Le pouvoir à l’ère digitale : la «société de l’exposition», réflexion autour de exposed de bernard e. harcourt

par Antonio PELE, Professeur de la Faculté de droit, Université Pontificale Catholique de Rio de Janeiro (PUC-RIO), Brésil.

 

 

Cet article se penche sur les nouvelles relations de pouvoir qui sont en train de prendre forme dans notre ère digitale. Il se base essentiellement sur un commentaire de l’ouvrage de Bernard E. Harcourt : Exposed. Desire and Disobedience in the Digital Age[1]. Notre objectif général cherche à démontrer que les sciences juridiques et politiques ont besoin d’adopter des instruments «critiques» contemporains si elles ne veulent tout simplement pas être absorbées par des intérêts politiques et économiques dont elles feindraient de connaître l’existence et l’étendue. Les ouvrages précédents de B. Harcourt portaient essentiellement sur les régimes contemporains de pénalités et il y disséquait les illusions qui permettaient à ces derniers de fonctionner : l’idée d’un ordre économique spontané, les méthodes actuarielles ou encore, le principe de tolérance zéro[2]. Exposed s’intéresse à un registre différent dans la mesure où son objet d’analyse est notre ère numérique. Il existe cependant une certaine continuité, non seulement, comme nous le verrons, parce que l’auteur détecte de nouvelles logiques nourrissant mutuellement les sphères pénales et digitales, mais aussi et surtout, parce que l’auteur continue à déployer une méthodologie et une théorie critique visant à mieux saisir de nouvelles formes de pouvoir. Il faut donc comprendre Exposed comme un questionnement et un redéploiement créatif des outils d’une théorie critique contemporaine souhaitant détecter et résister à la circulation d’un nouveau type de pouvoir, qui va au-delà (voir en deçà) de la question de l’open government.

Pour ce faire, trois axes semblent traverser Exposed et Harcourt expliquera les tensions et paradoxes qui les soutiennent : Premièrement, notre ère digitale est celle de l’exhibition directe et indirecte des individus, exhibition ou exposition qui a provoqué une production exponentielle de données numériques individualisées et individualisantes. Ces dernières suscitent une exploitation de plus en plus fine et massive de la part de formes inédites de pouvoirs dont les intérêts convergent d’un point de vue politique et économique. Deuxièmement, les individus participent pleinement de la consolidation de ces nouvelles relations de pouvoir, dans la mesure où ce sont eux qui utilisent les produits et services leur permettant d’exhiber, sans aucune contrainte apparente, leurs vies privées et professionnelles. Ils sont donc aussi les architectes de cette société de l’exposition. Troisièmement, de par le jeu de ces deux premières caractéristiques, de nouvelles subjectivités, analogues et digitales, sont en train d’être formées, produisant des «vérités» façonnant constamment les besoins et désirs individuels, et légitimant la circulation encore plus profonde de nouvelles relations de pouvoir. Les économies des plaisirs et du punitif s’imbriquent et s’interpellent mutuellement.

Notre article se divise en deux parties. Dans la première, nous réaliserons un résumé détaillé d’Exposed en ayant le souci d’insister sur la manière dont les nouvelles relations de pouvoirs sont produites dans cette ère numérique. Dans une deuxième et dernière partie, nous réaliserons un commentaire personnel portant plus particulièrement sur la production des nouvelles subjectivités numériques.

§ 1 –  «La société de l’exposition»

Exposed est divisé en quatre parties. La première intitulée Clearing the Ground (Préparer le Terrain) tr ite des métaphores communément utilisées pour critiquer ce pouvoir dont une partie du visage a été révélée à la suite des révélations de Julian Assange, Edward Snowden, Chelsea Manning et autres «lanceurs d’alertes». Parmi ces métaphores, Harcourt en étudie trois : celle du Big Brother tiré bien entendu du roman 1984 de George Orwell, celle de l’État de Surveillance et enfin celle du Panoptique de Jérémy Bentham.

Il ne s’agit pas pour l’auteur de renier l’intérêt de ces figures afin de saisir les relations de pouvoir dans notre société — dans chaque cas leurs qualités respectives sont abordées — mais d’indiquer leur insuffisance si l’on souhaite capturer comment de nouvelles formes de pouvoir se déplacent aujourd’hui de manières inédites.

Dans le cas du Big Brother, par exemple, souvenons-nous qu’il s’agissait dans le roman de Orwell d’une dystopie totalitaire où les désirs, la sexualité, les sentiments altruistes et les libertés étaient neutralisés. Dans notre ère digitale au contraire, les individus sont poussés à devenir des «machines numériques désirantes», en montrant et en partageant leurs préférences personnelles (songeons au «likes» de Facebook, aux commentaires et aux photos postés en ligne). Il ne s’agit donc plus de réprimer les désirs et les passions, mais bien au contraire de les débrider et de les afficher librement et avec notre consentement.

La deuxième métaphore est celle de l’État de Surveillance que l’auteur retrouve aux deux extrémités de l’éventail politique et aussi à un point intermédiaire. Premièrement, cette image est utilisée par ceux qui défendent la politique des autorités américaines à la suite du 9 septembre 2001. L’État devait en effet utiliser tous les moyens de surveillance disponibles dans sa guerre contre le terrorisme. Deuxièmement et à l’opposé, certains utilisent cette figure pour dénoncer un État qui agît contre les intérêts de ses citoyens. La troisième voie – intermédiaire – a été incarnée par l’administration du Président Obama. En souhaitant justifier ses interventions par un système de régulation indexé sur les analyses coûts/bénéfices, elle tentait renvoyer l’image d’une «surveillance de protection» de type New-Deal [p. 59]. Il s’agit en outre de cette même administration qui, à la suite des révélations de Snowden, adopta la USA Freedom Act (juin 2015) faisant en sorte que les milliards de données enregistrées quotidiennement par les agences de surveillances américaines sont désormais stockées et gérées par les grandes compagnies privées de télécommunication[3]. Dans cette partie, Harcourt nous présente un projet du XVIIIe siècle, Mémoire sur la réformation de la police de France, soumis au Roi en 1749 par M. Guillauté, illustré de 28 dessins de Gabriel de Saint-Aubin, où son auteur, Guillauté, proposait au Roi une parfaite surveillance policière de son royaume. Le cœur de cette réforme, en plus d’un nouveau découpage du territoire, était une machine, le «serre-papiers ». Située dans une salle, elle devait pouvoir récolter et organiser une centaine de milliers d’informations sur les activités du royaume dont le contenu était analysé par plusieurs commis affectés à la tâche. Au-delà des continuités qui peuvent apparaître entre ce projet utopique et les programmes de la NSA, comme PRISM, XKeyscore et Fairview, il est néanmoins difficile de détecter aujourd’hui un acteur souverain, l’État, pilotant seul cette entreprise d’espionnage et de surveillance. Il s’agit plutôt d’une nouvelle forme de gouvernementalité où des entreprises comme Google, Microsoft, Facebook, Amazon collaborent activement avec les services d’intelligence, les services d’ordre (dont la police), l’armée (et son industrie), les entreprises publicitaires et de marketing, les compagnies d’assurances, et les start-ups de la Silicon Valley. Tous ces agents dessinent un amalgame d’acteurs qui nourrissent et enregistrent les existences digitales des individus. Nous ne pourrions donc plus parler d’un État de surveillance, d’un «open government», mais d’une pléthore d’acteurs privés et publics, dont les intérêts convergent fréquemment et redéfinissent cette forme de pouvoir qui circule à travers ce monde digital.

La troisième métaphore à laquelle Harcourt souhaite montrer les limites pour comprendre notre situation contemporaine est, comme nous l’avons indiqué plus haut, le Panoptique de Bentham et en particulier, tel qu’il a été popularisé par Foucault. Cette figure pouvait en effet décrire le principe général qui accompagna aux XVIII et XIXes siècles une technologie politique de type disciplinaire. Comme Foucault le décrit dans Surveiller et punir, il s’agissait en effet d’induire «chez le détenu un état conscient et permanent de visibilité» qui assurait le «fonctionnement automatique du pouvoir». C’était un pouvoir «visible et invérifiable» qui pouvait décrire l’ensemble des «rapports du pouvoir dans la vie quotidienne des hommes». Selon la célèbre formule de Foucault : «L’Antiquité avait été une civilisation du spectacle […]. L’âge moderne pose le problème inverse : procurer à un petit nombre, ou même à un seul la vue instantanée d’une grande multitude»[4]. Cependant, sous cette ère digitale, il n’est plus guère besoin de discipliner les individus. Ces derniers exposent volontairement leurs identités sans avoir à intégrer la visibilité d’un pouvoir qui les surveillerait. Ni la surveillance, ni le spectacle donc, mais l’exhibition, l’exposition consciente et volontaire de chacun par le truchement d’interfaces digitales. Nous aurions maintenant affaire à une sorte de «voyeur oligarchique qui profiterait de notre exhibitionnisme» [p.90]. Ainsi, avance Harcourt, dans cette nouvelle «forme de pouvoir de l’exposition», les supports numériques sont utilisés pour produire des récits de soi, façonnant et recréant les différentes subjectivités [p. 92]. Sous cette distribution numérique et contemporaine des relations de pouvoir, les personnes ne souffrent pas le joug d’une discipline des corps ou d’une contrainte morale, mais participent pleinement et avec enthousiasme de cette société de l’exposition.

La deuxième partie d’Exposed est consacrée à «La Naissance de la Société de l’Exposition» (The Birth of the Expository Society) et est également divisée en trois sous-parties. Dans la première, l’auteur traite de la structure architecturale qui pourrait représenter au mieux la cette société. De façon créative et originale, B. Harcourt remarque que certains pavillons en verre à effet de miroir, tels que ceux de l’artiste Dan Graham, Hedge Two-Way Mirror Walkabout, pourraient illustrer cette fin. Faits de verres réfléchissants et de poutrelles en acier, la Promenade Miroir est une structure qui suit une courbe en S et qui reflète les bâtiments environnants et les personnes se promenant aux alentours. Par ses jeux de miroir, de transparence, de distorsion et d’opacité, cette œuvre pourrait en ce sens condenser l’expérience de l’exhibition des existences digitales[5]. Afin de saisir cette production de l’exposition, tout comme Foucault le faisait à l’égard du Panoptique, Harcourt en dégage les six caractéristiques principales : 1. La transparence virtuelle, qui s’articule autour du divertissement, des désirs individuels et de cette technologie de la «connaissance totale» (Big data); 2. La séduction virtuelle qui nous pousse à utiliser des dispositifs menant à l’exposition de notre personne; 3. L’opacité dans la mesure où les véritables objectifs des principaux acteurs sont cachés et ne sont que partiellement dévoilés; 4. L’authenticité virtuelle qui revendique la connaissance et l’expression de notre «moi» véritable; 5. Les récits digitaux où les individualités numériques sont produites par un processus permanent d’opinions et d’histoires personnelles; 6.  Les aveux digitaux où les révélations que nous produisons à l’égard de nous-mêmes (selfies, commentaires en ligne, etc.) trahissent, entre autres, un profond désir de reconnaissance. Ces six dimensions réaliseraient ainsi la prouesse de nous faire croire que nous pouvons tout savoir sur tout et sur nous-mêmes, et simultanément nous faire oublier que nous sommes localisés, épiés, construits et reconstruits en permanence [p. 131]. Enfin, B. Harcourt remarque que cette société de l’exposition a été construite il y a à peine plus d’une dizaine d’années donnant lieu, en particulier, à de nouveaux secteurs d’activités tels que le Big Data et le Data Mining. Grâce aux progrès techniques, nos informations peuvent faire l’objet désormais d’un stockage illimité et surtout, être traitées avec à chaque fois plus de finesse et de pertinence. En citant un rapport, l’auteur relève qu’en 2012, 2,5 exbioctets de données étaient produites chaque jour, ce nombre doublant tous les 40 mois [p. 132], données dont les deux tiers seraient générés – gratuitement et involontairement – par les usagers/consommateurs [p. 137]. Au XXIe la production de données – de la part des propres individus – est donc exponentielle, réutilisée – à prix d’or – par une myriade d’acteurs dont les activités recoupent presque tous les domaines économiques et politiques.

La deuxième sous-partie de La Naissance de la Société de l’Exposition est l’une des plus remarquables de l’ouvrage dans la mesure où elle définit avec une grande perspicacité l’une des structures qui sous-tendraient la constitution de nos nouvelles identités numériques. Harcourt traite ainsi d’«Une Généalogie de la Nouvelle Logique du Doppelgänger». Ce dernier terme, dont l’origine serait tirée du folklore allemand mais fréquemment utilisé en langue anglaise, fait référence à notre «double», un double qui n’est pas nécessairement notre sosie, mais quelqu’un dont les traits sont suffisamment proches pour faire en sorte qu’il nous ressemble. Cette logique –  dont l’auteur trace subtilement un contre-exemple dans l’affaire Martin Guerre – consiste à «trouver la personne qui corresponde à notre style de consommation et à notre comportement digital, et à utiliser cette personne afin d’anticiper chacune de nos actions». Songeons ainsi – continue Harcourt – aux suggestions de films que nous «recommande» Netflix, basée sur notre dernier visionnage. Il s’agit, souligne l’auteur, d’un «ruban de Möbius» sans fin qui circule entre nous. Cette logique consisterait donc à «modéliser le comportement de ce double afin de connaître le nôtre, et vice et versa, dans un processus formant réciproquement les désirs de chacun» [pp. 145 et 146]. Avec une grande sagacité, Harcourt montre comment cette Doppelgänger logic diffère fondamentalement de deux autres logiques : le modèle actuariel et l’analyse statistique. Il s’agit pour le premier de classifier les individus en fonction des groupes auxquels ils appartiennent et de prévoir leur comportement en fonction de certaines variables spécifiques et limitées. Le second modèle consiste à recueillir et à traiter toujours plus de données afin d’optimiser les processus de décision et d’évaluer les moyens utilisés et les objectifs qui ont été atteints. Ces deux logiques continuent bien sûr d’exister, mais nous voyons aujourd’hui en apparaître une autre, celle du Doppelgänger, qui ne vise plus tellement à établir des liens de causalité, des rapports de cause à effet, mais des ressemblances, des «correspondances idéales», des «combinaisons parfaites» [pp. 162 et 163]. Harcourt dissocie avec justesse la logique du néolibéralisme du pouvoir sécuritaire afin de comprendre l’empreinte de la première dans notre société numérique [p. 97]. Nous pourrions peut-être considérer que ce modèle du Doppelgänger permettrait, à son tour, d’attacher cette société de l’exposition à cette même logique néolibérale. En effet, et en suivant Foucault, celle-ci peut aussi chercher à ne pas agir directement sur l’individu, mais sur son milieu, son environnement. Cet environnement serait désormais numérique et serait incarné plus spécifiquement par ce double, un double auquel l’individu réagirait en fonction des nouvelles variables introduites, en fonction des «oscillations de comportements»[6]. Dans tous les cas, dans ce nouvel agencement, les critères moraux ont une place de plus en plus réduite. slor que  démocratiaque""expositoire aurait pu se développer grilité politique à travers d'ulation, en partant de la serait aussEn effet, et particulièrement dans la troisième sous-partie, L’Éclipse de l’Humanisme, B. Harcourt montre que le développement de cette ère digitale et de la nouvelle distribution de pouvoir qui la soutient s’est réalisé en concomitance avec l’érosion des valeurs humanistes traditionnelles telles que, en particulier, le souci de préserver notre vie privée. Désormais, cette dernière serait devenue une «marchandise» et ne serait plus conçue comme une qualité inhérente et précieuse de chaque individu. Cette tendance s’appliquerait non seulement à d’autres valeurs (dignité, autonomie, épanouissement de soi) mais s’inscrirait aussi dans un mouvement plus large, particulièrement soutenu par certaines décisions de la Cour Suprême des États-Unis (et un agenda politique de type sécuritaire), qui viserait à réfuter toute essence morale et spirituelle chez l’individu et à l’appréhender uniquement en fonction de l’approche des choix rationnels et substituables.

La troisième et avant dernière partie de l’ouvrage est dédiée au «Dangers de l’Exposition Digitale» (The Perils of Digital Exposure). L’auteur traite premièrement de la disparition des frontières qui définissaient jusqu’à présent et de façon quelque peu conventionnelle les domaines respectifs de l’Etat, de l’économie et de la société. En montrant par exemple comment les pratiques de surveillance épaulées par les technologies de pistage (tracking technologies) circulent dorénavant dans le monde de l’entreprise, dans l’enseignement et bien entendu, afin de profiler les consommateurs et les clients, une reconfiguration inédite entre ces trois domaines est en train de prendre forme. L’auteur nous révèle par exemple l’existence légale d’un marché de courtage de données (data brokerage market) estimée chaque année à plus de 150 milliards de dollars où les clients (comme les compagnies d’assurance) peuvent, par exemple, se procurer la liste de victimes de viol dont la valeur serait de 79 $ pour 1000 noms [p.199]. «Mieux encore», la compagnie Acxiom aurait en sa possession une liste de données concernant 500 millions de consommateurs dans le monde, avec plus de 1500 données cibles par individu [p. 204][7]. Dans cette situation, il est donc vain d’utiliser une rhétorique libérale consistant à contrecarrer les interventions de l’État, de parler seulement d’«open government» puisque d’autres formes de pouvoir de type non étatique configurent aussi cette gouvernementalité digitale et néolibérale.

Harcourt poursuit son argumentation en traitant, dans une seconde sous-partie, de la «mortification de soi» en référence à la formule d’Erving Goffman issue de son livre Asylums de 1961[8].  Harcourt traite ainsi de la manière selon laquelle les nouvelles technologies numériques façonnent nos subjectivités. Ces dernières sont plongées dans l’illusion légitimatrice selon laquelle des vérités nouvelles sur le monde et sur elles-mêmes leur seraient révélées, alors que ces vérités seraient aussi et simultanément produites par ces mêmes technologies afin de modeler les désirs et les envies. Nos subjectivités sont observées, enregistrées, administrées, coupées et recoupées, devenant ainsi transparentes et vulnérables. Ce processus pourrait ainsi être rendu intelligible selon l’auteur, en s’appuyant sur les quatre étapes qui façonnent les subjectivités dans les «institutions totalitaires» décrites par Goffman : i. humiliation et avilissement; ii. réorganisation et reconstruction du sujet; iii. adaptation des sujets (isolement, résistance, implication absolue, conversion) à l’environnement institutionnel; iv. formation de groupes spécifiques à l’intérieur de l’institution. Ce processus pousserait ainsi les individus (patients, prisonniers) à développer chez eux une «carrière morale». Avec cette dernière, de nouvelles subjectivités seraient produites et c’est parce qu’elles décrivent une «expérience morale» que ces étapes pourraient précisément nous aider à comprendre la production de nos identités contemporaines par le biais de cette «exposition digitale». Pour Harcourt «le sujet s’ajuste à son milieu, est influencé par celui-ci, il se crée une nouvelle identité, se transforme lui-même, et tout cela en rapport avec les formes de pouvoir qui se déploient autour de lui» [p.224]. Afin de comprendre ce processus, la notion de «fausse conscience» ne serait plus opératoire[9], et nous devrions plutôt nous pencher sur le rôle joué par cette manipulation de nos désirs, et particulièrement, en référence à Deleuze et à Guattari par ces «investissements libidinaux de l’économique et du politique» qui nous montrent «comment le désir peut être déterminé à désirer sa propre répression dans le sujet qui désire»[10].

Dans la troisième et dernière sous-partie, «La Grille d’Acier» (The Steel Mesh), Harcourt se penche sur la coexistence actuelle – et en apparence paradoxale – entre cette société digitale, «ouverte» et «transparente» et un système pénitentiaire nord-américain qui gère et «stocke» une population carcérale la plus importante au monde (plus de deux millions de personnes) et où un Afro-américain sur neuf est en prison[11] [p.235]. Harcourt évoque ici plusieurs explications afin de comprendre ce phénomène, par lequel, ces deux mondes s’imbriqueraient : la forme-prison maintiendrait en quelque sorte le dispositif sécuritaire et analogue au sein de notre «pavillon réfléchissant» et notre société de l’exposition serait elle-même structurée autour d’une surveillance numérique de masse : 1,2 million de personnes résidentes aux États-Unis sont ainsi surveillées [p. 247-248]. L’autre originalité de l’auteur consiste à faire appel à Max Weber et en particulier à sa métaphore de la «cage de fer» qu’il utilisait pour décrire, comme nous le savons, ce «style de vie de l’ensemble des individus nés dans ce mécanisme», à savoir le capitalisme[12]. Harcourt réutilise donc cette image pour nous rappeler le maintien et le développement de ces pratiques punitives et de l’omniprésence de la prison sous cette ère numérique. En revenant même sur la signification originale de l’expression de Weber, stahlhartes Gehäuse, c’est-à-dire une «carapace dure comme l’acier», il montre comment grâce à la malléabilité de cette dernière «la transparence virtuelle et la surveillance correctionnelle s’appuient réciproquement» et constitueraient non pas une prison à proprement dit, mais plutôt «une camisole de force, un revêtement, une coquille faite de tissu moderne, comme le Téflon ou les fibres de Kevlar» [p. 249-250].

La dernière partie d’Exposed porte sur La Désobéissance Digitale et souhaite démontrer en premier lieu que notre complaisance et notre manque de résistance à l’égard de notre condition digitale actuelle viendraient en partie des propres pratiques démocratiques contemporaines. En parlant de Démocratie Virtuelle, Harcourt revient sur la notion de «despotisme démocratique» de Tocqueville, qui serait maintenue grâce à l’apathie des individus. Harcourt montre ainsi comment certaines questions telles que la surveillance, les pratiques policières et le régime pénal sont considérés (du moins aux États-Unis) comme des besoins, certes désagréables, mais nécessaires pour le bon fonctionnement de nos sociétés. Ces questions seraient perçues d’une telle façon car elles seraient exclues du débat politique par la majorité des théories et pratiques libérales et démocratiques. Deuxièmement, Harcourt porte son intérêt sur la possibilité réelle de mettre en œuvre certaines pratiques de Résistance Digitale. Il nous présente ainsi les stratégies de certains individus : l’artiste Jennifer Lyn Morone dénonce ainsi «l’esclavage des données» en souhaitant déterminer «la valeur de sa personne en fonction de la société et des données qu’elle génère elle-même»[13]. Harcourt s’attarde aussi sur les «lanceurs d’alertes» comme Chelsea Manning, Edward Snowden, Daniel Ellsberg et Julian Assange dont le but serait – du moins pour le dernier – de «renverser le panoptique» et de permettre aux citoyens de surveiller l’État [p. 269]. En outre, il existe déjà de nombreux dispositifs et plateformes qui peuvent permettre à chacun de protéger son identité numérique telles que la Eletronic Frontier Foundation[14], Silent Circle, Tor, Pidgin et Prosody. Il existe aussi d’autres propositions telles que la fiscalité de l’économie numérique de Pierre Collin et Nicolas Colin[15], les stratégies visant à surveiller ceux qui nous surveillent, tel que le cours proposé par Ed Shanken : «La Culture de la Surveillance : Vie privée, Publicité, Art et Technologie»[16]. Il est vrai qu’instaurer parmi nous un régime de désobéissance comme une manifestation de ce «courage de la vérité» peut paraître difficile vu les poursuites et les sanctions que les États-Unis et les pays européens[17] ont réservées aux «lanceurs d’alertes». C’est aussi pour cette raison que Harcourt conclut son ouvrage en nous invitant à imaginer de nouvelles formes de Désobéissance Politique. En ce sens, selon l’auteur, elles devraient guetter toute possible «recristallisation des structures oppressives ou un retour des relations répressives du pouvoir» [p. 281]. Elles devraient aussi veiller à former des mouvements leaderlessness (sans leader) afin de nous permettre de dépasser notre condition de «machines numériques désirantes» et d’articuler en nous une certaine «éthique de soi». Après avoir réalisé ce résumé d’Exposed, nous souhaiterions terminer ce travail, en revenant sur la question de la production de ces nouvelles subjectivités et plus particulièrement, en l’abordant dans le contexte plus large de la société néolibérale contemporaine.

§ 2 – Subjectivités numériques et néolibéralisme contemporain

Les observations que nous souhaiterions faire à présent portent essentiellement sur l’idée de subjectivité telle qu’elle est présentée dans Exposed et visent donc à prolonger et à développer les paramètres à travers desquels cette dernière serait appréhendée et façonnée par notre condition de «machines numériques désirantes». Ce qu’il y a en effet de perturbant aujourd’hui est notre contribution individuelle et collective, active et consciente dans la distribution exponentielle de ces nouvelles relations de pouvoir qui joue avec (et se joue de) nos désirs et nos émotions, pour mieux nous atteindre, nous dévoiler et nous (re)reconstruire. Il s’agit ici de quelque chose de fondamentalement inédit et il serait regrettable de ne pas saisir la dangerosité de ce phénomène qui constitue l’un des points d’appui des nouvelles relations de pouvoir de notre ère numérique. Voir dans cette société de l’exposition une prolongation et une individualisation de certaines stratégies opérées par la psychologie sociale serait — par exemple — un point de vue réducteur. Les questions soulevées par les études portant sur le comportement des foules et leur manipulation, en passant par Gustave Lebon jusqu’à Edward Bernays par exemple[18], pourraient avoir un certain intérêt, mais ne contribueraient pas à saisir la dimension active, la contribution consciente des différentes subjectivités contemporaines à ces nouvelles relations de pouvoir. En outre, il est vrai que l’idée selon laquelle le politique doit et peut savoir comment utiliser et manipuler les émotions des individus a constitué l’un des sujets classiques de la philosophie politique. Dès l’Antiquité, Aristote reprochait à Platon la rigueur et l’austérité de sa République, dimensions qui auraient conduit, selon lui, à l’instabilité politique et sociale. Dans Le Politique, Aristote préconisait plutôt une gestion fine et adéquate des sentiments et des aspirations individuelles afin de garantir la pérennité de la stabilité civile. Là encore, le germe de la société de l’exposition ne peut être trouvé dans les textes classiques, dans la mesure où leurs objectifs respectifs divergent foncièrement. Comme nous l’avons vu, cette société se saurait développée grâce, en partie, à l’empathie générée par un «despotisme démocratique» alors que la pensée politique classique recherchait à garantir une stabilité politique en maintenant une politisation permanente des citoyens. Si nous pouvons rechercher des prémisses à cette société décrite dans Exposed, nous pouvons les trouver, ce que fait son auteur, dans la littérature de science-fiction. Harcourt fait ainsi référence à Aldous Huxley et à son roman Le Meilleur des mondes. En effet, notre attrait quasi pulsionnel pour utiliser et jouer avec l’ensemble des outils et services numériques dont nous disposons aujourd’hui, pourrait s’apparenter aux effets de la «Soma», cette substance qui, dans l’ouvrage d’Huxley, permettait de maintenir la cohésion de l’«État mondial» en rendant les individus «heureux» tout en neutralisant leur revendication. Un autre roman de science-fiction nous vient aussi à l’esprit : Hyperion de Dan Simmons[19], où en toile de fond, nous avons la «Datasphère» – un internet bien plus avancé et relié directement aux humains et permettant à ces derniers de tous savoir, sans avoir à penser.

Un autre point que nous souhaiterions soulever est le suivant : ce qu’il y a de contradictoire dans cette société de l’exposition est son déploiement, précisément dans une phase du capitalisme contemporain qui semble exiger des individus, un engagement personnel et professionnel toujours plus intensif et sophistiqué. Comment expliquer en effet le temps, l’énergie et les ressources (matérielles et immatérielles) dépensés par chacun pour s’exposer alors qu’il existe simultanément une pression néolibérale, constante et omniprésente afin de gérer aux mieux notre temps et notre productivité? L’exposition serait-elle donc une fuite, une sorte de «soupape» individuelle et collective? En adoptant un certain wébérisme, doit-on la considérer comme une nouvelle irrationalité inhérente au capitalisme? John Crary semble résoudre cette question par une réponse qui revêt la forme d’une métaphore qui remplit une fonction dialectique : le «maintien en éveil» des individus permettrait en quelque sorte de répondre à toutes les attentes, aussi contradictoires soient-elles[20]. Pour sa part, dans son fameux article de 2013 «On the Phenomenon of Bullshit Jobs»[21], David Graeber apportait aussi un élément de réponse : le fait que les individus, dans leur grande majorité, soient adscrits aujourd’hui à des emplois dont ils ne reconnaissent ni la valeur ni l’utilité serait le fruit d’une «violence psychologique» délibérée à leur égard. L’exposition pourrait, en ce sens, venir compenser et compléter la tragique condition de ces existences individuelles. Aussi, s’exposer et s’exhiber intégreraient certaines stratégies individuelles afin de garantir et développer une carrière professionnelle. Nos «aveux» numériques, pour reprendre l’idée de Harcourt, serviraient précisément l’autopromotion [p.100]. Adam Arvidsson[22] nous montre en ce sens comment de nombreux professionnels indépendants doivent entretenir leur notoriété professionnelle sur les réseaux sociaux afin de capter de nouvelles opportunités de travail. Il y a donc dans cette exposition aussi bien le symptôme que le développement d’une certaine violence inhérente au «style de vie», pour revenir à Weber, qui définirait les subjectivités contemporaines. Il ne s’agirait pas d’une «cage de fer» comme le remarque Harcourt mais d’une «Carapace aussi dure que l’acier», c’est à dire d’une modification même de la nature humaine, que nous aurions nous-mêmes produite et de laquelle il serait impossible d’échapper, comme le souligne Michael Löwy[23]. Il s’agirait d’une reconstitution organique de l’être humain et qui définirait par conséquent, selon Peter Baehr, son expérience immédiate de l’existence[24]. Si cette carapace tend à devenir aujourd’hui digitale et numérique, en intégrant aussi de plus en plus des données sur le «vivant» et le «biologique»[25] — il semble évident que nos subjectivités sont en train d’être reformées et reconstituées vers un horizon qui semble nous offrir toujours plus de possibilités mais dont le prix à payer est, paradoxalement, une totale vulnérabilité.

Comme nous l’avons vu dans notre résumé de l’ouvrage, notre «condition de machines numériques désirantes» s’articulerait autour d’une notion plus large qui définirait notre subjectivité néolibérale, celle d’«entreprise de soi». Cette idée, comme nous le savons, a été particulièrement diffusée grâce à l’analyse que lui a dédiée Foucault en étudiant l’homo oeconomicus et la théorie du capital humain de Gary Becker. L’individu apparaît ainsi comme une «machine» dont il peut disposer et développer les aptitudes et les compétences[26]. L’«entreprise de soi» est ainsi fréquemment utilisée pour décrire notre condition actuelle. Ainsi, selon Ilana Gershon, le néolibéralisme aurait pour projet de transformer les organisations politico-sociales, les rapports sociaux et les individus en fonction de certaines modalités précises. En ce sens, les individus seraient poussés à construire leur «moi» comme une entreprise («self as business»), et à se considérer comme un «ensemble flexible de compétences» en s’administrant comme une entreprise[27]. D’autres auteurs comme Christian Laval et Maurizio Lazzarato abondent dans la même direction[28]. Néanmoins, peut-être devrions-nous aussi lire Exposed comme une opportunité pour repenser ce consensus à l’égard de cette définition d’«entrepreneur de soi» qui vient à définir de façon bien commode notre condition néolibérale. De la même façon que Harcourt questionne les catégories qui nous permettaient de définir ce pouvoir digital (ni Big Brother, ni Panoptique, ni État de Surveillance), nous pouvons retourner cette même approche sur la question de la subjectivité. Il s’agirait de vérifier par exemple (démarche que nous ne ferons pas ici) si cette notion d’«entrepreneur de soi» ne viendrait pas recristalliser des relations de pouvoir qu’elle prétendait dénoncer. Ce mouvement apparaît déjà dans Exposed, puisque cette notion est prise en tenaille entre notre condition de «machine désirante» et nos «aveux» numériques, deux caractéristiques qui semblent, à prime à bord, mitiger notre soi-disant capacité à mobiliser librement nos aptitudes et nos compétences. Ces désirs et ces aveux procèdent certes de nous-mêmes mais ils sont produits et extirpés de notre personne. Le Doppelgänger est certes notre double numérique mais il façonne aussi nos désirs et nos émotions de la vie réelle. L’avenir ne s’annonce d’ailleurs-t-il pas déjà comme un effacement des frontières entre le numérique et l’analogue, la réalité dite «virtuelle», les nanotechnologies, n’étant qu’une première étape à ce processus? Il semble donc important de continuer sur la voie d’Exposed et d’imaginer d’autres outils critiques capables de rendre intelligibles nos subjectivités actuelles et futures, et cela au-delà de la formule d’«entreprise de soi».

En guise de conclusion, nous souhaiterions traiter une dernière question. Nos émotions et nos désirs apparaissent comme le point d’ancrage à partir duquel se déploierait cette société de l’exposition. Harcourt parle d’«expérience morale» dans cette production contemporaine de subjectivités numériques. En référence aux «institutions totalitaires» de Goffman, nos individualités feraient, comme nous l’avons vu, l’objet d’une profonde transformation, en passant par différents processus d’humiliation, de «mortification» (avec la perte du sentiment de vie privée par exemple) jusqu’à la reconstruction et l’adaptation à ce nouveau milieu (aveux numériques). Or, il y a aujourd’hui un autre phénomène quelque peu troublant puisque certains élaborent contre cette «institution totalitaire» du numérique/expositoire, des stratégies individuelles qui reposent, à leur tour, sur un autre type d’«institution totalitaire». Nous faisons bien entendu référence à la diffusion toujours plus croissante, des techniques de méditation, de la «mindfulness». Celles-ci s’apprennent en général au cours de retraites dans des établissements spécifiques dont nombreuses des caractéristiques ressemblent à bien des égards à celles des institutions totalitaires de Goffman. Il s’agirait pour ces individus de réussir à affirmer leur identité et de s’affranchir du joug exercé par la société contemporaine en ayant recours – simultanément et paradoxalement – à des «adaptations», à des techniques, qui viendraient remodeler – mais dans un sens contraire – leur désir et leurs émotions. Dans un article sur le concept d’«Identité», l’anthropologue Lauren Leve montre bien comment la diffusion d’une méditation de type bouddhiste (Vipassana) parmi certaines classes moyennes est en train d’accompagner et suivre certains processus néolibéraux de transformations économiques et sociaux[29]. Il ne s’agit plus comme le pensait Nietzsche de fuir le monde et de rechercher une sorte de néant dans un processus de négation de «soi»[30]. Pour de nombreux Occidentaux, il s’agit désormais de véritables «technologies de soi», dans le sens foucaldien de l’expression : en apprenant à ne pas s’identifier avec leurs désirs et leurs émotions, ces nouvelles subjectivités pourraient ainsi penser éviter de se transformer en ces «machines numériques désirantes» tout en contribuant au bon fonctionnement de cette même société néolibérale. En effet, ce n’est pas un hasard si les grandes entreprises qui constituent ce nouveau pouvoir numérique encouragent leurs employés à développer une pratique méditative[31]. Peut-être même, comme nous l’indique Slavoj Zizek[32], la prolifération du bouddhisme (et surtout de ses ersatz) dans le monde occidental représenterait le parfait supplément idéologique du capitalisme contemporain. Il nous donnerait l’illusion de maintenir une certaine «santé mentale» et de protéger notre vrai «moi», alors que les individus toujours plus sollicités, recoupés et transformés par les exigences professionnelles et sociales. Dans tous les cas, de la même façon que de nouveaux pouvoirs semblent se distribuer de façons inédites dans nos sociétés numériques et néolibérales, son corrélatif et son point d’appui semble faire de même : les subjectivités se construisent et reconstruisent, en utilisant stratégiquement des «technologies» analogues, numériques et spirituelles, visant à gérer et à exploiter aux mieux leurs désirs et leurs émotions.

BIBLIOGRAPHIE

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* Ce texte est issue de l’intervention «Surveillance», «Big Brother» ou «Panoptique»? Comprendre les Enjeux du Pouvoir dans l’ère Digitale, dans le cadre de la table ronde
«Big Data et Gouv. Ouverts» tenue le 06 décembre 2016 à Paris – IMODEV. Academic Days on Open Government Issues. Improving Public Policies in a Digital World. Nous tenons à remercier chaleureusement les organisateurs pour cet évènement. En outre un compte rendu de l’ouvrage de B. Harcourt est disponible dans la revue Droit et Société, numéro 95 de janvier 2017. Cet article y reprend quelques points.

[1] B. E. HARCOURT, Exposed. Desire and Disobedience in the Digital Age, Cambridge/ London, Harvard University Press, 2015.

[2] Respectivement: The Illusion of Free Markets: Punishment and the Myth of Natural Order, Cambridge/London, Harvard University Press, 2012. Against Prediction. Punishing and Policing in an Actuarial Age, Chicago, University of Chicago Press, 2007. Illusion of Order. The False Promise of Broken Windows Policing, Cambridge/London, Harvard University Press, 2001 avec une traduction en français : L’Illusion de l’Ordre : Incivilités et violences urbaines : Tolérance Zéro? trad. de Brigitte Coste, Paris, Descartes et Cie, 2006. De plus amples informations sont disponibles sur le lien suivant : http://www3.law. columbia.edu/bharcourt/

[3]  B. E. HARCOURT, “The Surveillance State? It is so much worse”, The Chronicle of Higher Education, 29/01/15. Disponible sur: http://chronicle.com/article/A-Mad-Frenzy-of-Disclosure/234338 (consulté le 13 janvier 2017).

[4] M. FOUCAULT, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 2004, pp. 234, 235, 239 et 252.  

[5] Une vidéo présentant cette œuvre est disponible sur le site du Metropolitan Museum of Art : http://www.metmuseum.org/press/exhibitions/2014/roof-garden-dan-graham (consulté le 13 janvier 2017)

[6] M. FOUCAULT, La Naissance de Biopolitique. Cours au Collège de France (1978-1979), Paris, Seuil, 2004, p. 265 et 275.

[7] Voir http://www.acxiom.fr (dernier accès : 13/01/17)

[8] E. GOFFMANN, Asiles. Étude sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus, trad. de Robert Castel, Paris, Les Éditions de Minuit, 1968.

[9] Voir aussi B. E. HARCOURT, “Radical Thought from Marx, Nietzsche, and Freud, through Foucault, to the Present: Comments on Steven Luke’s In Defense of False Consciousness Governance and Power”, University of Chicago Legal Forum 29, 2011,

Disponible sur :

http://chicagounbound.uchicago.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=2463&context=journal_articles (consulté le 10 janvier 2017)

[10] G. DELEUZE & F. GUATTARI, L’anti-Œdipe : Capitalisme et schizophrénie, tome 1, Paris, Les éditions de Minuit, 1972, pp. 124 et 125.

[11] Dont l’âge est compris entre 20 et 34 ans.

[12] M. WEBER, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, trad. de Jacques Chavy, coll. «Pocket», Paris, Plon, 2010, p. 224.

[13] http://jenniferlynmorone.com (Consulté le 10 janvier 2017).

[14] https://www.eff.org/fr (Consulté le 10 janvier 2017).

[15] http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/134000045/ (Consulté le 10 janvier 2017).

[16] https://henryart.org/programs/lecture-edward-a.-shanken (Consulté le 10 janvier 2017).

[17] F. HARTMANN, Lanceurs d’alerte. Les mauvaises consciences de nos démocraties, Paris, Don Quichotte, 2014. 

[18] G. LEBON, La Psychologie des foules, coll. «Quadridge», Paris, PUF, 2013. [1905]; E. BERNAYS, Propaganda, trad. de Oristelle Bonis, Paris, Zones, 2007 [1928].

[19] D. SIMMONS, Hypérion, trad. de Guy Abadia, Paris, coll. «Ailleurs et demain», Robert Laffon, 1999.

[20] J. CRARY, 24/7. Le Capitalisme à l’assaut du sommeil, trad. de Grégoire Chamayou, Paris, La Découverte, 2014.

[21] D. GRAEBER, «On the Phenomenon of Bullshit Jobs», Strike Magazine, 17 août 2013: http://strikemag.org/bullshit-jobs/ Une version en français est disponible : http://piratriz.txo.bz/2013/10/25/au-sujet-du-phenomene-des-emplois-de-merde/ (consulté le 11 janvier 2017)

[22] A. ARVIDSSON, «Public brand and the entrepreneurial ethics», Ephemera. Theory and politics in organization, vol. 14 (1), p.119-124, 2014. 

Disponible sur: http://www.ephemerajournal.org/contribution/public-brands-and-entrepreneurial-ethics (consulté le 13 janvier 2017)

[23] M. LÖWY, La Cage d’Acier. Max Weber et le marxisme wébérien, Stock, Paris, 2013, p. 72

[24] P. BAEHR, “The Iron Cage and the Shell as Hard as Steel: Parsons, Weber and the Stahlhartes Gehäuse Metaphor in The Protestant Ethic and the Spirit of Capitalism, History and Theory, Vol. 40, No. 2 May 2001, p. 164. Bernard Harcourt se réfère précisément à cet article dans son ouvrage.

[25] A. BARR, “Meet the Google X Life Science Team”, The Wall Street Journal, 25 July 2014: http://blogs.wsj.com/digits/2014/07/25/meet-the-google-x-life-sciences-team/ (consulté le 13 janvier 2017)

[26] M. FOUCAULT, La Naissance de Biopolitique, op.cit., p. 230.

[27] I. GERSHON, Neoliberal Agency”, Current Anthropology, Vol. 52, No. 4 (August 2011), p. 546.

[28] Ch. LAVAL, L’Homme économique. Essai sur les racines du néolibéralisme, coll. «NRF Essais», Paris, Gallimard, 2007. M. LAZZARATO, La fabrique de l’homme endetté. Essais sur la condition néolibérale, Paris, Amsterdam, Paris, 2011.

[29] L. LEVE, Identity”, Current Anthropology, Vol. 52, No. 4, pp. 513-545, August 2011. Voir en particulier les commentaires de Mark Liechty, pp. 529-530.

[30] F. NIETZSCHE, La généalogie de la morale, trad. de Isabelle Hildenbrand et Jean Gratien, Paris, Gallimard, 2012, p. 29

[31] N. SHACHTMAN, In Sillicon Valley, meditation is no fad. It could make your career”, Wired, 18 June 2013: “Everybody knows this EI [Emotional Intelligence] thing is good for their career, says Search Inside Yourself founder Meng. And every company knows that if their people have EI, they’re gonna make a shitload of money » Lien: http://bit.ly/MindfulnessSV (consulté le 13 janvier 2017)

[32] S. ZIZEK, Event. Philosophy in transit, Londres, Penguin books, 2014, p. 66 (voir le chapitre 3 «Buddhism naturalized», pp. 57-76)