Le Droit au Gouvernement Ouvert : Enjeux d’un Nouveau Droit à l’Ère du Numérique au Regard de l’Expérience Française

par William GILLES, Directeur du Master Droit des données, des administrations numériques et des gouvernement ouverts à l’École de droit de la Sorbonne, Directeur de la Chaire des Amériques (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), Président de l’IMODEV.

 

 

Selon un classement de l’ONU qui vient de paraître, la France est championne d’Europe en matière d’e-government. Ce classement qui positionne la France comme la 1re Nation européenne et la 4e meilleure Nation du monde en matière d’administration numérique était pourtant loin d’être acquis il y a dix ans, tant la France avait accumulé du retard par rapport à ses voisins. Mais rapidement, à force de révolution du fonctionnement de son administration, la France est devenue un leader en matière de numérique, et notamment en ce qui concerne les nouvelles technologies pour l’amélioration de l’efficacité de son administration.

La révolution se poursuit aujourd’hui avec la volonté de passer d’une administration numérique, à une administration ouverte, c’est-à-dire plus transparente, plus participative et plus collaborative. C’est tout le sens de la notion de gouvernement ouvert ou open government qui a été popularisée par Barack Obama lorsque celui-ci a décidé d’axer son premier mémorandum du 21 janvier 2009, c’est-à-dire le lendemain de sa première investiture, sur la nécessité d’ouvrir son administration.

Mais là encore, la France est partie de loin et a cherché progressivement à rattraper son retard. L’un des premiers axes de cette évolution a été d’adhérer au partenariat pour le gouvernement ouvert en mai 2014, c’est-à-dire après que 63 autres pays l’aient déjà fait. Mais cette adhésion tardive s’est faite par la grande porte, puisque la France a rejoint en août 2014, soit 3 mois après son adhésion, le comité directeur du partenariat pour le gouvernement ouvert.

Une autre caractéristique de cette évolution, qui est liée à la première, est que la France réfléchit actuellement à l’adaptation de son cadre juridique par rapport à ce nouveau contexte que constitue la société numérique. La France doit transposer d’ici juillet 2015 la nouvelle directive sur le secteur public de l’information, dite directive PSI. Or, le choix a été fait, en France, de ne pas partir sur une transposition à minima du droit de l’Union européenne, mais au contraire de réfléchir, à travers plusieurs commissions parlementaires ainsi que par des consultations nationales, au nouveau cadre juridique que la France devrait adopter demain en matière de numérique. L’open government, et le renouveau du contrat de confiance entre les gouvernants et les gouvernés compte parmi les sujets qui sont au cœur de cette réflexion. Ainsi, il ne s’agit plus seulement de réfléchir sur l’open data, mais d’étudier plus largement comment les administrations peuvent devenir plus transparentes, plus participatives et plus collaboratives.

Or, la France ne pouvait pas rester en retrait sur ces questions. En effet, elle entretient une longue tradition en matière de transparence des administrations publiques. Celle-ci est étroitement liée à son histoire, et en particulier aux idées et à la conception des droits qui se sont affirmés à partir de la Révolution de 1789. Cet héritage du siècle des Lumières, inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, va servir de socle à la définition d’un modèle français de l’administration publique autour de principes fondamentaux tels que l’égalité et la liberté – la fraternité n’étant rattachée à ces deux principes par les textes qu’à partir de 1848[1] –, mais aussi l’obligation de rendre des comptes. Or, concernant l’article 15 de ce texte, comment envisager une pleine effectivité du droit de la société à « demander compte à tout agent public de son administration » sans transparence de cette dernière? De même, quelle serait la portée du principe du consentement à l’impôt prévu à l’article 14 de la Déclaration de 1789 si le citoyen ou ses représentants ne pouvaient disposer de toutes les informations utiles pour se prononcer en toute connaissance de cause pour constater la nécessité de l’impôt, le consentir librement, en suivre l’emploi et en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée?

À travers ce texte, le droit à la transparence était donc consacré indirectement en étant une condition sine qua non pour assurer l’effectivité non seulement de l’article 14 de la Déclaration de 1789, mais aussi de l’article 15 de ce texte. Voulant rompre avec la logique du secret qui prévalait sous l’Ancien Régime, les révolutionnaires français ont ainsi souhaité reconnaître une place particulière de la transparence des administrations publiques en rattachant, à travers la Déclaration de 1789, cette exigence aux « droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme »[2].

Cependant, si le droit à la transparence transparaît dès la Révolution française, notamment à travers ces deux dispositions, qui rappelons-le, ont valeur constitutionnelle depuis la décision du Conseil constitutionnel, dite Liberté d’association, de 1971[3], il n’est pas reconnu en tant que tel et de façon généralisée. Loin d’être envisagé comme un droit absolu, il semble au contraire plutôt être perçu comme un objectif à atteindre. En revanche, le droit à la transparence peut se manifester à travers différents droits qui favorisent sa mise en œuvre, dont le droit d’accès aux documents administratifs.

Reconnu plus récemment en France, notamment à travers la loi du 17 juillet 1978, ce droit est étroitement lié à la liberté. En ce sens, il n’est pas inutile de rappeler la jurisprudence développée en 2002 par le Conseil d’État au sujet du droit d’accès aux documents administratifs[4]. Selon la Haute juridiction, ce droit figure au nombre des garanties fondamentales qui sont accordées aux citoyens pour l’exercice de leurs libertés publiques, et relève à ce titre de l’article 34 de la Constitution[5].

Ce droit, développé à la fin des années 1970, c’est-à-dire à une époque où l’informatique était naissante, a par la suite fait l’objet d’un approfondissement pour devenir un droit à l’information (§ 1). Cependant, ce droit à l’information paraît aujourd’hui devoir être supplanté par une nouvelle exigence démocratique, celle du droit au gouvernement ouvert (§ 2).

§ 1 – De la nécessité du droit au gouvernement ouvert à l’ère de la démocratie 2.0.

A) Le droit d’accès aux documents administratifs, précurseur du droit à l’information publique

Dans un premier temps, la transparence des administrations publiques, bien que consacrée, au moins indirectement, par la Déclaration de 1789, s’analysait davantage comme une obligation morale. Ce n’est qu’à la fin des années 1970 que cette exigence s’est progressivement juridicisée[6], c’est-à-dire au moment même où l’informatique commence à se développer dans la société. Cette époque est également celle où fut élaborée la loi dite Informatique et Libertés, en réaction à l’affaire Safari[7].

En effet, la juridicisation de la transparence des administrations est apparue avec l’adoption d’un cadre législatif destiné à « rétablir la confiance entre les citoyens et les institutions publiques »[8]. Cette volonté s’est manifestée par une redéfinition de leurs relations pour tenir compte à la fois de l’émergence de l’informatique au sein des administrations, mais aussi de la nécessité de faciliter l’accès aux usagers aux documents administratifs qui les concernent. Cette perspective s’était traduite par l’adoption des lois du 6 janvier 1978[9] et du 17 juillet 1978[10].

Dans un premier temps, la transparence des administrations publiques va se caractériser par un droit à l’information des administrés qui reste individuel. Ce dernier a le droit de connaître les informations contenues dans un document administratif dont les conclusions lui sont opposables dès lors que leur communication ne porte pas atteinte à la loi du 6 janvier 1978.

Plus généralement, il a aussi le droit se faire communiquer de plein droit les documents administratifs[11] dès lors que leur communication ne remet pas en cause les secrets protégés (secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif; secret de défense nationale ou relative à la politique extérieure; secret de la vie privée, des dossiers personnels et médicaux; secret en matière commerciale et industrielle; ou encore tout secret protégé par la loi) ou ne porte pas atteinte à certaines politiques régaliennes présentant des enjeux stratégiques pour l’État (monnaie et crédit public; sûreté de l’État et sécurité publique; déroulement des procédures engagées devant les juridictions)[12].

En 2000[13], le législateur opère une distinction entre d’une part, les documents qui sont communicables à tout administré sauf si cette communication porte atteinte à certains secrets[14] ou politiques publiques aux enjeux stratégiques[15] et d’autre part, ceux qui ne peuvent être communiqués qu’aux intéressés car ils contiennent des informations sensibles[16].

La loi du 12 avril 2000 renforce également « le droit de toute personne à l’information » en garantissant une « liberté d’accès aux règles de droit applicables aux citoyens ». Ce texte prévoit que « les autorités administratives sont tenues d’organiser un accès simple aux règles de droit qu’elles édictent. La mise à disposition et la diffusion des textes juridiques constituent une mission de service public au bon accomplissement de laquelle il appartient aux autorités administratives de veiller »[17].

Sur le plan de la transparence administrative, la loi du 12 avril 2000 prévoit aussi que « sans ses relations avec l’une des autorités administratives mentionnées à l’article 1er, toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l’adresse administratives de l’agent chargé d’instruire sa demande ou de traiter l’affaire qui la concerne; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l’anonymat de l’agent est respecté. | Toute décision prise par l’une des autorités administratives mentionnées à l’article 1er [de la loi du 17 juillet 1978] comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ».

Mais l’une des évolutions majeures en matière de droit à l’information publique a été de reconnaître, non plus un simple droit d’accès, mais un droit à la réutilisation de cette dernière. En effet, jusqu’en 2005, la France n’autorise pas la réutilisation des informations publiques pour une finalité autre que celle prévue pour l’exercice d’une mission de service public. Le droit des administrés à l’information, bien qu’affirmé dès la version initiale de la loi du 17 juillet 1978, restait donc partiel puisque l’usager pouvait accéder à certains documents administratifs, sans pouvoir informer plus largement autrui de leur contenu.

La transposition, par la France, de la directive PSI de 2003[18] à travers l’ordonnance du 6 juin 2005[19] permet de renforcer le droit à l’information publique en autorisant la réutilisation des données publiques. Ce texte va offrir un cadre juridique à l’open data des administrations, ou autrement dit, à la mise en ligne des informations que celles-ci produisent. Désormais, l’administré ne disposera plus seulement d’un droit d’accès aux documents administratifs, mais également d’un droit à être informé sur le fonctionnement des administrations et sur l’ensemble des documents qu’elle produit, dès lors que la mise en ligne ne comporte pas d’informations sensibles protégées par l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978. Autrement dit, la révolution numérique a contribué au renforcement du droit à l’information des administrés en facilitant la diffusion des données et documents des administrations publiques par leur mise en ligne sur Internet. Ces informations publiques sont désormais accessibles gratuitement, et la transposition à venir de la directive du 26 juin 2013[20] devrait renforcer encore ce droit à l’information des administrés en étendant notamment le champ d’application du droit de réutilisation aux secteurs culturels qui n’y étaient pas soumis jusqu’à présent.

Le passage du droit d’accès aux documents administratifs à un véritable droit à l’information publique est donc en cours. Les nouvelles possibilités techniques devraient offrir un cadre favorable à la diffusion et à la circulation de ces données, d’autant que désormais les États souhaitent s’engager dans le processus du gouvernement ouvert.

L’objectif est de rendre les administrations publiques plus transparentes, mais aussi de renforcer la participation et la collaboration des acteurs concernés, qu’il s’agisse des gouvernants, des gouvernés ou des agents publics. Il s’agit au final de parvenir à une plus grande responsabilisation de ces derniers et ainsi contribuer à l’amélioration du fonctionnement des administrations publiques, non plus par la reconnaissance d’un simple droit à l’information publique, mais par la consécration d’un véritable droit au gouvernement ouvert.

B)Le droit à l’information publique, transcendé par le droit au gouvernement ouvert à l’ère du numérique

La réforme de l’État a été caractérisée ces dernières années par la volonté d’améliorer l’efficacité des services publics en rationalisant la gestion de ces derniers. Ce processus poursuit désormais une nouvelle étape en cherchant à favoriser la transparence des administrations publiques pour permettre une amélioration du fonctionnement des services publics, grâce notamment à une plus grande participation et collaboration des différents acteurs concernés.

Autrement dit, l’objectif n’est plus aujourd’hui de favoriser la transparence des administrations publiques comme une fin en soi, mais au contraire de se servir du droit à l’information publique comme vecteur d’amélioration du fonctionnement des administrations publiques et instrument de responsabilisation des gouvernants.

Toute l’utilité du principe de gouvernement ouvert est d’associer la transparence, la participation et la collaboration autour d’une même finalité alors qu’auparavant ces trois notions coexistaient sans être forcément reliées entre elles.

Le droit au gouvernement ouvert vise donc à responsabiliser les administrations publiques elles-mêmes, mais aussi l’ensemble des acteurs qui interviennent soit dans le cadre de la prise de décision publique (citoyens, élus, hauts fonctionnaires) soit dans l’exécution du service public pour le mettre en œuvre (agents publics) ou pour en bénéficier (usagers).

Pourtant, si la notion de gouvernement ouvert, telle qu’elle est envisagée aujourd’hui, est récente, puisqu’elle a été consacrée le 21 janvier 2009[21] par le Premier mémorandum de Barack Obama, la finalité du gouvernement ouvert, à savoir la volonté d’œuvrer en faveur d’une administration plus responsable, était déjà sous-jacente à la Révolution française à travers l’article 15 de la Déclaration de 1789.

La nouveauté tient moins au concept de gouvernement ouvert, puisque comme nous venons de le voir, celui-ci était en germe dès la Révolution française, qu’au nouveau contexte dans lequel il s’inscrit. En d’autres termes, si la philosophie du droit au gouvernement ouvert n’est pas nouvelle, sa mise en œuvre est cependant désormais facilitée par l’exigence des nouvelles technologies. En effet, à l’ère du numérique, il est plus facile que par le passé de responsabiliser ces différents acteurs en rendant transparente l’action de l’administration par une publication en ligne, mais aussi en favorisant la participation et la collaboration de tous à travers différents dispositifs de vote électronique, de formations en ligne, de consultation et de recueil des avis sur Internet.

Le numérique, par les possibilités qu’il offre en termes d’amélioration de la gestion des services publics, favorise la réforme de l’État[22] et participe à la mise en place d’un « gouvernement ouvert ».

Ainsi, la révolution numérique contribue à assurer l’effectivité de l’article 15 de la Déclaration de 1789 en imposant à nos gouvernements d’être ouverts.

À une époque où l’internaute a l’habitude d’interagir sur Internet, limiter l’obligation de rendre compte à un simple accès à l’information publique ne peut suffire. Certes, le droit à la transparence de l’information publique doit être maintenu, sous réserve que celui-ci ne porte pas lui-même atteinte à d’autres droits tout aussi fondamentaux, comme le droit au respect de la vie privée. Mais ce droit à la transparence ne peut être une finalité en soi. Au contraire, il doit être mis au profit d’un droit au gouvernement ouvert.

Autrement dit, dans une démocratie 2.0, plus interactive, le droit d’accès à l’information publique n’est utile que s’il permet une plus grande prise en compte du rôle de chacun, en favorisant la participation et la collaboration de tous. C’est tout l’objectif du passage au gouvernement ouvert.

§ 2 – De la consistance du droit au gouvernement ouvert à l’ère de la révolution numérique

L’effectivité du droit au gouvernement ouvert dépasse la simple exigence de responsabilité des acteurs publics, ne serait-ce parce qu’il suppose lui-même, voire repose sur la garantie d’autres droits dont la mise en œuvre est nécessaire pour en assurer l’effectivité. En d’autres termes, un certain nombre de droits doivent être garantis pour assurer l’effectivité du droit au gouvernement ouvert. Ces droits peuvent être rattachés aux trois exigences du gouvernement ouvert, à savoir la transparence, la participation et la collaboration.

A) Du droit à une transparence effective

À l’heure d’Internet, le droit à une transparence effective repose sur au moins deux droits, puisqu’il faut garantir d’une part, que l’information publique diffusée soit exhaustive, d’autre part que son accès soit neutre.

Le premier droit porte donc sur la nécessité de garantir un accès exhaustif à l’information publique. Cette exhaustivité doit être la plus grande dès lors que ne sont pas menacés d’autres droits fondamentaux comme celui du droit au respect de la vie privée. Il s’agit donc de concilier le droit à la transparence avec ces droits fondamentaux, étant précisé que la protection peut être différente selon la qualité de la personne ou de l’institution visée par la mesure de transparence. Se pose la question de savoir si un personnage dispose du même droit de protection à sa vie privée, notamment lorsqu’il exerce des fonctions électives. Il s’agit aussi de se demander quelles sont les limites de la transparence, car certaines informations n’ont pas vocation à être publiées, afin, par exemple, de préserver des secrets de défense nationale ou de garantir le droit de toute personne, y compris publique, à préserver un niveau minimum d’intimité. Dans cette dernière hypothèse, n’auront pas vocation à être publiées, et donc transparentes, toutes les informations dont la connaissance n’est pas utile au bon fonctionnement de l’État, au sens large. En dehors de ces limites, rien ne s’oppose à une diffusion généralisée de l’information dès lors que celle-ci participe à l’ouverture des gouvernements et à l’amélioration des administrations publiques.

C’est pourquoi, pourrait être envisagée la création d’un nouveau droit, à savoir le droit à publication des informations publiques, qui en France, figurerait à côté du droit d’accès aux documents administratifs et du droit de réutilisation des informations publiques[23].

Le second droit porte sur la neutralité de l’accès à l’information, ce qui suppose de garantir la neutralité de l’Internet s’agissant des informations publiques qui sont mises en ligne. Autrement dit, à l’ère du numérique, le droit au gouvernement ouvert ne peut exister sans neutralité de l’Internet. Comment envisager un gouvernement ouvert si la diffusion des idées et des débats politiques est mise à mal par l’absence d’un Internet neutre?

Ce lien nécessaire entre gouvernement ouvert et neutralité de l’Internet a été rappelé notamment par l’un des inventeurs du Web, à savoir, Tim Berners-Lee. Ce dernier déclarait en effet le 12 mars 2014 qu’il n’est pas possible d’avoir un gouvernement ouvert, une bonne démocratie et des communautés connectées sans un Internet ouvert et neutre, c’est-à-dire, sans un Internet qui ne nous oblige pas à nous interroger sur ce qui se passe en coulisse[24].

En effet, pour prolonger ce point de vue, comment s’assurer de la pertinence des informations publiques diffuser sur Internet, et donc des gouvernements ouverts s’il n’existe pas de certitude sur le fait que toute l’information devant être diffusée l’a été. Comment ne pas avoir de doute sur la pertinence des données mises en ligne si l’internaute n’a pas la certitude que son gouvernement n’a pas cherché à manipuler la diffusion de l’information en privilégiant l’accès à certaines données plutôt qu’à d’autres considérées comme moins favorables?

À cet égard, il n’est pas anodin de constater que la Chine ait décidé de bloquer depuis le 4 septembre 2014 l’accès au moteur de recherche «DuckDuckGo», dont la caractéristique est d’être considéré comme respectueux de la vie privée, et surtout, en ce qui concerne notre sujet, de ne pas censurer les résultats de recherches, alors que la législation chinoise prévoit que soient expurgés des résultats de recherches certains termes tels que «la révolte de Tiananmen»[25].

Un autre exemple récent permet d’illustrer le lien entre gouvernement ouvert et neutralité de l’Internet. Il s’agit du projet de taxe à l’octet[26], dont la mise en œuvre est envisagée en Hongrie. Ce projet ne va pas dans le sens d’un gouvernement ouvert puisque plus les internautes paieront d’autant plus d’impôts qu’ils consommeront de la bande passante (150 forints, soit 0,50 euro par gigaoctet transféré). Alors que le Gouvernement de Viktor Orban avance l’argument financier pour justifier cette imposition en faisant valoir que les sommes récoltées contribueront à réduire les déficits publics d’un des pays les plus endettés de l’Union européenne, les opposants de cette taxe ont de leur côté manifesté à plusieurs reprises fin octobre 2014[27] pour dénoncer un projet d’«anti démocratique». En effet, tout laisse à penser que cette taxe à l’octet, dénoncée tant par la population hongroise que par la Commission européenne[28], n’est pas seulement destinée, contrairement à ce qu’affirme le ministre hongrois des Finances, à compenser le passage des consommateurs des lignes téléphoniques traditionnelles à Internet, mais vise au contraire à limiter avant tout les critiques contre le gouvernement en rendant plus difficile l’accès à Internet, puisque le coût de l’imposition augmentera à chaque utilisation de ce dernier et restreignant par conséquent l’accès à l’information qu’Internet est au contraire censé favorisé. Si la révolution numérique incite de repenser l’impôt pour tenir compte de la difficulté de certains États à lutter notamment contre les conséquences de l’a-territorialité et de la perte de souveraineté fiscale des États dans ce nouveau contexte marqué par une économie globalisée et dématérialisée, cette réflexion destinée à lutter contre les excès de certains montages fiscaux agressifs ne peut se faire au détriment du gouvernement ouvert.

B) Du droit à une participation et une collaboration effectives

Le droit au gouvernement ouvert ne repose pas uniquement sur une exigence de transparence, mais implique également un droit à la participation et à la collaboration. Or, l’effectivité d’un tel droit repose elle-même sur d’autres droits. Certes, il est nécessaire, pour pouvoir participer et collaborer effectivement, d’avoir accès à une information transparente et exhaustive, comme expliqué précédemment.

Sans être exhaustif, il est possible de citer au moins trois droits.

En premier lieu, le droit au gouvernement ouvert suppose d’assurer l’égalité d’accès des citoyens à l’information publique, et donc de réduire la fracture numérique. Alors que certains services publics ne sont plus accessibles que sur Internet, dont l’accès au journal officiel, comment garantir le droit à l’information si certaines populations n’ont pas la possibilité, pour des raisons sociales, culturelles, financières ou géographiques[29], de se connecter à ces services en ligne?

En deuxième lieu, le droit au gouvernement ouvert suppose de protéger ceux qui s’impliquent dans ce processus.

Les premiers à être concernés par cette protection sont les lanceurs d’alerte.

Le débat sur le cadre juridique des lanceurs d’alerte, ou whistleblowers en anglais, concerne tous les pays, y compris ceux qui répondent à tous les critères d’une démocratie représentative. Ces dernières années, les États du monde entier été confrontés aux révélations de Julian Assange à travers Wikileaks. Les États-Unis ont eu à faire face à Edward Snowden qui a dénoncé le système de surveillance généralisé de la NSA, son ancien employeur. En Australie, Freya Newman a révélé sur Internet, après avoir accédé illégalement dans le fichier de base de données de l’école de design dans laquelle elle travaillait en tant que bibliothécaire, qu’une bourse d’études de 60000 dollars australiens, soit 40000 euros, avait été attribuée dans le plus grand secret à la fille du Premier ministre de ce pays[30]. En France, il est possible de citer, par exemple, Irène Frachon, pneumologue qui a révélé l’affaire du Mediator ou encore, Pierre Condamin-Gerbier a servi de témoin clé dans l’affaire Cahuzac[31].

Si certains pays, comme les États-Unis ont adopté relativement tôt une législation relative aux lanceurs d’alerte, les États-Unis ayant adopté une loi sur le droit d’alerte dès 1863[32], la question se pose en des termes différents dans le contexte actuel marqué par la révolution numérique. En effet, l’impact d’Internet sur la diffusion des données et son effet multiplicateur sur la circulation de l’information placent les États face à un dilemme. D’un côté, de nombreux États, dont la France, se sont dotés d’un cadre juridique visant à protéger les lanceurs d’alerte, et l’ont même renforcé avec le temps. Dans le cas français, un renforcement manifeste, même s’il reste insuffisant[33], est intervenu, par exemple en décembre 2013[34], avec l’adoption d’un cadre juridique visant à protéger à la fois le salarié de droit privé[35] et le fonctionnaire ou agent public[36] de sanction, licenciement ou mesure discriminatoire dans l’hypothèse où celui-ci relaterait ou témoignerait, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

D’un autre côté, ces mêmes États, souhaitant se prémunir contre les lanceurs d’alerte, n’hésitent pas à les poursuivre au plan pénal dès lors qu’ils estiment que leurs révélations menacent leurs intérêts nationaux lorsqu’est en jeu la sécurité nationale[37]. C’est dans un tel contexte que le Parlement australien a adopté en octobre 2014 un cadre juridique plus contraignant vis-à-vis des lanceurs d’alerte. En effet, aux termes de ce texte, est punie de 5 ans d’emprisonnement toute personne qui révélerait des informations non autorisées relatives à des opérations spéciales de renseignement, cette peine étant portée à 10 ans d’emprisonnement si les révélations mettent en danger la santé ou la sécurité d’une personne ou encore, la bonne réalisation d’une opération spéciale de renseignements[38]. Or, ce nouveau cadre juridique, dénoncé au niveau international, est considéré comme suffisamment imprécis pour se voir conférer un champ d’application étendu, et permettre ainsi de condamner également des journalistes recourant aux informations révélées par les lanceurs d’alerte[39].

Toutefois, dans le cadre d’un gouvernement ouvert, la protection ne doit pas concerner uniquement les lanceurs d’alerte, mais plus largement l’ensemble des acteurs qui interviennent dans le processus de participation et de collaboration destiné à moderniser l’administration publique pour dénoncer des mauvaises pratiques et/ou améliorer le fonctionnement des services publics.

Autrement dit, sans aller jusqu’à ce rôle de lanceur d’alertes, se pose la question de la protection des agents publics lorsque ceux-ci proposent des mesures qui pourraient être mal perçues par leur hiérarchie. Faut-il reconnaître un droit à l’anonymisation des propositions? En effet, il n’est pas rare que des fonctionnaires souhaitent formuler des propositions, mais n’osent pas le faire de peur de réaction de leur hiérarchie ou de leurs collègues. Cette peur de formuler des propositions est un frein à la participation et à la collaboration, et partant à l’ouverture des gouvernements, alors que la valorisation de cette analyse critique du fonctionnement des services publics par les agents chargés d’en assurer la mise en œuvre, pourraient contribuer à une amélioration de la qualité, de l’efficacité et de l’efficience des administrations publiques. D’où la nécessité de s’interroger également sur le statut des agents publics qui souhaitent s’impliquer activement dans l’amélioration des services publics.

Enfin, alors que les processus de consultation, dont la mise en œuvre est facilitée par la révolution numérique, se multiplient, et ont vocation à l’être davantage dans le cadre d’un gouvernement ouvert puisque l’objectif est d’associer les différents acteurs concernés à la prise de décision publique, il est nécessaire de garantir la sincérité des dispositifs de participation et de collaboration pour ne pas dénaturer les débats et la décision finale. En d’autres termes, il s’agit de s’assurer de la réalité de la consultation des différentes parties prenantes, celle-ci ne devant pas servir d’alibi pour justifier a posteriori une décision qui aurait déjà été prise avant cette consultation.



[1] La notion de fraternité a commencé à s’affirmer un an après l’adoption de la Déclaration du 26 août en apparaissant le 14 juillet 1790 sur les drapeaux des fédérés lors de la fête de la Fédération, mais il fallut attendre près de six décennies pour que le triptyque « liberté, égalité, fraternité » soit associé au plan textuel en étant consacré par la Constitution de 1848.

[2] Cf. le préambule de la Déclaration de 1789.

[3] Décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

[4] Cf. Conseil d’État, 13 décembre 2002, n° 237203; Conseil d’État, 29 avril 2002, n° 228830, M. U.

[5] L’article 34 de la Constitution prévoit en effet que « La loi fixe les règles concernant : – les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques; la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias; les sujétions imposées par la Défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens (…) »

[6] En ce sens, cf. V. Donier, « Les lois du service public : entre tradition et modernité », RFDA, 2006, p. 1219.

[7] À propos de ce contexte, cf. notamment W. Gilles, « L’administration numérique en France : quel modèle juridique? », I. Bouhadana et W. Gilles (sous la dir.), Droit et gouvernance des administrations publiques à l’ère du numérique, Les éditions Imodev, 2014.

[8] Cf. en ce sens, G. Koubi, « Administration électronique et circulaires administratives », AJDA, 2006, p. 953.

[9] Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. 

[10] Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal.

[11] Cf. article 2 de la loi du 17 juillet 1978, dans sa version initiale.

[12] Cf. l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 dans sa version initiale.

[13] Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

[14] À savoir : le secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif; le secret de la défense nationale ou, de façon générale, aux secrets protégés par la loi).

[15] C’est-à-dire, la conduite de la politique extérieure de la France; la sûreté de l’État, la sécurité publique ou la sécurité des personnes; la monnaie et le crédit public; le déroulement des procédures engagées devant les juridictions; la recherche, par les services compétents, des infractions fiscales et douanières.

[16] Dans cette perspective, le II de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 prévoit, dans sa version issue de la loi n° 2000-321, que « ne sont communicables qu’à l’intéressé les documents administratifs : dont la communication porterait atteinte au secret de la vie privée et des dossiers personnels, au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle; portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable; faisant apparaître le comportement d’une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice.

Les informations à caractère médical ne peuvent être communiquées à l’intéressé que par l’intermédiaire d’un médecin qu’il désigne à cet effet.»

[17] Cf. l’article 2 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000.

[18] Cf. la directive du Parlement européen et du Conseil n°2003/98/CE du 17 novembre 2003 relative à la réutilisation des informations du secteur public (ISP), dite également directive PSI (Public sector information).

Outre cette directive PSI, il convient d’évoquer deux directives complémentaires en ce sens qu’elles contribuent aussi à l’amélioration de la transparence et de la disponibilité de l’information du secteur public : d’une part, la directive 2003/4/CE concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement (la «directive Aarhus») qui est elle-même issue de la directive européenne 90/313/CEE du Conseil du 7 juin 1990 concernant la liberté d’accès à l’information en matière environnementale qui a débouché sur la Convention d’Aarhus du 25 juin 1998 (ratifiée par la France le 28 février 2002); d’autre part, la directive 2007/2/CE établissant une infrastructure d’information géographique dans la Communauté européenne (INSPIRE).

[19] Cf. l’ordonnance n° 2005-650 du 6 juin 2005 relative à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques.

[20] Directive 2013/37/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 modifiant la directive 2003/98/CE concernant la réutilisation des informations du secteur public, qui doit être transposée au plus tard le 18 juillet 2015.

[21] B. Obama, Transparency and Open Government, 21 janvier 2009. Premier acte politique du Président, ce memorandum était destiné aux secrétaires d’État et aux directeurs d’agences de son administration.

http://www.house.gov/the_press_office/TransparencyandOpenGovernment.

[22] Cf. W. Gilles, « Le modèle français de l’administration numérique : réalités et enjeux », Revue de l’Institut du Monde et du Développement (RIMD), n° 4, 2012.

[23] Cf. W. Gilles, Refonder le droit et la gouvernance de l’information publique à l’ère des gouvernements ouverts, IMODEV, mai 2014 :

http://www.imodev.org/Rapport/Rapport%20W%20%20Gilles_IMODEV_Open%20Gov_(Def).pdf.

[24] “Unless we have an open, neutral internet we can rely on without worrying about what’s happening at the back door, we can’t have open government, good democracy, good healthcare, connected communities and diversity of culture. It’s not naive to think we can have that, but it is naive to think we can just sit back and get it.”

Jemima Kiss, “An online Magna Carta: Berners-Lee calls for bill of rights for web”, The Guardian, 12 mars 2014 :

http://www.theguardian.com/technology/2014/mar/12/online-magna-carta-berners-lee-web.

Voir également, «Vingt-cinq ans après avoir créé le Web, Berners-Lee veut une “charte de l’Internet”», Le Monde.fr avec AFP, 12 mars 2014 : http://www.lemonde.fr/technologies/article/2014/03/12/vingt-cinq-ans-apres-la-creation-du-web-son-createur-veut-une-charte-de-l-internet_4381337_651865.html

[25] Pixels, «Le moteur de recherche DuckDuckGo bloqué en Chine», Le Monde.fr, 23 septembre 2014 : http://www.lemonde.fr/pixels/article/2014/09/23/le-moteur-de-recherche-duckduckgo-bloque-en-chine_4493041_4408996.html.

[26] Pixels, «Manifestation à Budapest contre la “taxe sur Internet”», Le Monde.fr, 27 octobre 2014: http://www.lemonde.fr/pixels/article/2014/10/27/manifestation-a-budapest-contre-la-taxe-sur-internet_4512828_4408996.html.

[27] Pixels, «Les manifestations contre la “taxe Internet” prennent de l’ampleur en Hongrie», Le Monde.fr avec AFP, 30 octobre 2014 :

http://www.lemonde.fr/pixels/portfolio/2014/10/30/en-hongrie-les-manifestations-contre-la-taxe-sur-internet-continuent_4514876_4408996.html.

[28] Pixels, «La Commission européenne critique le projet hongrois de “taxe sur Internet”», Le Monde.fr avec AFP, 28 octobre 2014 :

http://www.lemonde.fr/europe/article/2014/10/28/la-commission-europeenne-critique-le-projet-hongrois-de-taxe-sur-internet_4513855_3214.html.

[29] En cas de fracture numérique territoriale du fait d’un territoire non connecté à Internet ou connecté avec un débit insuffisant pour pouvoir bénéficier des services en ligne de base.

[30] Pixels, «Peut-on faire des révélations sur la fille du Premier ministre australien?», Le Monde.fr, 23 octobre 2014 : http://www.lemonde.fr/pixels/article/2014/10/23/une-lanceuse-d-alerte-jugee-en-australie_4511321_4408996.html.

[31] M. Solletty, «Manuel du bon lanceur d’alerte à l’attention d’Edward Snowden», Francetvinfo, 18 juillet 2013 : http://www.francetvinfo.fr/monde/snowden/manuel-du-bon-lanceur-d-alerte-a-l-attention-d-edward-snowden_371978.html

[32] N. Marie Meyer, «L’alerte éthique en France», Intervention au colloque de Transparency International, «Corruption, conflits d’intérêts : la France protège-t-elle suffisamment ses lanceurs d’alerte?», 4 juillet 2013 :

http://www.transparency-france.org/e_upload/pdf/la_france_et_les_lanceurs_dalerte_4_juillet_2013_nmm.pdf.

[33] La législation française relative aux lanceurs d’alerte n’est pas considérée comme suffisamment protectrice. Cf. notamment N. Cori, «Les lanceurs d’alerte mal lotis en France», Libération, 20 juin 2014.

[34] Cf. la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière qui a inséré un article L. 1132-3-3 dans le Code du travail et un article 6 ter A dans la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, visant à protéger respectivement le lanceur d’alerte salarié et fonctionnaire.

En outre, l’article 36 de la loi précitée du 6 décembre 2013 a inséré un nouvel article 40-6 dans le Code de procédure pénale pour prévoir que «la personne qui a signalé un délit ou un crime commis dans son entreprise ou dans son administration est mise en relation, à sa demande, avec le service central de prévention de la corruption lorsque l’infraction signalée entre dans le champ de compétence de ce service.»

[35] Selon le nouvel article L. 1132-3-3 du Code du travail, «Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. 

“En cas de litige relatif à l’application du premier alinéa, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.” 

[36] Le nouvel article 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose que :

«Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un fonctionnaire pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. 
“Toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit. 

‘En cas de litige relatif à l’application des deux premiers alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. 

‘Le présent article est applicable aux agents non titulaires de droit public.’

[37] Pixels, «En Australie, bientôt des peines de prison pour les “lanceurs d’alertes”», Le Monde.fr, 18 juillet 2014 : http://www.lemonde.fr/pixels/article/2014/07/18/en-australie-bientot-des-peines-de-prison-pour-les-lanceurs-d-alertes_4459329_4408996.html

[38] Cf. l’article 35 P (Unauthorized disclosure of information) de la National Security Legislation Amendment Bill (No. 1) 2014 qui dispose :

Unauthorized disclosure of information

(1) A person commits an offense if: (a) the person discloses information; and (b) the information relates to a special intelligence operation.

Penalty: Imprisonment for 5 years.

Note: Recklessness is the fault element for the circumstance described in paragraph (1)(b)—see section 5.6 of the Criminal Code.

Unauthorized disclosure of information—endangering safety, etc.

 (2) A person commits an offense if: (a) the person discloses information; and (b) the information relates to a special intelligence operation; and (c) either: (i) the person intends to endanger the health or safety of any person or prejudice the effective conduct of a special intelligence operation; or (ii) the disclosure of the information will endanger the health or safety of any person or prejudice the effective conduct of a special intelligence operation.

Penalty: Imprisonment for 10 years.

Note: Recklessness is the fault element for the circumstance described in paragraph (2)(b)—see section 5.6 of the Criminal Code.

Exceptions

 (3) Subsections (1) and (2) do not apply if the disclosure was: (a) in connection with the administration or execution of this Division; or (b) for the purposes of any legal proceedings arising out of or otherwise related to this Division or of any report of any such proceedings; or (c) in accordance with any requirement imposed by law; or (d) in connection with the performance of functions or duties, or the exercise of powers, of the Organization; or (e) for the purpose of obtaining legal advice in relation to the special intelligence operation; or (f) to an IGIS official for the purpose of the Inspector-General of Intelligence and Security exercising powers, or performing functions or duties, under the Inspector-General of Intelligence and Security Act 1986; or (g) by an IGIS official in connection with the IGIS official exercising powers, or performing functions or duties, under that Act.

Note: A defendant bears an evidential burden in relation to the matters in this subsection—see subsection 13.3(3) of the Criminal Code.

Extended geographical jurisdiction

(4) Section 15.4 of the Criminal Code (extended geographical jurisdiction—category D) applies to an offense against subsection (1) or (2).

(5) Subsection (4) does not, by implication, affect the interpretation of any other provision of this Act.”

[39] Pixels, «Peut-on faire des révélations sur la fille du Premier ministre australien?», art. cit.