
assemblée unique de l’ensemble des créanciers titulaires d’obligations émises
en France et à l’étranger (AUO), qui figure désormais à l’actuel article L.
626-32 C. com.., a l’indéniable avantage de la rapidité et de la simplicité. Il
est, en ce sens, empreint d’un grand pragmatisme. Ce principe induit néanmoins
un profond changement de paradigme en instituant une assemblée sui generis, dont l’existence même vient
directement heurter le principe d’égalité sous tendant la notion de masse. A
cet égard, il traduit simplement l’idée selon laquelle l’assemblée unique des
obligataires n’a pas vocation à assurer, à l’instar de l’assemblée générale de
l’article L. 228-65 C. com., la défense de l’intérêt commun des obligataires
relevant d’une même émission, mais plutôt à obtenir l’adoption de concessions à
même de préserver la valeur de l’entreprise et les emplois qui y sont associés.
Cette idée n’est pas choquante dans un contexte
d’entreprise en difficulté où l’intégralité des parties prenantes est amenée à
revoir les modalités du remboursement de sa créance. Elle aurait même gagné à
être plus efficace encore si l’intention d’origine avait été clairement assumée
et promue par les textes. Les ordonnances de 2008 et 2010[47] se sont
ainsi arrêtés à mi-chemin de l’élaboration d’un droit spécial des obligataires
en procédure collective, en s’abstenant de reconnaitre en l’AUO un véritable
troisième comité qui (i) voterait concomitamment aux votes du Comité des
Etablissements de Crédit et Assimilés (CECA) et du Comité des Principaux
Fournisseurs (CPF) et (ii) serait mis en mesure d’apporter , à l’instar de
ces derniers, des modifications au projet de plan soumis au vote et de
soumettre un projet de plan alternatif. En l’état de la rédaction actuelle des
textes, l’AUO n’a ainsi d’autre choix que de marquer son désaccord en sanctionnant
l’adoption du projet de plan par un vote défavorable. Ce manque de souplesse
évident aboutit à remettre entre les mains des obligataires un véritable droit
de véto, préjudiciable tant aux intérêts de l’entreprise qu’à ceux des autres
créanciers pour lesquels l’adoption rapide d’un plan limite la perte de valeur.
Cette illustration n’est qu’un exemple parmi tant
d’autres des nombreux enjeux auxquels sont actuellement confrontés les
praticiens des procédures collectives face à l’endettement obligataire.
L’émergence d'un droit spécial des obligataires en procédures collectives s’est
opérée par adjonctions ponctuelles, au gré des différents besoins identifiés
par la pratique. Si l’essentiel des transformations nécessaires à l’adaptation
des dispositions du décret-loi de 1935 au contexte économique actuel a été
mené, reste à bâtir désormais une théorie générale, seule à même d’assurer
l’efficacité de ce nouveau régime sur le long terme.
[1] V.-M. Thuilliez, « Essai historique sur le titre nominatif et sa transmission »,
Thèse Paris, 1900, p. 96 ; A. Reygrobellet,
« La notion de valeur mobilière », Thèse, vol. 1, n°33 et s.; A. Couret, H. Le Nabasque, « Droit financier », Précis Dalloz, 2e éd., 2012; de H. Vauplane, J.-P Bouere, P. Derouin,
et al., « Titres et emprunts obligataires »,
Tome 1, Banque éditeur, 1998, n° 1.
[2] On citera notamment en ce sens les émissions « Banque de
France » et « Charbonnages de France » M. de Juglart,
B. Ippolito, par du E. Pontavice et J. Dupichot, « Traité de droit commercial », Vol. 2 :
Les sociétés, 3e éd., 1982, n°644)
[3] Voir, en ce sens, les émissions du Crédit foncier
et loi du 11 juin 1880 sur les chemins de fer d’intérêt local cités par F. Azencot in « La protection
des porteurs d’obligations », Thèse, 1938, p. 1.
[4] V. en ce sens, J. Kreher,
« La défense des obligataires », Rousseau,
1938 : « la cause du lien juridique entre l’obligataire et la société
se trouve dans le versement par l’obligataire à la société d’une certaine somme
d’argent à titre de prêt, l’objet du contrat réside : 1°- dans le paiement
d’un intérêt jusqu’au jour du remboursement, 2°- dans le remboursement du
capital à une date certaine fixée suivant les ressources présumées de
l’entreprise débitrice, 3°- parfois dans le paiement soit de primes soit
de lots au moment du remboursement, 4° dans la remise à l’obligataire d’un
titre négociable. »
[5] C. civ., Art. 2284 : Quiconque s'est obligé
personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens
mobiliers et immobiliers, présents et à venir.
C. civ., Art.
2284 : Les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers ; et le
prix s'en distribue entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les
créanciers des causes légitimes de préférence.
[6] H. Jourdain, « De la
situation des obligataires en cas de liquidation amiable, de liquidation
judiciaire ou de faillite de la société débitrice », Thèse Paris, 1932, p. 41
[7] Ibid.
[8] Voir en ce sens la diatribe lancée par J.
Kreher, « La défense des obligataires », Rousseau, 1938, p. 12
s. « Grace aux lacunes d’une législation insuffisante les épargnants ont
été trompés par une publicité aussi forcenée que tendancieuse. On est venu les
solliciter jusqu’à leur domicile. Trop de banquiers, alléchés par une
commission confortable, ont manqué à leur devoir le plus essentiel vis-à-vis de
clients qui mettaient en eux leur confiance. Des démarcheurs irresponsables, à
l’identité mal définie, les ont gorgés de titres sans valeur. Après quoi,
maltraités, dépouillés, dévalués, les obligataires se trouvaient désarmés pour
faire entendre leurs revendications et leurs droits. »
[9] P. Cordonnier, « Le
nouveau régime des obligataires ou porteurs de titres d’emprunts », Sirey, 1936, p. 59
[10] Article 1984 et s. du code civil
[11] Voir, à ce sujet, les développements sur l’application de l’adage
« nul ne plaide par procureur » à la théorie du mandat, F. Azencot, op. cit., p. 25
[12] F. Azencot, op. cit., p. 27
[13] Voir en ce sens les développements de C. Rigot-Muller,
« La fonction économique de l’obligation et la protection des obligataires »,
Thèse Lyon, 1928, p. 107 et E. « Thaller »,
« La construction du droit des obligataires sur la notion d’une société
qui existerait entre eux », Ann. Dr. com. 1894, p. 66 et 67.
[14] Req, 5 nov. 1895, D.P 97.1.113, note Thaller.
[15] G. Hureau, « Pouvoirs des
assemblées obligataires », Thèse Paris 1948, p. 82.
[16] Paris, 27 mai 1903.
[17] G. Hureau, op. cit., p. 82.
[18] On citera ainsi la loi
du 2 juillet 1919, instituant un règlement transactionnel pour cause de guerre,
consacrant à titre temporaire un droit spécial des obligataires, mais également
le projet de loi du 14 novembre 1930, qui prévoyait le regroupement des obligataires
au sein d’une masse et ne vit jamais le jour.
[19] Décret loidu 30 octobre 1935 relatif à la protection des obligataires.
[20] Le législateur étant plutôt enclin au 20e
siècle à protéger le débiteur de ses créanciers, voir en ce sens les
développements de Ripert et Roblot, Traité de droit commercial, Tome 1, vol. 2, Les sociétés
commerciales, 18e éd. LGDJ, n° 1780, p. 530.
[21] F.-X Lucas,
« Retour sur la notion de valeur mobilière », Bull. Joly Soc., 1er aout 2000, n° 8-9, p. 765 ; V. par
ailleurs : I. Ouanes, « Le
régime juridique des valeurs mobilières composées », Paris I, 1992, p.
196 ; F. Peltier, « La
nature juridique des obligations remboursables en actions », JCP E, 1992, n° 24, I, p. 281, spéc. p.
183, n° 16.
[22]F.-X Lucas,
op. cit., A Couret, « Les nouveaux titres représentatifs de fonds
propres », Bull. Joly soc., 1er
mai 1986, n° 5, p. 559.
[23] Bull. mensuel de la COB, n° 49, mai 1973, p. 3.
[24] A. Pietrancosta, « La
protection des valeurs mobilières donnant accès au capital après l’ordonnance
du 24 juin 2004 », op. cit.,
spéc. n° 4.
[25] Pour une analyse complète des différents régimes,
v. I. Ouanes, « Le régime
juridique des valeurs mobilières composées », Thèse Paris I, 1998.
[26] C. com.,
art. L. 228-38 à L. 228-90.
[27] C. com., ancient art. L.
225-150 à L. 225-160.
[28] C. com., ancien art. L.
225-161 à L 225-167.
[29]C. com., ancien art. L.
225-168 à L. 225-176.
[30] C. com., art. L. 228-97.
[31] Ordonnance n°2004-604 du
24 juin 2004 portant réforme du régime
des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à
l'outre-mer de dispositions ayant modifié la législation commerciale.
[32] F. Leplat, « Les valeurs mobilières
composées », LPA, 22 sept. 2005,
n°189, p. 66.
[33] C. com.,
art. L. 228-91 à L. 228-97.
[34] S. Vermeille, « Règles de
Droit et développement des modes de financement alternatifs au crédit bancaire…
Ou l’inadaptation du droit français à l’évolution de l’économie et de la
finance », RTDF, n°2, 2012, p.
41.
[35] Bénéficiant d’une priorité de remboursement, en
principal et intérêts, au sein de la waterfall.
[36] Subordonnée au remboursement de la tranche senior.
[37] J.-D. Daudier De Cassini, A.-S.
Noury, « Obligataires et
procédures collectives », Bull. Joly
Soc. 2009, n°228, p. 1123.
[38] P. Vernimmen, P. Quiry, Y. Le Fur, Dalloz, Chap.
50 : Les LBO, Finance d’entreprise, spéc. 50.9, p. 1022.
[39] On citera en ce sens les dossiers SGD et CPI en 2009, Saur,
Terreal et Vialoc en 2013.
[40] E. Scholastique, G. Bremond, « Réflexions sur la
composition des comités de créanciers dans les procédures de sauvegarde et
redressement judiciaires », JCP
E 2006, 1405, p. 466 s., spéc. n° 20.
[41] C. com. Art L. 228-65.
[42] G. Endreo, « La masse
contractuelle des obligataires : état des lieux et piste de réforme », (C.
com., art. L 228-90), BJB, 31 déc., 2014, n° 12, p. 609).
[43] Majorité généralement retenue pour les décisions
les plus importantes, à savoir, la modification du taux d’intérêts ou du
montant du remboursement.
[44] T. com. Paris, 1ere ch. A, 15 janvier 2007, Eurotunnel, n° RG 2006/079780.
[45] C. com., Art. 228-61 al. 1.
[46] Ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008.
[47] Ordonnance n° 2010-1512 du 9 décembre 2010.