Faut-il réguler le Net ? Quelques réponses constitutionnelles du domaine de la régulation et du
fédéralisme américain
par
Francisco TORTOLERO, Professeur de
Fédéralisme à l’Université Nationale du Mexique et Chercheur à l’Institut de
Recherches Juridiques (IIJ-UNAM) et Etienne LUQUET, Référendaire à la
Cour Suprême du Mexique, Fondateur du Legal Lab Mexico Law & Tech.
Bien que depuis une bonne
cinquantaine d’années, les télécommunications commencent à attirer l’attention
du droit constitutionnel américain dans le but de faciliter les échanges entre
individus (sur la base du premier amendement de la Constitution)[1], les Européens n’ont pas cessé d’estimer que la
régulation du numérique devait rester attachée fondamentalement à la
souveraineté nationale[2]. Dans un second temps, ils ont mis en exergue
d’autres principes, tels la liberté d’expression et le
secret des communications privées[3]. Dépassée par la vitesse des changements
technologiques face à la lenteur inhérente au processus de création et
d’interprétation normative, toute possible régulation constitutionnelle des
médias semblait se cantonner, selon une perspective assez consensuelle chez les
Européens, entre communication publique (associée à la notion des libertés
publiques) et communication privée (en regard du droit au respect de la vie
privée)[4].
Sans nous pencher sur les
avantages ou les inconvénients de la tendance européenne par rapport à l’américaine,
ou inversement, nous nous nous limiterons à explorer deux manifestations des
nouvelles technologies aux États-Unis, susceptibles de contrôle normatif à
partir d’instruments juridiques plutôt traditionnels, la régulation et le
fédéralisme, car ces deux éléments présentent, à l’heure actuelle, des aspects
susceptibles d’évolutions intéressantes.
Concernant les deux
instruments juridiques analysés ici, nous comprendrons comment l’intention
commerciale des fournisseurs en faveur des « tarifs zéro » a fini par ouvrir le débat sur la neutralité
du Net[5], avant d’évoquer d’autres tentatives de réguler
Internet à
partir des normes issues des Congrès locaux au sein des États de l’Union
américaine[6]. Il est donc important de commencer par situer
le contexte des résistances des Américains eu égard de la régulation du
numérique.
Si
l’on prend en compte le postulat libéral des Américains, Internet s’avère la
source indiscutable de la quatrième révolution cognitive, car il a catapulté la
prééminence du marché sur l’État, allant même jusqu’à effacer progressivement
les barrières entre agents individuels qui incarnent l’offre et la demande
d’information des plateformes numériques[7].
La régulation de cette activité économique a été
confrontée, dès sa mise en œuvre, à une difficulté majeure, à savoir que le
régulateur agissait dans un milieu marqué par des segments du marché à tendance
monopolistique. Ainsi, les limitations normatives s’orientent vers le
contournement des abus des agents de la concurrence économique plutôt que vers
ceux d’une clientèle traditionnelle[8].
Tout en acceptant la
centralité des médias dans l’accomplissement de cette révolution technologique,
la tradition continentale en Europe, s’avère bien plus réservée eu égard au
marché, et bien plus protectrice vis-à-vis de l’individu. La bonne vieille
liberté d’expression, dans l’analyse des médias et du potentiel inhérent au
partage des données, continue à donner à l’État la responsabilité de la
sauvegarde des droits individuels, tels que l’égalité et la tolérance entre
individus[9]. Voilà pourquoi les Européens ont tendance à
accepter de bon gré que des tels droits ne soient restreints que par un juge,
tout en faisant valoir que ce juge est en mesure de concilier la liberté
absolue et les droits d’autrui[10]. Pour définir la liberté d’expression, les
conventions en Europe reprennent les grands textes fondamentaux[11].
Cependant, un phénomène
récent semble rapprocher les deux traditions juridiques : l’uberisation de l’économie. Cette réalité
économique permet à deux particuliers de parvenir à un accord pour échanger un
bien ou un service sans pour autant avoir besoin d’une quelconque
intermédiation publique. Ainsi, un consommateur possède des raisons pratiques
et économiques qui justifient une initiative dont le seul responsable serait un
autre particulier, comme lui, et qui n’a comme intermédiaire qu’un tiers, qui
n’est pas l’État, censé concentrer les paiements, arbitrer les différences,
garantir un mécanisme de liaison basé sur l’autorégulation entre le client et le
fournisseur du service. Il s’agit d’entreprises privées qui déterminent les
règles du jeu, administrent le schéma des échanges et imposent des sanctions
(sous forme de blâmes et de récompenses commerciales basés sur la réputation du
client). Cet arbitrage est incarné par Airbnb, Blablacar ou Cabify[12]. Ce phénomène, qui se fonde sur des plateformes
technologiques dont l’aboutissement entraîne l’expansion du numérique,
explique, en partie, pourquoi les Européens (et particulièrement les Français)
se sont autant préoccupés de la souveraineté numérique[13].
Face à la complexité
croissante des objets à réguler, les tentatives ratées de normaliser des
comportements sur Internet ont même eu un effet contre-productif, en laissant à
penser qu’il s’agissait là d’un objet impossible à saisir, et donc d’impossible
à réguler.
Ce point de vue,
engageant des contrôles ou des règles difficiles à concrétiser (par voie
juridique, économique ou technologique), impliquait une tendance à ne produire que
de faibles résultats en matière de régulation du fonctionnement du cyberespace[14].
Un tel scepticisme, qui
ne cesse de se propager en Europe (notamment parmi les jeunes générations),
semble conforter la perspective nord-américaine dominante, selon laquelle
personne n’est le seul maître (ni propriétaire) du Net, ce qui est loin d’être
faux[15]. C’est pourquoi nous avons choisi ces deux outils
normatifs (régulation et fédéralisme) afin de saisir certains aspects du
numérique qui seront de plus en plus intéressants dans les années à venir, et
ce malgré les résistances mentionnées.
Pour revenir à cette
réticence à la régulation, plus caractéristique des USA que de l’Europe, les
conséquences juridiques qui en sont envisageables concernant le stockage et la
transmission des données, mais également les questions liées à l’intelligence
artificielle (incluant l’analyse d’information et de prise de décisions
ponctuelles à partir des algorithmes), qui sont probablement l’un des aspects
les plus inquiétants parmi les problèmes normatifs qui seront résoudre dans les
années à venir (mais qui dépassent largement le cadre de cet exposé)[16]. Pour les appréhender, il est nécessaire de
revenir aux concepts de base, comme la détermination de règles applicables à
des questions plus compréhensibles pour le droit, hors des capacités
heuristiques de prise de décision par des machines.
Étudions certains aspects
plus faciles d’accès afin d’analyser l’étendue d’une régulation (non pas sur l’ensemble
du réseau, mais vis-à-vis du fonctionnement de certains services informatiques
ponctuels). Une telle analyse relève d’un registre moins spécifique, commun à
bien d’autres principes généraux du droit qui n’échappent pas aux
bouleversements que nous avons connus depuis le début du XXIe
siècle, dont l’apparition d’Internet conçu comme la manifestation la plus
importante de notre liberté d’expression et d’information, mais aussi comme la
manifestation de notre liberté économique au regard du marché numérique (qui
est de nos jours le plus important au monde en termes de chiffres d’affaires),
celui-ci ayant besoin de protéger ses propres conditions de fonctionnement et d’empêcher
toute tentative de réduire la libre circulation de l’information.
Un premier constat, guère
discutable, serait de dire que personne ne peut soudainement ordonner d’« éteindre » Internet, comme s’il s’agissait du service d’éclairage
public d’un quartier de la ville, car aucun contrôle centralisé ne pourrait
conditionner ni compromettre le fonctionnement du réseau informatique, son
évolution s’avérant liée aux codes techniques programmés pour garantir leur
propre continuité[17]. En effet, personne ne s’intéresse actuellement à
la construction d’une structure juridique cohérente et exhaustive, adaptée à l’architecture
d’Internet dans son ensemble, puisque celle-ci n’incarne point un objet
circonscrit dans l’espace ni dans le temps.
Le langage des
développeurs informatiques devance largement n’importe quelle norme. Le droit
ne sera jamais capable d’anticiper la manière dont les protocoles et les codes
informatiques pourraient évoluer, muter, s’adapter. Autrement dit, les
limitations imposées à Internet devraient être conçues en fonction de
l’architecture du Net, sur la base de la valeur attribuée à l’information que
l’on est en train de transmettre à chaque moment[18], et à la manière dont cette information est
stockée, transmise, utilisée, analysée et modifiée, puis retransmise pour
recommencer le cycle.
Par conséquent, dès lors que
les nouvelles technologies sont soumises à une régulation, les normes
approuvées ont tendance à perdre leur élan, étant immédiatement dépassées par
le dynamisme des moyens technologiques du numérique, qui sont, par définition,
évolutifs. Le régulateur resterait donc toujours un pas en arrière des efforts nécessaires
pour circonscrire l’usage de la technologie.
Si l’on voulait créer un
droit d’Internet parfaitement codifié, le seul produit que l’on pourrait
obtenir serait un « amas » de règles administratives dans le domaine des
télécommunications[19], autrement dit, peut-être, un certain nombre de
droits d’auteur, alignés à certains contenus de droit commercial ou pénal, dont
l’ensemble pourrait, dans le meilleur des cas, faciliter des transactions
commerciales en ligne. Et cela serait déjà bien... si l’on était en situation d’assurer
une certaine permanence du corpus normatif créé.
Du point de vue du droit
continental européen, il semble qu’aucune régulation ne soit possible depuis l’emprise
d’une entité souveraine, ou qui soit encadrée au sein d’une unité territoriale
donnée permettant de définir clairement la juridiction capable de résoudre des
conflits surgis des contraventions à de telles règles. Si l’on insistait sur la
nécessité de cibler ce genre de règles d’Internet, ce serait comme si la réalité
devait suivre la forme des lois, ou comme si la circulation de l’information
finissait par avoir tort face à la norme[20]. La structure juridique est donc incapable de
répondre à la même vitesse aux évolutions des modèles d’affaires et aux
structures économiques surgissant du Net.
Pourtant,
la régulation progressive du Net semble contredire les scepticismes annoncés.
Voici quelques aspects intéressants de la démarche des Américains qui prônent ladite
impossible régulation du Net et que les Européens, dans leur volonté de
sanction et de régulation, pourraient prendre en considération.
Les Américains ont fait
le pari de l’accès universel à Internet en tant qu’outil le plus important pour
le développement économique des pays. En effet, vers la fin du XXe
siècle, l’association Internet/droits de l’homme répondait à point nommé à un
esprit de libre circulation des idées, voire même, au sens égalitaire,
correspondait aux mentalités des démocraties de l’époque[21]. On favorisait alors un Internet ouvert (« open internet ») et des modes de
fonctionnement par essence dérégulés, et idéalement dépourvus de toute
interférence[22]. Bien avant l’émergence de l’intelligence
artificielle (et des problèmes juridiques qui lui sont associés, tels que nous
les avons esquissés ci-dessus), l’air du temps voulait faire échanger des
interlocuteurs intelligents, communiquant à travers des « tuyaux bêtes »[23]. La seule garantie que nous pouvions alors exiger,
en tant qu’usagers, vis-à-vis de ce réseau physique était qu’il mettait à
disposition de chacun des moyens technologiques équivalents, résolvant du reste
par là le problème de communication entre un Mac et un PC. Un cadre idéal
s’annonçait devant nous.
Or, les premières lois
régulant Internet se basaient sur des aspects distincts des droits
fondamentaux. Les premières mesures de la législation fédérale américaine de la
fin des années 90 visaient avant tout le commerce électronique et en ligne
de marchandises, et concernaient des consommateurs de plus en plus enclins à
subir des fraudes dérivées de la manipulation des données personnelles[24]. Afin d’éviter la fragmentation du traitement des
usagers d’Internet sur l’ensemble du territoire du pays, la régulation devait alors
être, en toute logique, fédérale.
Les lois s’étendaient
notamment à la protection de la vie privée, de la propriété intellectuelle et
du commerce électronique. Cependant, la protection attachée était construite en
fonction des marges de manœuvre limitées des fournisseurs des services
informatiques, et non de la tutelle des usagers d’Internet, puisque les
sociétés du commerce électronique avaient mis en place un modèle d’entreprise
qui hébergeait et employait des contenus et des informations personnelles
générés par ces mêmes usagers.
Dans une deuxième étape,
la législation a commencé à définir l’étendue d’un « port sécurisé » (« safe harbor provisions »)
limitant la responsabilité patrimoniale des fournisseurs d’Internet à la
manipulation postérieure des données personnelles par d’autres opérateurs,
voire par d’autres particuliers[25]. L’usager devait alors faire confiance aux
sociétés numériques, car celles-ci étaient les seules responsables de l’information
partagée, bien que de tels fournisseurs de services d’Internet présentent des
tendances monopolistiques. Ce n’est pas par hasard que l’on appelait cette
précaution une « protection du bon samaritain », chaque fournisseur tentant de
bloquer, de bonne foi, des contenus indésirables[26]. Il s’agissait en fait de mesures de redressement
par voie préventive, y compris lorsqu’il était question de non-respect des
droits d’auteur pour l’un des clients du fournisseur[27]. C’est ainsi que le cadre de régulation devait
évoluer, afin de créer un droit (fédéral), personnel et opposable à toute
action dérivée des agissements de tels fournisseurs de service d’Internet,
notamment dans le cas où un tiers utilisait ces informations pour en tirer un
profit.
Cela
explique l’étape suivante, et l’apparition du principe de « neutralité du Net »,
qui faisait en sorte que tous les fournisseurs de services (notamment depuis la
prolifération de services de téléphonie mobile) devaient garantir un traitement
égal des matériaux informatiques disponibles sur le Net[28]. Ce caractère neutre, voulu par les régulateurs
de plusieurs pays, allait cependant engendrer une complexité non négligeable,
et faire revenir les Américains au postulat d’une dérégulation quasi absolue du
Net avec l’arrivée au pouvoir de l’administration Trump.
Trois organismes
internationaux de protection des droits de l’homme[29] ont fait une déclaration commune sur la
neutralité du Net en juin de 2011 par le biais des Nations Unies[30], compatible avec la déclaration de l’accès à Internet comme faisant
partie des droits de l’homme[31].
Les pays d’Europe
continentale se sont occupés d’instaurer des règles précises pour garantir que
la liberté d’expression, et faire en sorte la libre circulation d’information
sur le Net ne soit pas compromise par les forces du marché, voire par des
fournisseurs des services d’Internet[32]. La manifestation juridique d’une telle neutralité
commençait à trouver des points d’attachement, autant aux États-Unis que dans l’Union
européenne, mais aussi en Inde.[33] Or, les progrès de cette intégration entre pays
lointains ont dû s’interrompre lorsque Facebook lança son initiative « internet.org »
en Inde.
Début 2015, les
opérateurs de ce pays avaient accepté une proposition de Facebook : la
multinationale offrirait un produit informatique en libre-service, appelé « Free Basics »[34]. À travers la plateforme « internet.org », conçue
par Facebook dans le cadre de sa stratégie d’expansion en Afrique, en Asie et
en Amérique latine, un nombre restreint de contenus, ainsi que des services on line, rendaient gratuit l’accès à Internet
pour certaines populations en développement. Par la suite, la stratégie d’une
fausse gratuité a été imitée par de nombreux fournisseurs, les intentions
commerciales et stratégiques des uns étant un peu moins flagrantes que celles
des autres. Ainsi, si Wikipedia Zero[35] propose un accès libre aux contenus de son encyclopédie
on line, qui constitue une source d’information
éducative d’un intérêt qui n’est pas négligeable, Google Free Zone[36] est le site qui enregistre le plus grand volume
de recherches (y compris de type commercial) effectuées sur le Net au niveau
mondial. Le dilemme n’est pas anodin. Si la stratégie des sociétés d’Internet permettait
à quarante millions d’usagers de disposer d’un accès gratuit à Internet, ses détracteurs
notaient le fait que celui-ci ne constituait qu’un outil de maintien dans leur
état actuel des secteurs défavorisés du monde, qui sont alors susceptibles
d’être contrôlés par le biais d’actes de charité[37].
Sans rentrer dans les
diverses modalités commerciales qui mettent en exergue la gratuité de l’accès
aux services d’Internet (ce que nous connaissons le plus fréquemment sous le
terme de « tarifs zéro »), cette neutralité du Net, censée garantir la liberté
d’expression (évitant ainsi la prise en otage des consommateurs par les
intérêts du marché), a été conçue comme si la connectivité universelle et la
neutralité du Net pouvaient coexister à condition de permettre aux opérateurs d’exonérer
les usagers des frais d’utilisation lorsqu’ils se servent de certaines applications
ou services d’Internet. Or, la solution américaine était loin d’être neutre,
car la stratégie commerciale mise en œuvre pour imposer l’exonération
(apparente) des tarifs de remise du service (gratuit) d’Internet était fondée, encore
une fois, sur des pratiques à tendance monopolistique[38]. Ainsi, les services de télévision par câble proposaient
uniquement, autrefois, des offres combinées de chaînes en « libre accès », sans
jamais prendre en compte les préférences individuelles des consommateurs[39].
De plus en plus de
sociétés s’approprient les données personnelles et les préférences
individuelles de leurs clients, en se fondant sur l’enregistrement des
consultations en ligne, tout en faisant semblant d’accorder en échange un
service gratuit. Cette tendance ne va pas cesser de se renforcer à l’avenir.
Les fournisseurs prétendent ne rien toucher en guise de frais de service, mais signent
des accords commerciaux (sans prendre en compte la volonté des clients), avec des
entreprises tierces (comme Spotify ou Netflix). La stratégie à l’œuvre a pour
objectif de fidéliser la clientèle afin de vendre des « packages » de films et de musiques (souvent produits par les mêmes
sociétés commerciales). Le consommateur devient captif dans la mesure où il
peut « gratuitement » utiliser Spotify ou Netflix et visionner ou écouter à
volonté des programmes sans pour autant avoir à utiliser le débit mensuel de
données autorisé dans son forfait téléphonique. En revanche, dès qu’il utilise des
plateformes concurrentes (comme Google Play ou Amazon Prime Video),
les mêmes consommateurs doivent utiliser leur forfait souscrit auprès du fournisseur
d’accès à Internet ou à l’opérateur de téléphonie mobile qu’ils ont choisi. Étant
donné que quatre fournisseurs d’accès dominent le marché américain depuis 2013[40], considérant le succès des services de musique en
ligne depuis 2015, une projection un montre qu’un milliard
et demi d’usagers d’Internet dépendront en 2019 des contrats issus des « tarifs
zéro ». Au niveau mondial, la neutralité du Net, censée garantir un accès identique
aux plateformes d’un même type, fait donc face à de nouveaux problèmes[41].
Dans
le même ordre d’idées, lorsque Internet.org a commencé à mettre en place son
service en Inde, l’autorité administrative de régulation des télécommunications
du pays a décidé d’interdire des tarifs différenciés (y compris pour les « tarifs
zéro ») en février 2016[42]. Un certain nombre de pays avait déjà, alors,
prévu l’interdiction ou la restriction de ce type de tarification[43].
Par
la suite, des vagues de protestation ont émergé sur le Net dans différents pays[44]. La principale crainte exprimée portait sur une
éventuelle orientation du service proposé par Facebook, devenu un filtre des
contenus d’Internet pour des millions d’usagers de téléphonie mobile dans des
pays en développement, conditionnant de fait le développement social, la libre
concurrence et l’innovation au sein de pays entiers.
À
l’extrême opposé, l’agence de régulation des États-Unis (la Federal Commerce Commission) mettait en place des conditions favorisant en
apparence la neutralité du Net, mais qui laissaient la porte aux « tarifs zéro ».
Les
autorités américaines n’avaient pas souhaité, y compris dans le cadre de l’administration
Obama, que l’accès aux services informatiques adopte le carcan des normes de
protection internationales relatives aux droits de l’homme[45], afin de garantir la volonté individuelle et le
libre-choix dans l’utilisation du réseau, voire la liberté de recherche (qui ne
serait alors pas conditionnée aux sociétés ayant conclu un accord avec des
opérateurs de téléphonie mobile afin d’offrir la gratuité de l’accès à certains
contenus)[46]. En vertu de la notion d’« Internet
ouvert » (« Open Internet », une
législation fédérale dont deux versions ont été votées par l’administration
Obama en 2010 et 2015), les règles du système étaient conçues pour garantir une
transmission libre de données « d’un bout à l’autre » (« end-to-end »[47]), sans aucune interférence entre un interlocuteur
et l’autre. La neutralité à l’Américaine se fondait donc sur d’autres
stratégies pour renforcer la prévention des excès possibles de la part des
fournisseurs de services vis-à-vis de leurs clients.
Dans
ce domaine comme dans bien d’autres, des tensions sont apparues dès la mise en
place de l’administration Trump (qui souhaitait ouvertement réduire les
contrôles envers les fournisseurs d’Internet). Les Américains s’éloignent à
nouveau du temps où l’Internet et sa neutralité constituaient des exigences
inhérentes à la protection des libertés publiques (sans pour autant revenir à
la notion internationale des droits de l’homme). Pourtant, il semblerait que l’avenir
de la protection de cette neutralité idéale se déplace vers les états de l’Union,
loin de Washington D.C.
Dans
le cadre de l’administration Obama, les modalités de régulation d’Internet visaient
à réduire les inégalités d’accès au haut débit, un contraste très marqué existant
sur ce point entre les zones urbaines et les zones rurales[48]. En 2010 puis en 2015, la Federal Commerce Commission (FCC) a tenté d’encadrer la neutralité du Net au
travers de deux versions de l’Open
Internet Order[49].
Si
la première version était laxiste et ne faisant même pas allusion aux « tarifs
zéro », cinq ans plus tard, la FCC définissait des limites aux services du haut
débit, autant fixes que mobiles, sur la base de deux orientations principales :
l’établissement de principes de fonctionnement, et l’orientation de certains
comportements des usagers d’Internet.
S’agissant
de la première orientation normative, trois principes fondamentaux ont été
définis pour éviter la rupture de la neutralité, et imposés aux fournisseurs d’accès
à Internet : ne pas bloquer (« no
blocking »), ne pas ralentir (« no throttling »), ne pas accepter des frais prioritaires (« no paid prioritization »).
« Ne pas bloquer » suppose, pour les fournisseurs d’accès[50], de ne pas faire obstacle ou de ne pas entraver la
circulation de certains contenus (voire logiciels ou applications)[51].
De
même, le principe de « non-ralentissement » implique de ne permettre aucune dégradation,
quelle qu’elle soit, du trafic des données sur Internet relatifs aux contenus et
aux services identifiés par l’administration du réseau[52]. Enfin, ne pas autoriser les frais prioritaires suppose
de ne pas favoriser un certain trafic de données au détriment d’autres, en utilisant
des techniques comme la modulation du haut débit, la hiérarchisation, la
réserve ou d’autres formes de filtrage, en échange d’un traitement privilégié par
un tiers.
S’agissant
des comportements, la législation nord-américaine visait à établir un standard
d’utilisation pour contourner d’éventuelles interférences désavantageuses. Les
fournisseurs ne pouvaient ni rendre désavantageux l’accès à un contenu concret
dans le but d’orienter celui-ci, ni empêcher l’accès à certains services ou
réseaux en haut débit à travers une différenciation dans la qualité de la circulation
des données[53].
Toutefois,
cet esprit d’ouverture de la législation prenait sa source dans un certain
nombre de points qui n’avaient pas été interrogés.
En effet, l’Open Internet Order
ne prévoyait aucune règle vis-à-vis de la possibilité qu’ont les fournisseurs
d’Internet d’accorder des « interconnexions »[54], qui permettent de diffuser certains matériaux
vidéo à des vitesses acceptables de téléchargement.
De plus, la question,
alors déjà avancée, des « tarifs zéro » n’était pas clairement régulée par
cette législation. D’une manière générale, les règles d’opération visaient
plutôt à contrôler « au cas par cas », sur la base d’un niveau d’interférence jugé
« non déraisonnable » inscrit dans chaque contrat[55]. La complexité en matière de surveillance était
alors considérable et la législation manquait de flexibilité, et était même susceptible
de décourager l’innovation, car elle avait tendance à classer dans la même
catégorie les fournisseurs d’accès et les développeurs de nouvelles technologies[56], favorisant ainsi les grands fournisseurs d’Internet
plutôt que des sociétés de moindre taille ou les start-up.
En parallèle de la
question de la circulation différenciée des données, il fallait traiter les
particularités territoriales, et notamment le contraste dans l’accès au service
entre zones rurales et zones urbaines. Compte tenu de la structure fédérale
américaine, les états ont leur mot à dire, et se révèlent parfois plus
contraignants que l’échelon fédéral dans la régulation des services d’Internet.
Parmi les pays de l’OCDE,
les États-Unis occupent la seizième place en nombre d’abonnés pour 100
habitants : en 2014, 84 % du pays avait accès aux services à haut
débit (dont 68 % à travers la téléphonie mobile), et 70 % des foyers avaient
accès à Internet en complément de la téléphonie fixe[57]. Le nombre de souscriptions au niveau national, en
incluant les deux modes de connexion, était alors de cent millions d’abonnés.
Ces
statistiques sont pour le moins prometteuses. Pourtant, les particularités
territoriales n’apparaissent pas clairement dans un tel bilan général. Pour
revenir à notre affirmation de départ, l’accès à Internet est supposé faire
partie du droit fondamental à la libre expression, qui émane, en l’occurrence, de
la volonté des populations de rejeter l’autoritarisme[58]. Cependant, l’évolution récente du marché montre
que la réalité est très éloignée de cet idéal égalitaire, bien que celui-ci ait
promu par l’administration Obama au travers de l’absence de toute attache
territoriale (imposée par l’impossibilité matérielle d’établir des frontières s’agissant
des services d’échange de données). L’ère Trump annonce le retour à un esprit
formel de dérégulation, incarné par la révocation de l’Open Internet Order, ainsi que par la
remise au premier plan des états de l’Union, désormais beaucoup plus présents
dans les débats concernant la régulation d’Internet.
Parmi les premières
instructions du président Trump, l’arrêt des perquisitions contre trois des
plus grands fournisseurs d’Internet (Verizon,
AT&T et T-Mobile), soupçonnés de possibles fautes commises contre l’Open Internet Order[59], avait été ordonné dès janvier 2017. Puis vint la
nomination au poste de directeur de la FCC d’Ajit Pai, farouche opposant à la conception de l’accès à Internet
comme droit fondamental et, d’une manière générale, aux principes de neutralité
du Net[60]. La nouvelle administration annonçait « le retour
d’un Internet libre »[61], signe évident de récupération des prébendes en
faveur du marché.
Enfin, et malgré la
campagne pour la préservation du schéma de régulation menée par des nombreuses
ONG et soutenue par vingt millions de signatures[62], l’instauration d’un schéma fédéral dérégulé fut
marquée par la suppression définitive de l’Open
Internet Order le 14 décembre 2017, qui revenait
sur le principe d’accès au haut débit sous la forme d’un service privé
dépendant de la Loi fédérale de Communications.
De fait, le système a
évolué, permettant aux fournisseurs d’Internet de maximiser leurs profits en
imposant des prix discriminatoires aux sociétés de contenus de médias en
échange de vitesses plus rapides de téléchargement[63], voire de traitements préférentiels. Ces arrangements
« pay for play » procurent des privilèges à ceux qui payent
davantage, discriminant les autres acteurs du secteur, à l’image, par exemple,
d’autres services, comme des autoroutes ou des services en accès restreint.
Parmi les spécialistes,
les opinions sur les « tarifs zéro » sont partagées. Les détracteurs affirment
son caractère discriminatoire (notamment eu égard aux start-up, incapables de
concurrencer les grands fournisseurs[64]), tandis que d’autres montrent, après avoir
étudié de nombreux cas nationaux, qu’il n’y a pas de conséquences mesurables
sur l’économie[65] puisque Internet est toujours, selon eux, géré
par des intermédiaires.
Pourtant, contre ce
retour du marché, une fenêtre s’ouvre pour les états de l’Union américaine, dès
lors qu’ils sont enclins à promouvoir des politiques d’égalisation (au niveau
infranational) au regard de la dérégulation ambiante d’Internet (incluant la
notion esquissée d’accès à Internet en tant que droit fondamental), quitte à
aller à l’encontre de la volonté des agences fédérales.
Depuis 2018, plus de la
moitié des Congrès locaux des états de l’Union (plus exactement, vingt-six
d’entre eux) ont commencé à analyser la refonte des régulations respectives
portant sur la neutralité du Net, cette fois-ci, au niveau local[66]. L’État de Washington a été l’un des premiers à
se lancer dans son approbation, en mars[67]. Depuis, l’état de Californie a pratiquement
rétabli l’Open Internet Order d’Obama en septembre (ce qui lui a valu la colère
du ministre de la justice Jeff Sessions, qui qualifia cette loi locale de
complètement illégale)[68]. L’Oregon et le Vermont ont aussi entrepris de
remettre en vigueur la neutralité du Net à travers la législation locale, alors
que les gouverneurs d’Hawaii, du New Jersey, de New York, du Montana et de Rhode
Island ont choisi une solution similaire basée sur les provisions issues des
ordres exécutifs (Executive Orders). Ainsi,
il est possible que l’une des formes les plus efficaces de résistance aux
politiques de dérégulation de l’administration Trump provienne des États de l’Union.
En tout cas, la Cour Suprême a déclaré non recevable une plainte présentée par
l’administration fédérale en vue de faire annuler la résolution de la Cour d’appel
fédérale qui avait déclarée conforme l’Open
Internet Order en 2017[69]. En définitive, la route permettant de réinstaurer
un jour la neutralité du Net n’est pas fermée.
Aux États-Unis, le premier
amendement de la Constitution a été lu, depuis la fin du XXe siècle,
comme un droit en sens positif[70], qui oblige l’État à créer des conditions de
communication à égalité[71] dans le cadre de toutes les manifestations relatives
aux moyens d’expression, que ce soit au niveau fédéral ou local. Pour la Cour
Suprême des États-Unis[72], les interventions des agents gouvernementaux se
justifient tant que celles-ci permettent d’augmenter le nombre de voix (voire d’opinions)
accessibles au public, une position qui avait été incarnée, en 1919, dans
l’expression « marché libre des idées » (« marketplace of ideas ») du juge Oliver Wendell
Holmes dans le cadre du dossier Abrams v.
United States[73]. Cent ans plus tard, la régulation d’Internet
passe par la notion de droit international des « droits de l’homme », qui considère
l’accès aux services en ligne comme un droit fondamental[74].
Étant donné que le Xe
amendement de la Constitution américaine attribue aux constitutions des états des
compétences en matière de défense des droits fondamentaux, il est fort
envisageable que les tentatives de concentration des pouvoirs au sein des
agences du gouvernement fédéral se fondent sur les décisions des gouvernements
locaux, ce qui laisse à penser que la régulation du Net (ou son absence) passe
moins par la recherche d’une instance souveraine et toute puissante que par le
renforcement des politiques de proximité, ouvrant ainsi de nouvelles
perspectives en matière d’outils pour le niveau fédéral.
[1] Aux États-Unis, l’argument étant surtout ancré sur le droit à
communiquer à travers la presse,
in J. A. Barron, « Access to the Press - A New
First Amendment Right », Harvard Law
Review, No. 80, 1967, p. 1641; K. M Sullivan, « Two Concepts of Freedom of Speech », Harvard Law
Review, No. 124, 2010, pp. 144-46.
[2] A. Desforges,
« Les stratégies européennes dans le cyberespace » in A. Blandin-Obernesser (dir.), Droit et souveraineté numérique en Europe, Bruxelles,
Bruylant, 2016, p. 81.
[3] A. Touriño, El derecho al olvido y a la intimidad en Internet, Madrid,
Editorial Catarata, 2019, 222 p.
[4] Le contraste entre la conception européenne
et américaine (avec l’accent mis sur la conception française des
télécommunications) est développé dans O. Iteanu, Quand le digital défie l’État de Droit, Paris, Eyrolles, 2017, p. 32-33.
[5] K. Collins, « Net Neutrality
Has Officially Been Repealed. Here’s How That Could Affect You », New
York Times, 11 juin
2018 [https://www.nytimes.com /2018/06/11/technology/net-neutrality-repeal.html].
[6] J. Hurwitz, Assistant Professor of Law et Co-Director of Space, Cyber, and Telecom
Law Program, University of Nebraska College of Law, Brent Skorup, Senior Research
Fellow, Technology Policy Program, Mercatus Center at
George Mason University et Geoffrey A.
Manne, Executive Director, International Center for Law & Economics,
pour la Federalist Society
[https://fedsoc.org/events/net-neutrality-and-federalism].
[7] Des droits et des obligations étaient
construits dans l’intention de garantir un accès universel aux services
essentiels du Net, sans pour autant diminuer la protection aux consommateurs
des services, ni rendre des conditions biaisées aux marchés, souvent conçues
sous forme de « monopole naturel ». D. A. Lyons, « Net Neutrality and Non-discrimination Norms in
Telecommunications », Arizona Law
Review, vol. 54, 2012, pp. 1029-1033.
[8] J. D. Kearney, et T. W. Merrill, « The Great Transformation
of Regulated Industries Law », Columbia
Law Review, vol. 98, 1998, p. 1323.
[9] M. Price et N. Stremlau (eds.), Speech and Society in Turbulent Times:
freedom of expression in comparative perspective, Cambridge, Cambridge
University Press, 2018.
[10] European
Commission, « Annual
Country Reports on Open Internet from National Regulators », Report Stdy, 6 juillet 2018
[https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/news/annual-country-reports-open-internet-national-regulators].
[11] À savoir, celle de l’art. 4 de la Déclaration universelle
de 1789 (« La liberté consiste à pouvoir faire
tout ce qui ne nuit pas à autrui. »),
ainsi que celle de l’art. 10-2 de la Convention européenne des Droits de l’Homme
(« L’exercice de ces libertés comportant
des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités,
conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi. »), qui relèvent des libertés
publiques, mais aussi des restrictions éventuelles. Elles mettent ainsi en
place une garantie envers les droits d’autrui, liée à la détermination d’une
liste de conditions permettant aux autorités publiques d’intervenir lorsqu’une
atteinte à la préservation de la démocratie apparaît.
[13] P. Türk
et C. Vallar
(dir.), La
souveraineté numérique, Paris, Mare et Martin, 2017.
[14] S. Shipchandler, « The Wild Wild Web:
Non-Regulation as the Answer to the Regulatory Question », Cornell International Law Journal, vol.
33, p. 435.
[15] J. Goldsmith et T. Wu, Who controls the internet? Illusions of a
borderless world, Oxford, Oxford University Press, 2006, pp. 23-25.
[16] B. Hawadier, L’avocat
face à l’intelligence artificielle, Paris, Livrinova,
2018.
[17] L. Curtis Collins, Corpus Linguistics for Online Communication: A Guide for Research, Routledge,
2019.
[18] A. Gelbukh (coord.)., Computational
Linguistics and Intelligent Text Processing: 18th International
Conference, Budapest 2017, London, Springer, 2 vol., 2018.
[19] M. A. Lemley & L. Lessig, « The End of End-to-End: Preserving the Architecture of the Internet in
the Broadband Era », 48 UCLA L. Rev., 925, 930 (2001).
[20] Thomas I. Emerson, “The
Affirmative Side of the First Amendment”, Georgia
Law Review, no 20, 1981, pp. 795, 796-98.
[21] G. Ziccardi,, Resistance,
Liberation Technology and Human Rights in the Digital Age, New York,
Springer, 2013.
[22] L. Belli et P. De Filippi (eds.), Net Neutrality Compendium :
Human Rights, Free Competition and the Future of the Internet, New York,
Springer, 2018.
[23] De l’expression « dumb pipes », assez compréhensible à une époque où l’Internet s’annonçait, par
définition, comme un moyen de transmission des données dérégulé. Voir L. Lessig,
Code : version 2.0, New York, Basic
Books, 2006, pp. 1-82.
[24] La Communication Decency Act (CDA) de 1996 (47 U.S.C. § 230 [2012]) ainsi que la Digital Millennium Copyright Act
(DMCA) de 1998 (17 U.S.C. § 512 (2012)).
[26] Parfois, des excès, dus au caractère totalement
discrétionnaire des marges d’appréciation, étaient apparus. Ainsi, une Cour
d’appel fédérale estimait en 2008 trop invasifs les actes du site Ebay.com qui
avait retiré d’une liste des enchères des pièces de monnaie qu’elle estimait
contrefaites. Voir National Numismatic Certification v. eBay (47 U.S.C. §
230(c)(2). 455).
[28] L’expression est apparue depuis une bonne quinzaine d’années, in Wu, Tim « Network Neutrality,
Broadband Discrimination », Journal on Telecomm & High Tech, vol.
2, 2003, p. 141.
[29] L’Organisation pour la Sécurité et la
Coopération en Europe, l’Organisation des États américains, et la Commission
africaine des Peuples et des Droits de l’Homme.
[30] « [T]here should be no
discrimination in the treatment of Internet data and traffic, based on the
device, content, author, origin and/or destination of the content, service or
application. » U.N. Special
Rapporteur on Freedom of Opinion & Expression, Organization for Security
and Cooperation in Europe Representative on Freedom of the Media, OAS Special
Rapporteur on Freedom of Expression & ACHPR Special Rapporteur on Freedom
of Expression & Access to Information, Joint
Declaration on Freedom of Expression on the Internet, Organisation
for Security and Cooperation in Europe (1er juin
2011) [http://www.osce.org/fom/78309].
[31] N. Olivarez-Giles, « United Nations Report: Internet Access is a Right », L. A. Times, 3 juin 2011 [http://latimesblogs.latimes.com/technology/2011/06/united-nations-report-internet-access-is-a-human-right.html].
[32] K. McCarthy, « Council of Europe
Gets Tough on Net Neutrality: No Blocking, Slowing Down, Degrading or
Discriminating of Internet Traffic », The
Register, 13 janvier 2016 [http://www.theregister.co.uk/2016/01/13/council_of_europe_net_neutrality_guidelines].
[33] Q. O’Reilly, « The EU Has Plans
for an Open Internet, but What Does It Mean? », The Journal.IE, 11 juillet 2015 [http://businessetc.thejournal.ie/open-internet-europe-2193723-Jul2015], [https://perma.cc/NTY6-SP63].
[34] J. Russell, « Facebook Takes Internet.org and Its Free Mobile Data Services to India », Techcrunch, 9 février
2015, [http://techcrunch.com/2015/02/09/internet-org-india].
[35] Chargé de rendre gratuitement l’intégralité
de ce réseau, en tant que contenu éducatif d’accès universel. Wikipedia Zero Operating Principles, The Wikimedia Foundation, [http://wikimediafoundation.org/wiki/Wikipedia_Zero_Operating_Principles] [https://perma.cc/D4XG-9CZQ].
[36] Assurant l’accès libre à Gmail et Google+,
in Press Trust of India,
“Airtel Ties up with Google to Offer Free Search, Google+ and Gmail Services”, Gadgents360, 26 juin
2013 [http://gadgets.ndtv.com/telecom/news/airtel-ties-up-with-google-to-offer-free-search-google-and-gmail-services-384506] [https://perma.cc/EW4A-TUQ5].
[37] M. Murthy, « Poor Internet for Poor People: Why Facebook’s Internet.org Amounts to
Economic Racism », Quartz India, 17 avril
2015 [https://qz.com/385821/poor-internet-for-poor-people-why-facebooks-internet-org-amounts-to-economic-racism/].
[38] T. Risen, « Antitrust Rules or Net Neutrality: Which
Should Rule the Web? », U.S. News
& World Report, 20 juin 2014
[39] « [N]et neutrality
supporters believe that monopoly and competition laws alone are not sufficient
for Internet regulation because the traditional triggers of antitrust
regulation, such as price, usually are absent on the Internet. Finally, net
neutrality proponents explain that antitrust regulation would not adequately
protect against the non-economic goals of net neutrality, such as the
protection of free speech and political debate. » Rusell,
supra note 23.
[40] J. Espelien, « All’s Fair in Love and War: T-Mobile, Amazon, and the Future of
Net Neutrality », The diffusion
group research, 26 juin 2014 [http://tdgresearch.com/alls-fair-in-love-and-war-t-mobile-amazon-and-the-future-of-net-neutrality/].
[41] « [z]ero
rating’ is [a] discriminatory technique where telecom operators allow customers
access to select online content or services at no additional cost through a
prior arrangement with content providers. The selected sites are rated at zero
cost to the customers, violating the essence of net neutrality, which requires
non-discrimination between different content and applications », K. Vipal Singh, « Permit Zero-Rating Schemes for a Limited Period », The Financial Express, 9 juillet 2015,
[http://www.financialexpress.com/article/fe-columnist/permit-zero-rating-schemes-for-a-limited-period/97559 [https://perma.cc/4F7TF87P].
[42] J., Hempl, « India Bans Facebook’s
Basics App to Support Net Neutrality », Wired, 8 février 2016 [http://www.wired.com/2016/02/facebooks-free-basics-app-is-now-banned-in-india] [https://perma.cc/9BMY-3PZA].
[43] Dont les Pays-Bas, le Brésil, le Chili, la
Finlande, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, le Japon et la Slovénie. R. Guha
& G. Aulakh,
« Zero Rating: What Are Countries Doing About It », Times of India, 21 avril 2015
[http://timesofindia.indiatimes.com/tech/tech-news/Zero-rating-What-are-countries-doing-about-it/articleshow/47001571.cms] [https://perma.cc/G6T3-3GLE].
[44] S. Sirohi, « Sorry Mark Zuckerberg, the World Bank Also Disagrees with
You », Economic Times: Letter from
Washington, 16 janvier 2016, [http://blogs.economictimes.
indiatimes.com/letterfromwashington/sorry-mark-zuckerberg-the-world-bank-also-disagrees-with-you]
[45] A. J. Carrillo et D. C. Nunziato, « The Price of Paid
Prioritization: The International and Domestic Consequences of the Failure to
Protect Net Neutrality in the United States », Georgetown Journal of International
Affairs, Summner 2015, p. 98 [http://journal.georgetown.edu/cyber-v [https://perma.cc/DA7K-QZRB].
[46] Center for Democracy &
Tech., « The importance of internet neutrality to protecting human rights
online », no. 5, 2013 [https://cdt.org/files/pdfs/internet-neutrality-human-rights.pdf].
[47] M. A. Lemley, et L. Lessig, « The End of End-to-End: Preserving the Architecture of the Internet in
the Broadband Era », University of California in Los Angeles Law
Review, vol. 48, 2001, pp. 925 et 930.
[48] White
House, « Net Neutrality: President Obama’s Plan for a
Free and Open Internet » [http://www.whitehouse.gov/net-neutrality].
[49] Rules Protecting and
Promoting the Open Internet, 80 Fed. Reg.
19,738, 13 avril 2015 (document repris
dans 47 C.F.R. pts. 1, 8, 20) [http://www.gpo.gov/fdsys/pkg/FR-2015-04-13/pdf/2015-07841.pdf].
[50] « A person engaged in the provision of broadband Internet access service,
insofar as such person is so engaged, shall not block lawful content,
applications, services, or non-harmful devices, subject to reasonable network
management. », idem, p. 112.
[51] « Platform designers can refuse to host certain apps on their platforms,
while providers are capable of blocking certain apps from transferring data
over their networks. This is where regulators come in: regulators can ensure
that providers and platforms do not block their gates, but instead host all
apps, thereby promoting innovation and ensuring low costs of entry. » Idem.
[52] « [S]hall not impair or degrade unlawful Internet traffic on the basis of
Internet content, application, or service, or use of a non-harmful device,
subject to reasonable network management », idem, p. 119.
[53] « Shall not unreasonably interfere with or unreasonably disadvantage (i) end users’ ability to select, access, and use broadband
Internet access service or the lawful Internet content, applications, services,
or devices of their choice, or (ii) edge providers’ ability to make lawful
content, applications, services, or devices available to end users Reasonable
network management. »
[54] « An "interconnection" is where two networks exchange traffic
with one another. Gillula, Jeremy et Kit Walsh, “The
FCC is Keeping an Eye on Interconnection, But More Clarity is Needed », Electronic Frontier Found, 13 avril 2015: [https://www.eff.org/en-gb/deeplinks/2015/04/fcc-keeping-eye-interconnection-more-clarity-needed].
[55] Open Internet Order, paragraphe 152.
[56] Idem, paragraphe
138.
[57] OECD Broadband Portal, 19 février
2016
[http://www.oecd.org/sti/broadband/oecdbroadbandportal.htm] [https://perma.cc/JK4G-9F5V].
[58] E. Mozorov, The net delusion: the dark side of internet freedom, New York,
Public Affairs, 2012.
[59] A. Pressman, « Trump’s
FCC Moving to Kill Probes of Zero Rating by AT&T and Verizon », Fortune, Feb. 3, 2017 [http://fortune.com/2017/02/03/trump-fcc-zero-rating-att-verizon/].
[60] Kang, « Trump’s FCC Quickly Targets Net Neutrality
Rules », N.Y. Times, Feb. 5,
2017, [https://www.nytimes.com/2017/02/05/technology/trumps-fcc-quickly-targets-net-neutrality-rules.html?rref=].
[61] Press Release, FCC, FCC Acts to Restore Internet Freedom,
Dec. 14, 2017, [https://apps.fcc.gov/ edocs_public/attachmatch/DOC-348261A1.pdf].
[62] J. Brodkin, « 2 Million People - and Some Dead Ones - Were Impersonated
in Net Neutrality Comments », Ars
Technica, Dec. 13, 2017 [https://arstechnica.com/tech-policy/2017/12/dead-people-among-millions-impersonated-in-fake-net-neutrality-comments/].
[63] « Exploring the
possible consequences of network operators’ deployment of
"intelligent" routers capable of deep packet inspection, which
facilitates comprehensive data surveillance and discrimination as data packets
transit the network ». N., R. et M. Mueller, « The End of the Net as We Know It? Deep Packet Inspection and Internet
Governance », New Media &
Society, vol. 13, 2011, p. 1142.
[64] À l’Université de Stanford, B. van Schewick, « Network Neutrality and Zero-rating », at 1, Feb. 19, 2015
[65] A la
London School of Economics, D. Brake, Mobile Zero Rating: The Economics and
Innovation Behind Free Data, Info. Tech. & Innovation Found, May 10,
2016 [http://www2.itif.org/2016-zero-rating.pdf].
[66] H. Neidig,
« With Rules Repealed, What’s Next
for Net Neutrality? », The Hill,
Feb. 23, 2018 [http://thehill.com/policy/technology/375185-with-rules-repealed-whats-next-for-net-neutrality] [https://perma.cc/YG9D-P9SQ].
[67] J. Brodkin, « Why the First State with
a Net Neutrality Law Isn’t Scared of Lawsuits », Ars Technica, Mar. 16, 2018 [https://arstechnica.com/tech-policy/2018/03/net-neutrality-supporting-lawmaker-tells-isps-were-ready-for-lawsuits/]
[68] Wall
Street Journal du 30 septembre 2018.
[69] L. Hurley, « U.S. Supreme Court ends fight over Obama-era net neutrality rules »,
Reuters, Nov. 5, 2018.
[70] F. Schauer, Free Speech: A Philosophical Enquiry, 1982, pp. 80-81.
[71] « State regulation of speech is consistent with, and may even be required
by, the first amendment ». O. W. Fiss, « Why the State? », Harvard Law
Review, no. 100, 1987, pp. 781, 783.
[72] Dans le dossier Metro Broadcasting, Inc. v. FCC, 497
U.S. 547, 567-68 (1990), la Cour Suprême a déclaré conforme les
politiques d’entreprise autorisant des propriétaires minoritaires afin de
permettre une plus large diversité des médias.. Elle a promu
la même pluralité médiatique lorsqu’elle a déclaré conforme à la Constitution
la structure des propriétés collectives dans le cadre du dossier FCC v. Nat'l
Citizens Comm. for Broad.,
436 U.S. 775, 795 (1978). Dans le dossier Fox Television
Stations, Inc. v. FCC, 280 F.3d 1027, 1043 (D.C. Cir.
2002), elle a même reconnu la diversité des médias
comme la finalité légitime de la législation. Enfin, elle a validé des
politiques concrètes visant la multiplicité des sources d’information, dans le
dossier Turner Broad. Sys., Inc. v. FCC, 512
U.S. 622, 663 (1994). Pour une description
des règles imposées par la FCC sur la diversification ambiante, voir H. L. Zuckman (et
al.), Modern Communications Law § 14.4
(1999).
[73] 250 U.S. 616, 630 (1919).
[74] « The most effective forms of
censorship today involve meddling with trust and attention, not muzzling speech
itself. As a result, they don’t look much like the old forms of censorship at
all. They look like viral or coordinated harassment campaigns, which harness
the dynamics of viral outrage to impose an unbearable and disproportionate cost
on the act of speaking out. They look like epidemics of disinformation, meant
to undercut the credibility of valid information sources. They look like
bot-fueled campaigns of trolling and distraction, or piecemeal leaks of hacked
materials, meant to swamp the attention of traditional media. » Z. Tufecki,
« It’s the (Democracy-Poisoning)
Golden Age of Free Speech », Wired,
Jan. 16, 2018 [https://www.wired.com/story/free-speech-issue-tech-turmoil-new-censorship/].