De l’esprit des gouvernements ouverts

par Irène BOUHADANA, Directrice du master Droit des données, des administrations numériques et des gouvernements ouverts de l’École de droit de la Sorbonne, Secrétaire-Générale de l’IMODEV;

& William GILLES, Directeur du master Droit des données, des administrations numériques et des gouvernements ouverts de l’École de droit de la Sorbonne, Président de l’IMODEV.

 

 

«La prudence qui dirige les ressorts généraux de la société civile, c’est la législation; celle qui dirige les détails de l’administration, est plus proprement la politique. Les jeunes gens peuvent devenir habiles dans les mathématiques, dans les sciences naturelles; les enfants même peuvent, jusqu’à un certain point, s’appliquer à ces connaissances; mais ni les uns ni les autres ne peuvent acquérir la sagesse ou la prudence. Celle-ci a pour objet une résolution définitive qu’il s’agit de prendre et d’exécuter : elle est l’effet d’une manière de sentir juste et conforme au vrai.»

Aristote, Éthique à Nicomaque,

Trad. J. Barthélemy-Saint-Hilaire, Librairie philosophique de Ladrange, 1856.

 

L’avènement des gouvernements ouverts participe à l’amélioration des processus démocratiques, y compris dans les démocraties parlementaires les plus anciennes[1]. La volonté de renforcer sans cesse les exigences démocratiques n’est pas nouvelle : l’Histoire témoigne de réformes successives visant à conférer davantage de droits aux citoyens, parmi lesquels la reconnaissance de l’égalité entre les Hommes, l’extension progressive du droit de vote ou encore la possibilité pour les justiciables de demander le respect de leurs droits fondamentaux devant les plus Hautes juridictions. Ce mouvement d’amélioration constant s’est aussi manifesté au niveau institutionnel, les mauvaises pratiques ayant laissé progressivement place à des meilleures jusqu’à l’apparition d’un parlementarisme rationalisé accordant une place à la fois à la majorité et à l’opposition parlementaires, mais également aux groupes minoritaires.

Si cette construction s’est opérée sur le long terme, par étapes successives, il convient de se demander si ce processus ne connaît pas un mouvement d’accélération en ce début de XXIe siècle. En effet, la société numérique est aussi bien susceptible de porter atteinte à certains droits fondamentaux, dont celui du droit au respect de la vie privée[2], que d’en favoriser l’affirmation de nouveaux, par exemple une meilleure participation citoyenne. Les nouvelles technologies sont d’une part, un outil de contrôle des populations par les États et les grandes entreprises du numérique, à travers notamment la surveillance de masse[3] mais aussi de contrôle des citoyens sur l’action de leurs gouvernants dans le cadre de qu’il est convenu d’appeler la «sousveillance»[4]; et d’autre part, un instrument de liberté permettant aux internautes d’exercer leur droit à la libre d’expression[5] à un niveau jamais encore égalé. Internet est autant le lieu d’expression de la crise politique contemporaine à travers les différents réseaux sociaux qui relaient la contestation et le malaise des populations vis-à-vis de leurs gouvernants[6] qu’un espoir pour la refondation de nos démocraties en rendant possibles de nouvelles pratiques visant à rapprocher la décision politique au plus près des citoyens, en mesure d’interagir avec ceux qui les gouvernent[7]. Or, ces différents questionnements participent au processus d’accélération porté par la société numérique qui change les pratiques tant des gouvernements, que des administrations et des citoyens, l’ouverture des données publiques amplifiant ce processus[8]. En d’autres termes, les relations entre gouvernants et gouvernés sont à repenser dans une société façonnée par les avancées technologiques qui évoluent très rapidement tandis que l’appréhension au plan juridique de cette évolution s’opère plus lentement.

Ce défi posé par les évolutions technologiques rencontre de manière quasi concomitante les évolutions issues du mouvement d’ouverture des gouvernements. En effet, ce dernier impose aux administrations des exigences tendant à placer les citoyens au cœur de l’élaboration des politiques publiques mises en œuvre par les gouvernements, mais en même temps, il prend appui notamment sur les avancées technologiques qui permettent de mieux intégrer les citoyens au processus d’ouverture[9].

Les gouvernements ouverts et les avancées technologiques apparaissent ainsi comme les ferments d’une (r) évolution des administrations publiques[10] qui ont, faut-il le rappeler, déjà franchi depuis plusieurs siècles ou décennies des étapes majeures de modernisation[11]. Dans l’attente du recul nécessaire à une analyse plus fine de ce processus d’ouverture qui transformera les administrations publiques et ce faisant les droits et la place des citoyens, il importe de penser et conduire ce changement. Dans ce contexte, des interrogations émergent parmi lesquelles, sans être exhaustif, il convient de relever les problématiques de l’approfondissement démocratique, de l’ouverture des administrations et des institutions publiques, de l’ouverture et de la réutilisation des données publiques, de l’appropriation de ce processus par les différents acteurs de sa mise œuvre…

L’ouverture des gouvernements et des administrations est de nature à insuffler une dynamique qui permettra de donner une consistance à la notion de «gouvernance ouverte» dont les applications concrètes concerneront la société numérique du XXIe siècle dans laquelle le monde dans son ensemble est entré. Le processus des gouvernements ouverts transforme la conception de nos administrations et leur fonctionnement du fait notamment du renouvellement des relations administration-usagers et administration-agents publics qu’il favorise. Les usagers sont désormais liés à l’administration par des relations moins verticales que par le passé, l’horizontalité des échanges entre gouvernants et gouvernés étant au contraire privilégiée pour permettre une meilleure intégration des citoyens, des agents publics, des usagers, des entreprises ou encore de la société civile au processus de décisions publiques.

L’ouverture des gouvernements ne doit donc pas se matérialiser uniquement par la mise en œuvre de politiques de transparence des administrations et des institutions[12], ou la diffusion d’informations publiques dans le cadre de l’open data. Ces actions sont certes nécessaires et participent au mouvement d’ouverture, mais la construction d’un gouvernement ouvert repose, en plus de la transparence, sur une plus grande participation et collaboration des acteurs publics et privés[13]. L’objectif est d’associer ces trois exigences pour améliorer la qualité des services publics et responsabiliser les gouvernants afin de permettre aux gouvernés de bénéficier d’un État efficace et efficient, qui par conséquent répond mieux à leurs besoins. Pour ce faire, les États qui s’engagent dans le processus des gouvernements ouverts doivent chercher à associer constamment l’ensemble des acteurs qui le souhaitent aux différentes étapes des politiques publiques, c’est-à-dire aussi bien au niveau initial, qui est celui où sont préparés les réformes des administrations ou les textes de loi, qu’au stade final, où il est nécessaire de contrôler et d’évaluer les décisions qui ont été adoptées en amont.

Bien que récente, la nouvelle dynamique enclenchée par le passage au gouvernement ouvert est donc déjà profonde en raison de sa dimension disruptive.

Si le gouvernement ouvert est considéré comme une notion récente malgré ses origines anciennes[14], il importe alors à la fois de le penser et de l’installer dans la durée, en particulier dans ces périodes d’instabilité et d’incertitudes, qu’il s’agisse de la crise de la représentativité politique ou du nouvel ordre géopolitique mondial.

§ 1 – Penser le gouvernement ouvert

En premier lieu, penser le gouvernement ouvert suppose de réfléchir d’une part, aux exigences qu’il requiert et d’autre part, à l’éthique qu’il doit poursuivre.

A) Des exigences des gouvernements ouverts

Plusieurs conditions doivent être cumulées pour ouvrir la voie à un gouvernement ouvert. C’est donc un prérequis.

Si l’on s’en tient à la définition donnée par le Président Obama en 2009[15], un gouvernement ouvert suppose de renforcer la transparence gouvernementale, de développer la participation citoyenne et d’encourager la collaboration des différentes parties prenantes au processus de décision publique, y compris les agents publics.

De son côté, le partenariat pour un gouvernement ouvert évalue la pertinence des plans d’action des États membres au regard de quatre critères, à savoir : l’accès à l’information, la participation citoyenne, l’obligation de rendre des comptes et le déploiement par les gouvernements d’outils technologiques et innovants pour promouvoir la transparence et l’obligation de rendre des comptes. S’y ajoutent cinq grands enjeux que sont l’amélioration des services publics, le renforcement de l’intégrité publique, l’amélioration de l’efficacité de la gestion des ressources publiques, la création de communautés plus sûres, et enfin, le renforcement de la responsabilité sociale. Sans doute faut-il aussi voir à travers ces valeurs et ces enjeux des éléments de définition, sinon des exigences pour les gouvernements qui se réclament ouverts.

Les différentes exigences des gouvernements ouverts mériteraient chacune une réflexion à part entière tant les enjeux qu’elles véhiculent sont complexes et diffèrent dans leur mise en œuvre d’un pays à l’autre. Cependant, il n’est matériellement pas possible de définir et de commenter chaque critère. Pour surmonter cette impossibilité matérielle, et illustrer toute la difficulté à saisir la portée de notions qui, a priori, peuvent paraître simples à définir, nous appuierons notre démonstration sur une notion cardinale des gouvernements ouverts, à savoir la transparence. Cette notion de transparence nous a paru particulièrement emblématique car si elle a été abondamment commentée et analysée par la doctrine[16], elle demeure néanmoins toujours difficile à mettre en œuvre dans sa plénitude et peut parfois se heurter à des obstacles qui jouent à son encontre. Pour ne prendre qu’un exemple illustrant la complexité de cette notion, il ne s’agit pas simplement de savoir ce qui doit être accessible à l’information du public et ce qui peut ne pas l’être, ou encore de se demander quelle donnée peut être aisément réutilisée dans un objectif de transparence. L’objectif est davantage de se demander quelles sont les conditions permettant de parvenir à une transparence gouvernementale effective, condition sine qua non d’une plus grande participation citoyenne et responsabilité gouvernementale. Le chemin de la transparence finit ainsi par croiser celui de la participation et de la collaboration citoyennes, mais une telle réflexion n’émerge pas aisément si l’on se préoccupe simplement du champ d’application de la transparence.

De ce point de vue, pour mieux mettre en lumière l’approche multidimensionnelle de la transparence, il est possible de s’appuyer sur les propos énoncés par J.-C. Trichet, selon lequel un gouvernement transparent suppose de réunir cinq conditions : premièrement, la clarté; deuxièmement, la recherche de vérité; troisièmement, l’exhaustivité, la sincérité et la fidélité; quatrièmement, la nécessité d’un débat public; et cinquièmement la responsabilité[17]. Ces cinq critères contribuent tous au renforcement du processus démocratique.

S’agissant de la clarté, l’objectif est de lutter contre l’obscurité. Cette finalité s’inscrit dans la continuité de la Philosophie des Lumières qui a fortement imprégné la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Dans ce texte, les révolutionnaires français soulignent que «l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements». Ainsi, ils insistent sur la nécessité «d’exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme», dont fait partie le droit à la transparence. Non seulement le préambule de la Déclaration rappelle que les actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif doivent pouvoir «être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique», mais l’article 14 de ce texte précise aussi que «les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée». Ferment de la transparence gouvernementale, l’article 15 de ce texte affirme quant à lui que «la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration».

Ce texte, qui sert de fondement à la démocratie française, a une portée renforcée à l’époque de l’Internet, ne serait-ce parce que les citoyens peuvent désormais accéder directement en ligne aux informations budgétaires, notamment celles de l’État et de la Sécurité sociale (lois de finances, lois de financement de la sécurité sociale, travaux parlementaires et débats budgétaires, rapports d’audit, etc.)[18].

Le deuxième critère, à savoir la vérité, trouve également un de ses fondements à la Révolution française. En effet, la recherche de vérité implique d’encourager la liberté de pensée et d’expression. C’est exactement ce que prévoit la Déclaration de 1789 à travers son article 11 selon lequel : «La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.» Là encore, la liberté de pensée et d’expression, et par conséquent la recherche de vérité, est un droit affirmé et consacré depuis longtemps, mais il est renforcé à travers l’usage de l’Internet[19].

Concernant l’exhaustivité, la sincérité et la fidélité, l’objectif est de s’assurer que les citoyens et leurs représentants voteront en connaissance de cause plutôt que dans l’ignorance. À défaut, il ne peut y avoir aucun débat public (critère 4) et par conséquent aucun processus démocratique. Il s’agit donc de lutter contre la diffusion d’informations qui seraient incomplètes, imprécises, et insuffisamment claires. Mais l’objectif est aussi de limiter la nature très technique de certains sujets qui empêche les parlementaires de comprendre les débats et de se prononcer de façon éclairée au moment du vote du texte. En ce sens, en France, le Conseil constitutionnel a reconnu depuis 1999 l’existence d’un objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi[20] qui impose au législateur d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques[21]. Aussi les gouvernements français successifs se sont-ils tous efforcés, ces dernières années, d’améliorer la qualité de loi mais aussi de la simplifier afin de la rendre plus accessible aux citoyens. De même, ils n’ont eu de cesse de renforcer la transparence des administrations afin de permettre aux usagers de mieux faire valoir leurs droits. Dans cette perspective, ils ont, par exemple, accéléré la codification de textes, développé des banques de données légales en ligne mais aussi des portails Internet d’accès expliquant aux citoyens leurs droits et obligations, ou encore encouragé le processus d’open data.

De telles mesures, qui ne sont pas spécifiques à la France, sont importantes et permettent de renforcer la transparence des administrations mais aussi la démocratie. Si elles permettent aux citoyens de mieux connaître leurs droits mais aussi leurs devoirs, elles constituent aussi une manière de rendre les gouvernants plus responsables (critère 5). Même si dans plusieurs pays, dont la France, cette exigence a des origines anciennes, la responsabilité des gouvernants est peut-être celle qui est la plus difficile à mettre en œuvre alors que pourtant, il s’agit certainement de celle qui est la plus attendue par les citoyens. Cependant, l’avènement de la société de l’information a créé de nouvelles possibilités.

Les nouvelles technologies permettent désormais de mettre en œuvre des principes vieux de plus de deux siècles, puisque beaucoup d’entre eux ont été forgés, au moins s’agissant de la France, pendant la Révolution française. Cependant, énoncés dans les textes principaux, ces principes étaient rarement mis en œuvre de manière réellement effective jusqu’à aujourd’hui. Le développement des nouvelles technologies a fortement contribué au renforcement de la transparence gouvernementale, même si dans de nombreux pays comme la France[22], ce processus avait débuté dans les années 1970[23].

L’impact des nouvelles technologies aura été de porter à la connaissance de tous des informations qui étaient auparavant réservées uniquement à l’élite, et notamment aux politiques. Désormais, il est plus difficile pour les gouvernements de cacher une partie de la réalité, car avec l’omniprésence des caméras, des smartphones qui enregistrent en permanence les images et le son de chaque instant de la vie publique ou privée, tout finit par se savoir, et surtout par circuler très rapidement entre les citoyens grâce aux réseaux sociaux.

Ce nouveau contexte oblige les gouvernements à renforcer la transparence de leurs politiques publiques, répondant à une demande de plus en plus pressante des citoyens d’avoir accès le plus rapidement possible aux mêmes informations que les gouvernants[24], pour le cas échéant commenter les décisions prises par les pouvoirs publics et ainsi nourrir le débat public.

Cette ouverture des gouvernements aux citoyens, à la société civile, mais aussi aux agents publics chargés de mettre en œuvre les politiques publiques, poursuit au final, en ce début de XXIe siècle, les cinq exigences d’un gouvernement transparent énoncées précédemment.

B) De l’éthique du gouvernement ouvert

Un pays qui souhaite s’inscrire dans le processus des gouvernements ouverts doit mener des politiques publiques transparentes mais aussi respectueuses d’une certaine éthique[25]. Il ne peut en effet y avoir de gouvernement ouvert sans éthique. C’est une exigence qui est suffisamment importante pour être traitée en tant que telle.

Un gouvernement ouvert doit créer les conditions favorables à sa mise en œuvre. Au-delà des engagements qu’il accepte en matière d’ouverture, un gouvernement doit veiller à l’effectivité d’un certain nombre de conditions sans lesquelles l’ouverture pourrait n’avoir qu’une portée restreinte. Sans être exhaustif, il importe pour un gouvernement ouvert de créer les conditions permettant d’accéder à une information fiable et sincère, tout en donnant aux citoyens la possibilité de comprendre les raisons pour lesquelles cet accès peut leur être parfois refusé ou limité.

La qualité de l’information mise à disposition ou accessible ouvre la voie à une seconde exigence du gouvernement ouvert, à savoir une participation citoyenne effective et en toute connaissance de cause.

Cumulées, ces deux exigences constituent le socle sur lequel le gouvernement ouvert pourra être édifié. Il ne serait pas excessif de considérer que ces deux conditions relèvent de l’intérêt général en matière d’accès et de réutilisation de l’information publique.

Un gouvernement ouvert doit donc d’une part, créer les conditions permettant l’accès à une information fiable, c’est-à-dire sincère et exacte. Une telle exigence n’est pas facile à réaliser. En effet, ce n’est pas parce qu’une information est disponible et accessible qu’elle est sincère et exacte, en particulier lorsqu’elle est fournie par les gouvernements. Un gouvernement ouvert doit donc poursuivre l’objectif de mettre en place des processus permettant de contrôler la qualité et la véracité de cette information.

À l’inverse, ce n’est pas parce qu’une information n’est pas disponible qu’elle n’existe pas. Aussi les gouvernements ouverts doivent-ils prévoir des processus fiables permettant d’accéder à ces informations.

En outre, et en particulier à l’ère de la société de l’information, il importe de garder présent à l’esprit que ce n’est pas parce que beaucoup d’informations sont accessibles qu’une information encore plus pertinente n’est pas disponible. Le danger susceptible d’en résulter est de noyer le citoyen dans la masse d’informations pour lui cacher celles qui sont les plus pertinentes. En effet, les citoyens ne sont pas toujours en mesure d’exploiter toute l’information qui est mise à leur disposition, le «trop-plein» d’information les empêchant de le faire.[26] Autrement dit, de même qu’il est nécessaire de permettre aux citoyens d’accéder à un minimum d’information, il est tout aussi indispensable de veiller à ce que les informations les plus pertinentes ne soient pas diffusées au sein d’une masse d’informations sans grand intérêt ou présentant un faible intérêt. La question de la pertinence de l’information et de sa qualité est donc essentielle, tout autant que la quantité de l’information disponible en accès libre et réutilisable.

Dès lors, se pose la question de savoir si toutes les informations ont vocation ou non à être diffusées[27]. Cette question peut surprendre à première vue car elle conduit à se demander si l’exhaustivité nuit à la qualité de l’information. Or, penser le gouvernement ouvert devrait a priori nous inciter à considérer que toute information publique a vocation être diffusée aux citoyens.

Pourtant, toutes les données publiques sont-elles pertinentes du point de vue de la diffusion aux citoyens? La réponse à cette question n’est pas aisée et y répondre par la négative présente le risque de réduire le champ d’ouverture de l’information et de laisser aux gouvernants une grande latitude pour choisir dans l’information qui doit être rendue disponible. Y répondre par l’affirmative présente d’autres risques, et notamment – sans être exhaustif – celui de dégrader la pertinence de l’information disponible par une diffusion excessive de données ou celui de porter atteinte à des intérêts nationaux ou privés par l’ouverture d’informations publiques contenant des données sensibles. La réponse est sans doute à mi-chemin entre la nécessaire ouverture de l’information et les impératifs des intérêts nationaux ou de la protection des droits des individus.

Dès lors, si l’on considère que toutes les informations publiques n’ont pas à être diffusées, notamment pour respecter certains droits essentiels comme le droit des États à défendre leurs intérêts stratégiques (sujets liés à la défense, à la monnaie…), ou le droit des individus à faire valoir leurs droits (droit au respect de la vie privée, voire les droits de propriété intellectuelle), se pose une question essentielle, celle de savoir à qui revient le choix de décider quelle information a vocation ou non à être diffusée. S’il semble légitime de penser que dans un régime démocratique, il doit revenir au Parlement de définir les catégories d’informations ayant vocation à être diffusées et d’arrêter la liste des exceptions à ce principe de diffusion, la mise en œuvre de ces principes nécessite l’intervention du pouvoir exécutif. Concrètement, c’est bien l’administration qui décidera ou non de diffuser les informations qu’elle possède. Or, qui doit décider dans ce cas de la pertinence de la diffusion de l’information? Le risque est notamment que certaines administrations refusent de communiquer une information au motif qu’elle entrerait dans le champ des exceptions. Par exemple, considérer qu’un document relève du domaine stratégique pour refuser d’ouvrir l’information alors qu’il n’en est rien. Pour éviter de telles dérives, il est important qu’une autorité (administrative ou judiciaire) puisse non seulement s’assurer de l’absence d’abus de pouvoir dans le refus voire le retard de communication, mais surtout ait la possibilité d’imposer aux administrations de communiquer le document, le cas échéant en prévoyant des astreintes. Cet encadrement vise à éviter que les exceptions à l’ouverture se transforment progressivement par extensions successives en principe. Dans un tel cas, le principe de l’ouverture des informations serait alors devenu une exception alors que l’exception à l’ouverture des informations serait devenue un principe. Ce risque est encore plus grand pour les catégories d’informations relevant de domaines sensibles.

De ce point de vue, l’ouverture de l’information place les gouvernants face à leurs responsabilités, autrement dit, exige de ces derniers d’effectuer des choix déterminants en matière d’éthique gouvernementale, parlementaire et plus largement institutionnelle. Or ces choix s’avèrent cruciaux pour évaluer l’ouverture des gouvernements et lui donner une consistance.

D’autre part, et comme énoncé précédemment, l’accès à une information fiable conditionne à son tour l’effectivité de la démocratie participative. En ce domaine, l’éthique d’un gouvernement ouvert implique pour ce dernier de créer les conditions d’une démocratie participative effective. Cette exigence place les gouvernements devant des choix, voire des défis, qu’il leur faudra surmonter pour dépasser le stade de l’apparence en matière d’ouverture.

Si elle est renouvelée par le processus d’ouverture des gouvernements, la problématique de l’effectivité de la participation citoyenne se posait déjà au moins sous la plume des philosophes des Lumières. En ce sens, Montesquieu avait affirmé :

«Comme, dans un État libre, tout homme qui est censé avoir une âme libre doit être gouverné par lui-même, il faudrait que le peuple en corps eût la puissance législative : mais, comme cela est impossible dans les grands États, et est sujet à beaucoup d’inconvénients dans les petits, il faut que le peuple fasse, par ses représentants, tout ce qu’il ne peut faire par lui-même.»[28]

À la lumière de cette analyse, la sincérité du processus participatif est à rapprocher de la sincérité du vote qui est au cœur du processus démocratique. En d’autres termes, comment s’assurer que le processus participatif ne sert pas à légitimer une décision déjà prise dans laquelle tout est joué d’avance, la participation citoyenne ne servant alors que de prétexte? De même qu’il n’est pas possible d’admettre une fraude au moment des élections, il n’est pas davantage admissible d’envisager une absence de sincérité du processus de consultation des citoyens. L’enjeu est essentiel car les processus participatifs vont se développer de plus en plus à l’avenir, la société numérique et les outils en ligne facilitant le déploiement de ce mode de consultation.

À l’égard des processus participatifs, un gouvernement ouvert doit précisément veiller à créer les conditions d’une démocratie participative effective et sincère. Une telle situation peut pourtant être porteuse d’un paradoxe car d’un côté, les populations réclament de plus en plus de démocratie participative pour pouvoir s’impliquer dans les décisions, mais de l’autre, lorsque ces processus sont mis en place, la participation est souvent faible. Ce paradoxe de la démocratie participative peut s’expliquer par au moins trois raisons : soit les populations ne sont pas suffisamment informées et n’ont pas eu connaissance du processus de consultation; soit elles se désintéressent de ce processus qui leur semble éloigné de leurs préoccupations ou en tout cas insuffisamment proche de leurs besoins pour y consacrer du temps[29]; soit elles estiment manquer de légitimité pour participer (tel est le cas lorsque les enjeux relatifs à la consultation sont formulés en des termes trop techniques pour permettre une participation massive). Or, une démocratie participative peut-elle être effective lorsque trop peu de personnes participent au processus de consultation? Le risque est également que des lobbies ou groupes d’intérêt prennent le pas sur ces processus.

L’éthique des gouvernements ouverts permet de mettre l’accent sur la mise en œuvre effective de la participation citoyenne. En d’autres termes, il ne suffit pas seulement pour un gouvernement de se prévaloir de l’ouverture ou même d’adopter des lois et règlements favorisant l’ouverture des gouvernements, il importe avant tout de veiller à l’application effective de ces principes, et ce faisant d’accompagner le changement que ce processus génère. L’éthique des gouvernements ouverts repose donc également sur la capacité des États à conduire le changement non seulement au sein des élites, mais aussi à l’égard de la société civile; non seulement au sein des agents publics, mais également parmi les citoyens ainsi que les gouvernants, chacun de ces acteurs pouvant, pour des raisons différentes, constituer un frein au changement. Nous qualifierons cette situation de paradoxe de l’ouverture dans la mesure où un gouvernement qui est engagé en faveur de l’ouverture peut rencontrer en son sein des acteurs qui sont censés être parties prenantes de cette ouverture, mais qui deviennent pourtant des obstacles à une telle ouverture.

L’éthique du gouvernement ouvert permet de prendre conscience des difficultés de mise en œuvre de l’ouverture. Elle est donc nécessaire pour comprendre ce processus et donner un sens aux changements qu’il entraîne. Cette éthique est d’autant plus nécessaire que le gouvernement ouvert est insuffisamment défini. Les différents échanges engagés avec les institutions françaises et étrangères, mais aussi avec les chercheurs du monde entier nous ont montré qu’il n’existe pas une mais plusieurs définitions du gouvernement ouvert. Une approche commune fait donc défaut. Elle est pourtant essentielle pour identifier les droits et obligations qui sous-tendent le processus des gouvernements ouverts ou qui en sont issus. Or, de ce point de vue, les institutions comme la doctrine se sont peu intéressées à la consistance du droit à un gouvernement ouvert. La recherche d’une telle définition juridique n’est pas aisée, d’autant qu’elle incite à appréhender la réalité de ce droit. En d’autres termes, existe-t-il un droit au gouvernement ouvert? Dans l’affirmative, ce droit constitue-t-il simplement le renouveau d’anciens droits ou est-il l’émanation d’un nouveau droit?

§ 2 – Garantir le gouvernement ouvert

Pour ancrer le gouvernement ouvert sur des fondements durables, il convient d’une part, de mettre en lumière les droits qui le sous-tendent ou qu’il est susceptible de faire naître. Pour engager le gouvernement ouvert dans la pratique, il importe d’autre part, de forger des principes susceptibles de lui conférer une telle effectivité.

A)Des droits afférant au gouvernement ouvert

La mise en œuvre du gouvernement ouvert nous conduit sur le terrain des droits et libertés qui prennent appui sur la transparence, la participation et la collaboration citoyennes. Ce faisant, ces exigences finissent par être transcendées par les droits qu’ils consolident ou qu’ils font naître.

Le processus des gouvernements ouverts ne doit pas se réduire à la transparence gouvernementale, y compris dans sa dimension moderne, à savoir l’open data.

Transparence, Open Data et Gouvernements ouverts sont des notions qui ne se recoupent pas complètement[30]. Le concept des gouvernements ouverts a une dimension plus large que la transparence, et même de l’open data. L’open government n’est pas simplement une question de mise à disposition de l’information au public, mais a également pour vocation de créer des interactions entre le citoyen et l’État, et plus largement les administrations publiques. En d’autres termes l’open government n’est pas exclusivement une question d’ouverture de l’information mais aussi un processus d’ouverture entre les gouvernés et les gouvernants grâce à une plus grande interaction entre eux[31]. Cette interaction peut prendre à la fois la forme traditionnelle de démocratie participative mais aussi la forme renouvelée de démocratie collaborative[32].

Tant la démocratie participative que collaborative nécessite une transparence gouvernementale car le citoyen doit pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause. Cette transparence doit être entendue dans les cinq dimensions précitées et ne pas se résumer, comme cela peut parfois être le cas à une simple ouverture des données publiques, ou autrement dit, à une politique d’open data.

En effet, le processus de transparence et d’open data sont deux processus qui peuvent parfois être confondus car ils sont susceptibles de se recouper. Or, un gouvernement peut mener une politique d’open data sans être véritablement transparent et à l’inverse, un gouvernement peut présenter certaines formes de transparence sans mener une politique d’ouverture de ses données publiques. Sans doute l’ouverture des données publiques est-elle indéniablement un critère essentiel des gouvernements ouverts. Cependant, un gouvernement ne serait pas réellement ouvert s’il procédait uniquement à une politique de transparence et/ou à une politique de diffusion des données publiques sans permettre aux citoyens, aux entreprises et à la société civile d’y avoir véritablement et facilement accès afin de s’en servir pour participer à l’amélioration des politiques publiques et au processus décisionnel.

En définitive, l’open government ne devrait pas se réduire à des instruments ou à une dimension technique. En revanche, il s’appuie sur des droits qui existaient déjà, mais qui sont renouvelés par l’open government.

1) Les soubassements du gouvernement ouvert

Le droit au gouvernement ouvert n’est pas un droit ex nihilo. La notion de gouvernements ouverts évoque inévitablement des droits affirmés depuis très longtemps, et parfois depuis la philosophie des Lumières qui a nourri au moins les révolutions françaises et américaines à la fin du XVIIIe siècle.

Parmi ces droits, figurent le droit à la transparence gouvernementale, le droit à la participation citoyenne, le droit de demander compte à tout agent public de son administration, ou encore le droit à disposer de gouvernements intègres.

Ces droits se sont progressivement renforcés, et l’approfondissement de la démocratie a permis l’émergence de nouveaux droits comme le droit à la sincérité du processus électoral, le droit à la sincérité budgétaire et comptable ou encore le droit à un service public efficace, efficient et de qualité.

Nous pourrions aussi inclure le droit de vivre dans un environnement sain. De plus en plus de gouvernements reconnaissent que les politiques publiques devraient respecter les principes de développement durable. Afin de parvenir à cet objectif, la France a, par exemple, adopté plusieurs engagements relatifs au développement durable dans son plan d’action national sur les gouvernements ouverts[33]. Un des engagements consiste à adhérer à l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (ITIE)[34] alors que plusieurs autres engagements sont liés à la COP 21, événement qui a été organisé à Paris et qui a conduit à la signature de l’Accord de Paris le 12 décembre 2015[35]. Plus généralement, le droit de vivre dans un environnement sain est favorisé par la reconnaissance et l’affirmation d’un droit d’accès et de réutilisation (open data) de l’information environnementale, droit qui n’est malheureusement pas toujours respecté. Pourtant, la reconnaissance d’un droit d’accès et de réutilisation de l’information environnementale n’est pas seulement nécessaire pour les nationaux. Elle est aussi utile pour pouvoir lutter efficacement contre le réchauffement climatique au niveau international[36].

Le processus des gouvernements ouverts aboutit à renouveler l’ensemble de ces droits en les fédérant. La consolidation de ces droits permet alors de créer de nouvelles synergies et de favoriser, grâce aux nouvelles technologies[37], une plus grande transparence, une meilleure interaction entre les gouvernants et les citoyens, et donc une plus grande responsabilité.

Les progrès réalisés ces dernières années en la matière ne doivent cependant pas faire oublier l’existence de grandes inégalités entre les pays quant à l’application effective de ces droits pourtant anciens.

2) L’émergence de nouveaux droits

Mais le droit au gouvernement ouvert ne se réduit pas à la fédération de ces droits préexistants. Au contraire, de nouveaux droits apparaissent, et en particulier, celui de la co-construction législative.

Procéder à la co-construction de la décision politique en associant le citoyen permet d’améliorer l’efficacité et l’efficience des politiques publiques. Cette co-construction vise en outre à consolider le lien particulier déjà évoqué par Montesquieu entre les citoyens, les gouvernements et la démocratie. Dans L’esprit des lois en effet, il avait affirmé que dans les démocraties seulement, «le gouvernement est confié à chaque citoyen»[38]. La responsabilité ainsi conférée à chaque citoyen trouve son aboutissement notamment dans la co-construction des décisions publiques. Cette co-construction peut prendre plusieurs formes, le budget participatif étant l’une des plus connues.

Plus récemment, certains gouvernements ont souhaité aller plus loin dans le processus d’association des citoyens en demandant à ces derniers de contribuer à l’élaboration des textes réglementaires ou législatifs. Cette modalité de co-construction n’est pas aujourd’hui la plus développée. Pourtant, bien mené, un processus d’association des citoyens à l’écriture législative peut contribuer à améliorer l’écriture de la loi : non seulement, il peut favoriser l’intelligibilité des textes rédigés, le citoyen n’hésitant pas à formuler des observations pour rendre plus claires des dispositions qu’il ne comprend pas; mais en outre, la loi peut se trouver enrichie par l’expertise citoyenne. Au final, le législateur reste cependant maître du processus puisqu’il lui appartiendra de voter ou non les modifications proposées par les citoyens.

Cette approche fut retenue par la France au moment de l’examen du projet de loi Lemaire. Ce texte fut soumis à une consultation citoyenne sur Internet avant le dépôt au Parlement, consultation qui aboutit à l’intégration dans le texte législatif de plusieurs dispositions proposées par le citoyen, dont certaines figurent dans la version définitive de la loi[39].

De ce processus de co-construction des décisions publiques, il résulte une double conséquence.

D’une part, les exigences des gouvernements ouverts génèrent une plus grande responsabilité des gouvernants qui doivent rendre compte en permanence de leur action à des citoyens qui peuvent leur répondre en temps réel, et pas seulement au moment des élections.

D’autre part, et c’est là le caractère novateur des gouvernements ouverts, le citoyen, qui est appelé à participer au processus décisionnel, est désormais également soumis à un devoir de responsabilité. Dans un gouvernement ouvert effectif, le citoyen a la possibilité de participer directement et régulièrement au processus de décision. Dès lors, il ne peut plus se défausser derrière une passivité supposée des gouvernés, puisqu’il a lui-même le devoir, et le pouvoir, de faire évoluer la prise de décision publique. C’est dans cette voie que le gouvernement ouvert doit s’inscrire et c’est pour cette raison que le droit au gouvernement ouvert ne doit pas être instrumentalisé, mais protégé et affirmé.

Il apparaît que les potentialités du droit au gouvernement ouvert sont telles que lorsqu’il aura atteint un certain niveau de développement, il conduira à soulever la question de son intégration éventuelle dans la Constitution, au titre des droits fondamentaux du citoyen.

Un pays ne peut se réclamer de l’ouverture que s’il place son action au cœur de la protection des libertés et droits fondamentaux à l’ère du numérique. La question de savoir comment l’ouverture des gouvernements peut contribuer à renforcer les libertés et droits fondamentaux est cruciale car, à l’ère de l’Internet et de la surveillance de masse, ces derniers n’ont jamais été autant menacés qu’aujourd’hui. Dans notre société contemporaine, où se mêlent parfois des intérêts contradictoires, avec un Internet conçu à l’origine comme un espace de liberté et représentant aujourd’hui aussi un outil de surveillance de masse, comment les États peuvent-ils concilier à la fois le développement du contrôle des individus au nom de la sécurité et de la lutte contre la cybercriminalité, le droit au respect de la vie privée et la liberté d’expression qui passe par le droit d’accéder à une information fiable?

Ce sont autant de préoccupations qui nourriront les réflexions menées par la doctrine. Ces mêmes préoccupations nous ont conduit à définir 10 principes du gouvernement ouvert visant à mettre en lumière les droits et obligations des différentes parties prenantes à ce processus.

B) Des 10 principes pour un gouvernement ouvert effectif

Les principes énoncés ci-après sont le fruit des recherches que nous avons menées en France et dans le monde en matière de gouvernements ouverts depuis l’amorce de ce processus. Ils ont aussi été forgés par le retour d’expériences que nous avons pu analyser au cours de nos échanges avec des chercheurs et des praticiens dans différents pays engagés dans le processus des gouvernements ouverts[40].

1. Le Droit à la transparence et à l’accès à l’information publique

1.1. Un gouvernement ouvert devrait autant que possible mener ses actions dans une logique de transparence.

1.2. Le droit à la transparence a pour corollaire un droit d’accès à l’information. Un gouvernement ouvert devrait reconnaître à ses ressortissants, dans un temps opportun et raisonnable, un droit d’accès à l’information le plus exhaustif possible, les limites à ce droit d’accès à l’information publique devant être strictement délimitées et régulièrement révisées.

1.3. Les limites au droit d’accès à l’information publique devraient concerner uniquement le droit au respect de la vie privée et les informations dites sensibles car relevant de secteurs stratégiques ou régaliens.
1.4. Une autorité indépendante (administrative ou judiciaire) devrait garantir l’effectivité du droit à l’information publique, avec la possibilité d’adresser des injonctions et des sanctions aux administrations qui font obstacle à la mise en œuvre du droit à l’information publique (y compris par une diffusion trop lente).

2. Le Droit à la réutilisation de l’information publique

2.1. Si le droit d’accès à l’information publique est essentiel, il est tout aussi indispensable de favoriser sa réutilisation qui est vecteur de renforcement démocratique. Dès lors, un gouvernement ouvert devrait s’engager à permettre, autant que possible, la réutilisation des informations publiques.

2.2. L’effectivité du droit à la réutilisation de l’information publique suppose pour les gouvernements et les institutions publiques de mettre à disposition leurs données et documents dans un format ouvert, brut et aisément réutilisable.

2.3. Un gouvernement ouvert devrait développer un service public de la donnée et consacrer les moyens nécessaires pour assurer une politique de qualité en ce domaine.

2.4. Les gouvernements devraient s’engager à autoriser, autant que possible, la réutilisation des informations publiques à titre gratuit. Cette gratuité n’exclut pas la possibilité de mettre en place des modèles de financement dès lors que ces ressources sont destinées à assurer une politique de diffusion de la donnée publique de qualité[41]. Ce financement peut reposer par exemple sur des prestations complémentaires réalisées par le service de la donnée, sans que ceux-ci ne privent les citoyens de leur droit d’accéder et de réutiliser des données de référence à titre gratuit.

 

3. Le droit des citoyens à prendre part aux décisions publiques

3.1. Un gouvernement ouvert devrait permettre à chaque citoyen de se présenter aux élections.

3.2. Un gouvernement ouvert devrait permettre au citoyen de se prononcer régulièrement sur les décisions qui le concernent.

3.3. Dans un gouvernement ouvert, les États s’engagent à développer les mécanismes de démocratie participative et au moins à moyen terme, à développer des mécanismes de co-construction des décisions publiques.

 

4. Le droit au renouvellement et au pluralisme démocratique

4.1. Un gouvernement ouvert devrait protéger le pluralisme démocratique et encourager le renouvellement régulier des gouvernants, par exemple en limitant la durée, le cumul et le nombre de mandats.

4.2. Un gouvernement ouvert devrait favoriser la représentativité des populations dans leur diversité tant dans les institutions élues que dans les processus de démocratie participative.

 

5. Le droit à la sincérité et à la confiance en son gouvernement

5.1. Il ne peut y avoir de gouvernement ouvert sans confiance des citoyens envers leurs gouvernants. L’ouverture des gouvernements implique par conséquent de déployer des mécanismes permettant d’instaurer une relation de confiance entre gouvernés et gouvernants.

5.2. Il ne peut y avoir de confiance sans sincérité. Un gouvernement ouvert devrait affirmer dans ses textes fondamentaux et organiser au plan juridictionnel la défense du principe de sincérité dans la mise en œuvre des politiques publiques.

5.3. Doivent en particulier être reconnus et protégés par les juridictions, le droit à la sincérité des décisions et des évaluations, mais aussi le droit à la sincérité des mécanismes de participation et de consultation publiques.

5.4. Ce droit à la sincérité et à la confiance inclut un droit à la neutralité des réseaux[42], mais aussi des données car, à l’ère du numérique, cette double neutralité est indispensable à la mise en œuvre d’un gouvernement ouvert.

5.5. Il ne peut y avoir de confiance et de sincérité dans une société corrompue. Un gouvernement ouvert devrait s’engager à réprimer les mécanismes de corruption et prononcer des peines d’inéligibilité à destination des auteurs reconnus coupables de tels faits par la justice dans le cadre d’un procès équitable.

 

6. Le droit à un gouvernement responsable

6.1. Un gouvernement ouvert devrait prévoir un cadre juridique obligeant les gouvernants à rendre des comptes et à être responsables de leurs actes.

6.2. Le droit à un gouvernement responsable fait naître en corollaire une obligation pour les citoyens et les agents publics qui doivent aussi adopter une attitude responsable.

6.3. Le droit à un gouvernement responsable implique pour les gouvernants de lutter contre les difficultés de mise en œuvre de l’ouverture gouvernementale en prenant des mesures visant à surmonter notamment le développement du paradoxe de la démocratie participative et du paradoxe de l’ouverture.

6.4. Pour assurer l’effectivité du droit à un gouvernement responsable, un gouvernement ouvert devrait encourager les administrations et institutions publiques à déployer les nouvelles technologies qui, à l’ère du numérique, sont indispensables pour assurer la transparence gouvernementale, la participation citoyenne, ainsi que le contrôle et l’évaluation par les citoyens de leurs gouvernements.

 

7. Le droit à la protection des acteurs de l’ouverture des gouvernements ouverts

7.1. Un gouvernement ouvert devrait prévoir un cadre juridique protégeant les membres de l’opposition et/ou les opinions minoritaires.

7.2. Un gouvernement ouvert devrait s’engager à prévoir un cadre juridique qui protège les acteurs qui concourent au respect des principes démocratiques et qui œuvrent en faveur de l’ouverture des gouvernements.

7.3. Le droit à l’information publique a pour corollaire le droit de transmettre l’information lorsque cette transmission poursuit un but d’intérêt général et est proportionnée par rapport aux autres droits. Dès lors, un gouvernement ouvert devrait garantir un statut tant pour les journalistes que pour les lanceurs d’alerte[43] en leur permettant de ne pas être poursuivis pour les faits révélés dans de telles conditions; de ne pas avoir à communiquer leurs sources; et d’être protégés.

7.4. Un gouvernement ouvert devrait limiter les dispositifs de surveillance de ses populations. Lorsque de tels outils sont déployés, une juridiction devrait pouvoir s’assurer qu’ils répondent strictement à un motif d’intérêt général et qu’ils ne sont pas disproportionnés par rapport à l’objectif poursuivi.

8. Le droit à l’effectivité du gouvernement ouvert

8.1. Le droit à un gouvernement ouvert repose sur un certain nombre de principes et de règles qui sont parfois adoptés par les pays mais qui ne sont pas toujours effectifs.

8.2. Le droit au gouvernement ouvert met à la charge des gouvernants de garantir l’effectivité des textes de loi et des décisions de justice ou gouvernementale en matière de gouvernement ouvert afin de ne pas entraver le développement du processus d’ouverture gouvernementale et institutionnelle[44].

8.3. Un gouvernement ouvert devrait reconnaître aux citoyens le droit de se pourvoir en justice pour faire valoir leurs droits et mettre en place des dispositifs permettant d’assurer l’effectivité des décisions de justice prononcées dans le cadre d’un procès équitable.

8.4. Pour assurer l’effectivité de l’ouverture, un gouvernement ouvert devrait déployer des moyens adéquats visant à lutter contre la fracture numérique afin d’assurer un égal accès de tous aux nouvelles technologies qui sont, à l’ère du numérique, des instruments de transparence et de démocratie participative et collaborative.

 

9. Le droit à la proportionnalité et à la justification des exceptions aux principes des gouvernements ouverts

9.1. Le gouvernement ouvert pose un certain nombre de principes, par exemple en matière de droit d’accès à l’information, de réutilisation ou de participation citoyenne, qui peuvent connaître des exceptions. Un gouvernement ouvert devrait reconnaître aux citoyens un droit à la proportionnalité et à la justification des exceptions aux principes des gouvernements ouverts.

9.2. Un gouvernement ouvert devrait s’engager à limiter ces exceptions et à constamment les justifier.

9.3. Lorsque de telles exceptions sont prévues, une juridiction devrait avoir la possibilité de s’assurer que ces exceptions sont justifiées et proportionnées par rapport au but poursuivi.

9.4. De même en vertu du principe de proportionnalité, l’ouverture des informations publiques ne devrait pas porter atteinte aux droits fondamentaux des citoyens. Lorsque ces atteintes sont justifiées pour des motifs d’intérêt général, une juridiction devrait s’assurer qu’elles ne sont pas disproportionnées par rapport à l’objectif poursuivi.

 

10. Le droit à la diffusion de la culture du gouvernement ouvert.

10.1. Un gouvernement ouvert devrait s’engager à promouvoir la culture du gouvernement ouvert dans l’ensemble de la société et à tous les niveaux d’organisation territoriale, administrative et institutionnelle.

10.2. Un gouvernement ouvert devrait promouvoir une éducation au gouvernement ouvert, aussi bien par des programmes de formation initiale et continue que par des actions de vulgarisation à destination de tous les publics.

10.3. Un gouvernement ouvert devrait promouvoir et soutenir la recherche sur les gouvernements ouverts dans toutes ses composantes disciplinaires.

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Dans un souci de défense du pluralisme linguistique, parce que l’ouverture des gouvernements et la bonne compréhension et appropriation des mécanismes d’ouverture supposent également de défendre la possibilité des acteurs de s’exprimer dans plusieurs langues, les dix principes pour un gouvernement ouvert effectif sont disponibles dans les langues suivantes : anglais, français, espagnol, portugais, grec, tchèque.

La consultation de ces différentes versions est disponible sur :

http://cms.imodev.org/publications/10-principles-for-an-effective-open-government-10-principes-pour-un-gouvernement-ouvert-effectif/



[1] À ce propos, cf. par exemple, I. Bouhadana, W. Gilles, I. Nguyên-Duy (eds), Parliaments in the Open Government Era, Les éditions Imodev, 2016; E. Bohorquez (eds), Open Parliaments. Results and Expectations, Transparencia Mexicana, 2015; ou encore I. Luna Pla, “El Parlemento Abierto en la Era Digital”, International Journal of Digital and Data Law, n° 2, 2016.

[2] À ce sujet, voir notamment les contributions de l’ouvrage R. Weaver, S. Friedland, W. Gilles, I. Bouhadana (eds), Privacy in a Digital Age. Perspectives from Two Continents, Carolina Academic Press, 2017 ou encore de l’ouvrage A.-S. Lind, J. Reichel, I. Österdahl (eds), Information and Law in Transition, Liber, 2015.

[3] Cf. par exemple, S. Friedland, “The Difference Between Invisible and Visible Surveillance in a Mass Surveillance World”, in I. Bouhadana, W. Gilles, R. Weaver (eds), Transparency in the Open Government Era, Les éditions Imodev, 2015.

[4][4] Sur ce point, cf. W. Gilles, “Open Government, French Parliamentary Allowances and the ‘Reserve Parlementaire’ in a Sousveillance Society”, in I. Bouhadana, W. Gilles, I. Nguyên-Duy (eds), Parliaments in the Open Government Era, Les éditions Imodev, 2016. Cet article tire les conséquences de la théorie de S. Mann (S. Mann, J. Ferenbok, “New Media and the Power Politics of Sousveillance in a Surveillance-Dominated World”, Surveillance & Society, 11 (1/2), 2013) sur la sousveillance pour les appliquer à l’open government.

[5] Cf. R. Weaver, From Gutenberg to the Internet: Free Speech, Advancing Technology, and the Implications for Democracy, Carolina Academic Press, 2013; R. Weaver, “Free Speech and Democracy in an Internet Era”, in A.-S. Lind, J. Reichel, I. Österdahl (eds), op. cit.; W. Gilles, Open Data, Democracy and Freedom of Expression in France”, in A.-S. Lind, J. Reichel, I. Österdahl (eds), op. cit.

[6] Pour illustrer ce propos, cf. par exemple l’ouvrage collectif dirigé par J.-J. Lavenue (dir.), E-révolutions et révolutions. Résistances et résiliences, Septentrion, 2016.

[7] En ce sens, voir par exemple les articles de Ch. Malhotra qui expliquent comment, dans la plus grande démocratie du monde, les réseaux sociaux contribuent au renouvellement des rapports entre les citoyens indiens et leurs gouvernants. Voir Ch. Malhotra, “Role of social media in Promoting Transparency in an Open Government Era in SAARC Countries with Special Reference to India”, International Journal of Digital and Data Law, n° 1, 2015; Ch. Malhotra, “Public Tools for Open Governance: Review of RTI Act and Social Media in Indian Context”, International Journal of Open Governments, n° 2, 2015.

[8] W. Gilles, «Démocratie et données publiques à l’ère des gouvernements ouverts : pour un nouveau contrat de société?», in I. Bouhadana, W. Gilles (dir.), Droit et gouvernance des données publiques et privées à l’ère du numérique, 2015.

[9] R. Weaver, “Citizen Participation in an Internet Era, International Journal of Open Governments, n° 3, 2016.

[10] Cf. par exemple, s’agissant de la France, les contributions de l’ouvrage I. Bouhadana, W. Gilles (dir.), Droit et gouvernance des administrations publiques à l’ère du numérique, Les éditions Imodev, 2014.

[11] Le processus de modernisation des administrations est un continuum historique dans lequel le passage à l’administration numérique et aux gouvernements ouverts ne fait que s’inscrire. Parmi les auteurs qui ont analysé l’évolution de ces réformes sur plusieurs siècles, cf. notamment P. Legendre, L’Administration : du XVIIIe siècle à nos jours, PUF, 1969; M. Marion, Histoire financière de la France depuis 1715, Arthur Rousseau éditeur, 6 tomes, 1931. Pour une analyse plus récente montrant l’impact des nouvelles technologies sur la réforme de l’administration, voir notamment : OCDE, L’administration électronique : un impératif, Éditions OCDE, 2004; Ph. Bezes, Réinventer l’État. Les réformes de l’administration française (1962-2008). Presses Universitaires de France, 2009; W. Gilles, «Le modèle français de l’administration numérique. Réalités et enjeux», Revue de l’Institut du Monde et du Développement, n° 4, 2013; ou encore des articles de l’ouvrage Droit et gouvernance des administrations publiques à l’ère du numérique, op. cit., comme ceux de J.-F. Imokrane, «Le cloud computing ou l’informatique en nuage : quelles contraintes pour l’administration»; J.-J. Lavenue, «De l’administration en réseau aux administrations interconnectées : paradoxes et ambiguité de l’efficacité administrative»; R. Stojova, “The Digital Administration Reform in Macedonia; J.-J. Kudela, «La réforme de l’administration numérique dans la fédération de Russie». Concernant le passage au processus des gouvernements ouverts, cf. par exemple I. Bouhadana, W. Gilles, «L’open government, transfiguration de notions anciennes ou émergence d’un nouveau concept juridique?», Revue Lamy Droit de l’Immatériel, n° 105, 2014; W. Gilles, « Le Droit au Gouvernement Ouvert : Enjeux d’un Nouveau Droit à l’Ère du Numérique au Regard de l’Expérience Française », International Journal of Open Governments, n° 1, 2014.

[12] Sur ce point, cf. I. Bouhadana, “Introduction. Transparency and Open Government: Which Possible Convergence?”, in Transparency in the Open Government Era, op. cit. Cet article s’interroge sur l’articulation entre les concepts de transparence et de gouvernements ouverts, montrant de ce fait que si ces notions peuvent se recouper, elles ne se confondent pas, le processus de gouvernement ouvert étant plus large et supposant aussi de favoriser des politiques de participation citoyenne et de diffusion des nouvelles technologies dans les administrations pour permettre une meilleure interaction entre les acteurs, mais aussi une plus grande évaluation des gouvernants.

[13] Cf. I. Bouhadana, W. Gilles, «L’open government, transfiguration de notions anciennes ou émergence d’un nouveau concept juridique?», art. cit.

[14] Sur ce point, cf. W. Gilles, « Le processus des gouvernements ouverts en France : genèse d’un mouvement récent porté par des fondements plus anciens », International Journal of Open Governments, 2017. Voir également les développements infra.

[15] Cf. B. Obama, Transparency and Open Government, Memorandum du 21 janvier 2009.

[16] Sans exhaustivité, il est possible de citer par exemple B. Lasserre, N. Lenoir, B. Stirn, préface de G. Braibant, La transparence administrative, PUF, 1987; J. Stiglitz, On Liberty, the Right to Know, and Public Discourse: The Role of Transparency in Public Life, Oxford Amnesty Lecture, Oxford (UK), 1999; J.-Cl. Trichet, Transparence et démocratie, Discours prononcé devant l’Académie des sciences morales et politiques, 2002; mais aussi les contributions de l’ouvrage collectif de C. Hood and D. Heald (eds), Transparency. The key to better governance?, Oxford University Press, 2006; S. Piotrowski, Governmental Transparency in the path of Administrative reform, State University of New York Press, 2007; J.-M. Sauvé, «Transparence, valeurs de l’action publique et intérêt général», exposé au colloque Culture du secret contre transparence sans limite : quel équilibre pour garantir l’intérêt general?, Assemblée nationale, 5 juillet 2011; I. Bouhadana, W. Gilles, R. Weaver (eds), Transparency in the Open Government Era, op. cit. ; A. Péterfalvi, “Citizen Participation Facing the Transparency Challenge, International Journal of Open Governments, n° 3, 2016; Margaret Allars, “Transparency and Rule-Making in Australia”, International Journal of Open Governments, n° 3, 2016.

[17] J.-Cl. Trichet, Transparence et démocratie, art. cit.

[18][18] Par exemple, s’agissant de la France, les citoyens peuvent accéder à une information exhaustive concernant les finances de l’État en consultant le «Forum de la perfomance», site Internet du ministère de l’action et des comptes publics : https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/

[19] En France, en se fondant précisément sur l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le Conseil constitutionnel a considéré «qu’en l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d’accéder à ces services» Cf. la décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, cons. 12.

[20] Cf. la décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, Loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l’adoption de la partie législative de certains codes. Cependant, le Conseil constitutionnel a dès 1982 examiné la clarté et la précision des textes votés par le législateur (décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, loi de nationalisation).

[21] Cf. la décision n° 99-421 DC (préc.) qui impose au législateur d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques.

[22] Du fait notamment de l’adoption de la loi du 17 juillet 1978 (portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal), dont l’ambition fut «de faire de la transparence de l’action administrative la règle, alors que l’administration vivait plutôt sur la tradition du secret, considéré comme nécessaire à la protection de l’intérêt général contre l’intérêt particulier» Cf. Y. Jégouzo, «La loi du 17 juillet 1978 a vingt-cinq ans», AJDA, 2003, p. 1297. Voir également W. Gilles, «L’administration numérique en France : quel modèle juridique», in I. Bouhadana, W. Gilles, Droit et gouvernance des administrations publiques à l’ère du numérique, Les éditions Imodev, 2014, pp. 15 s.

[23] À noter toutefois que pour la Suède, ce processus est plus ancien puisque ce pays a célébré en 2016 le 250e anniversaire de sa loi relative au droit d’accès à l’information.

Cf. P. Jonason, « Le droit d’accès à l’information en droit suédois : une épopée de 250 ans », International Journal of Digital and Data Law, n° 2, 2016.

[24] Cette volonté d’accroître la transparence se manifeste au niveau international à travers l’adoption de conventions incitant à reconnaître, promouvoir et faciliter le droit d’accès à l’information gouvernementale. Cf. I. Bouhadana, « Le droit à l’information publique, un enjeu pour les droits de l’homme : les avancées issues des Conventions d’Aarhus (1998) et du Conseil de l’Europe (2008) », International Journal of Digital and Data Law, n° 2, 2016.

[25] Pour illustrer la notion d’éthique gouvernementale et son lien avec la transparence gouvernementale la circulation de l’information, ou encore les enjeux démocratiques et la responsabilité gouvernementale, cf. notamment les contributions du numéro dirigé par M. Dion et publié en 1997 sur «L’éthique gouvernementale» : Cahiers de recherche éthique, n° 21.

[26] À propos de ce trop-plein d’information et des difficultés du cerveau humain à l’assimiler, cf. notamment Mark Andrejevic, Infoglut : How Too Much Information Is Changing the Way We Think and Know, Routledge, 2013.

[27] Sur cette réflexion concernant les limites du droit d’accès à l’information, cf. notamment W. Gilles, «Le Renouveau du droit à l’information à l’ère du numérique : entre obligation de publication de l’administration et affirmation du droit d’accès du citoyen», International Journal of Data and Digital Law, n° 2, 2016.

Cet article distingue les limites acceptées, les limites acceptables, les limites non acceptables et les limites étant sujettes à débat.

[28] Montesquieu, De l’esprit des lois, tome 1, Garnier-Flammarion, 1979.

[29] Le citoyen met le plus souvent en balance le temps consacré à participer au processus de démocratie participative et l’intérêt que cette participation représente pour lui en tant que citoyen, voire usager de service public. Dans ce dernier cas, sa présence au processus de consultation aura essentiellement pour objectif de contribuer à l’amélioration d’un service public dont il est lui-même bénéficiaire. Dans les deux cas, le risque est que le citoyen ou l’usager ne participent pas au processus de consultation s’il estime que le temps consacré excède son intérêt potentiel.

[30] Cf. I. Bouhadana, Transparency and Open Government: Which Possible Convergence?”, in I. Bouhadana, W. Gilles, R. Weaver (eds), Transparency in the Open Government Era, Les éditions Imodev, 2015.

[31] En ce sens, cf. Albert J. Meijet et al., «La gouvernance ouverte : relier visibilité et moyens d’expression», Revue internationale des Sciences administratives, no 1, 2012.

[32] Sur cette évolution, cf. par exemple W. Gilles, «Démocratie et données publiques à l’ère des gouvernements ouverts : pour un nouveau contrat de société?», art. cit.

[33] Cf. République Française, Pour une action publique transparente et collaborative, Premier plan d’action national : 2015-2017, juillet 2017.

[34] Ou EITI en anglais pour «Extractive Industries Transparency Initiative».

«The EITI Standard requires information along the extractive industry value chain from the point of extraction, to how the revenue makes its way through the government, to how it benefits the public. This includes how licenses and contracts are allocated and registered, who are the beneficial owners of those operations, what are the fiscal and legal arrangements, how much is produced, how much is paid, where are those revenues allocated, and what is the contribution to the economy, including employment. Discover how we are addressing these issues with our countries. | The EITI seeks to strengthen government and company systems, inform public debate and promote understanding. In each of the implementing countries, the EITI is supported by a coalition of government, companies, and civil society. The Standard is upheld by the international Board.» (https://beta.eiti.org/about/who-we-are)

[35] Nations Unies, Convention-cadre sur les changements climatiques, Conférence des Parties, Vingt et unième session, Paris, 30 novembre-11 décembre 2015. Le texte de l’Accord de Paris est disponible à :

http://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/l09r01f_cle0db386.pd.

[36] À ce sujet, cf. I. Bouhadana, W. Gilles, «Des enjeux du changement climatique à l’ouverture des données; De l’ouverture des données aux enjeux du changement climatique : Le droit de vivre dans un environnement sain à l’ère des gouvernements ouverts », International Journal of Digital and Data Law, n° 1, 2015.

[37] Par exemple, pour illustration de l’impact des nouvelles technologies sur la transparence, cf. les deux articles précités de Ch. Malhotra; mais également R. Weaver, “Environmental Transparency in a Digital Era”, International Journal of Digital and Data Law, n° 1, 2015; R. Weaver, L. Boissier, “Governmental Transparency and Openness in a Digital Era: A U.S. Perspective”, International Journal of Digital and Data Law, n° 2, 2016.

[38] Montesquieu, De l’Esprit des lois, tome 1, Flamarion, 1979.

[39] Pour davantage d’information sur ce processus, cf. https://www.republique-numerique.fr/.

[40] Cf. les publications mentionnées précédemment.

[41] À ce sujet, cf. W. Gilles, I. Bouhadana, “Drawing Up a New Legal Ecosystem for Open Data to Improve Citizen Participation and Collaboration”, International Journal of Open Governments, n° 2, 2016.

[42] Cf. W. Gilles, « Le droit au gouvernement ouvert : enjeux d’un nouveau droit à l’ère du numérique au regard de l’expérience Française », art cit.

[43] Ibdem.

[44] Par exemple, parfois les textes prévoient un droit d’accès à l’information gouvernementale, mais la mise en œuvre effective de celui-ci est parfois entravée, soit parce que les administrations refusent de communiquer des informations, soit parce qu’elles les communiquent avec retard. Cette non-communication ou cette communication avec retard des documents freinent ou empêchent l’effectivité du droit à un gouvernement ouvert.