Le juge fiscal à l’aune de la démocratisation de la Justice
: comment faire face au recul du droit au procès des contribuables ?
par Zo Arlène RASAMOELINA, docteur en droit à l’Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne, Conseiller d’État au Conseil d’État de la Cour suprême de
Madagascar.
La question sur « un agir démocratique renouvelé »[1] n’a jamais été plus actuelle. Elle se pose en termes de participation citoyenne, de transparence et de redevabilité de l’action publique. Elle suscite en ce sens une dialectique nouvelle entre gouvernant et gouvernés, une adaptation des institutions à l’évolution de la société démocratique. En effet, la notion de démocratie ne se cantonne plus à des considérations institutionnelles qui l’a fait éloigner de son concept de base « la légitimité ». L’anoblissement de la notion de démocratie a toujours illustré et justifié l’aporie selon laquelle la démocratie s’arrête là où commence l’intérêt de l’État. De cette conceptualisation, d’une part, la détermination de l’intérêt de l’État échappait au cadre démocratique et revenait discrétionnairement au pouvoir politique, de l’autre à travers cette forme d’exercice du pouvoir, l’intervention des différentes institutions se trouvait limitée arbitrairement, remettant même en cause le principe de la séparation des pouvoirs qui est la base du fonctionnement de tout État démocratique.
Si l’institution judiciaire en général connaît une crise de légitimité sous cette enseigne de dépendance organisée, c’est la juridiction fiscale qui en paie le plus le frais. À Madagascar, l’institution de justice fiscale en cédant le pas à l’intérêt de l’État est souvent en rupture avec la société qu’elle est censée garantir la liberté et l’égalité. Elle est devenue une justice exécutive[2] et se complaise dans sa position de bras institutionnel de l’administration fiscale. Les relations, souvent conflictuelles, entre les contribuables et l’administration sont réglementées suivant cette complaisance et dépendance entre les deux institutions. De ces constats, il ressort que les principaux problèmes de la justice fiscale à Madagascar sont consécutifs à une crise de légitimité et de l’ineffectivité. La dépendance vis-à-vis de l’exécutif constitue une des causes de ces illégitimité et ineffectivité. Le concept de gouvernement ouvert et par déduction celui de la justice ouverte ont pour objectif d’inverser cette tendance. Dans ce cadre, l’évolution du concept de la politique publique considère désormais la légitimité comme l’enjeu majeur et la démocratie comme le moyen. Il est dès lors question de la démocratisation de la justice.
Les conceptions traditionnelles de la justice fiscale s’avèrent inefficaces pour établir un équilibre entre la liberté et les droits des contribuables et la nécessité de préserver les prérogatives de puissance publique de l’administration. Le juge fiscal malgache n’arrive pas encore à apporter des réponses aux enjeux de la légitimité fiscale et la légitimité de la justice. L’accès à la justice se trouve limité par la multiplication des pouvoirs discrétionnaires de l’administration, mais également l’autolimitation des juges eux-mêmes. La démocratisation de la justice requiert ainsi l’impératif de repenser l’effectivité de l’accès à la justice. Elle suppose l’accès au juge, mais également l’accès au droit. Il importe ainsi d’orienter notre étude sur la question de savoir quels sont les moyens ou encore les réformes adéquates à apporter.
En ce sens, la particularité de la matière fiscale, consécutive à son caractère régalien, conduit inexorablement à aller au-delà de la considération institutionnelle, laquelle est souvent abstraite, de la juridiction fiscale et de poser le problème en termes plus concrets. Cette approche implique la redéfinition des apports de tous les intervenants dans la justice fiscale. De cette manière, déterminer la part de responsabilité de ces acteurs dans la faillite de la justice permet de rationaliser les interrelations. Ces dernières sont fondamentalement agencées à travers le contentieux. Quand on parle d’intervenants ou d’acteurs principaux, il s’agit principalement de l’administration fiscale, du contribuable et du juge. La manière dont chacune de ces trois entités s’implique dans le contentieux détermine en effet l’état de la justice fiscale.
Les problèmes sont identifiés. Ils sont, rappelons-le, liés à la recrudescence des pouvoirs de l’administration illustrée par la multiplication de ses pouvoirs discrétionnaires, la restriction des pouvoirs du juge ainsi que le déséquilibre entre les prérogatives de puissance publique de l’administration et les droits et garanties du contribuable. Le faisceau de liaison entre ce triptyque est fondamentalement l’acte et le pouvoir du juge. La démocratisation de la justice est en effet l’effectivité du contrôle juridictionnel et de l’accès aux droits. Elle suscite l’idéal équilibre entre le pouvoir régalien de l’administration inhérent à l’exercice du pouvoir d’imposition et les droits et libertés des contribuables. De cette assertion, l’équilibre tant institutionnel que juridique ne peut être effectif que par la consolidation du pouvoir du juge. La présente étude ressortit donc tout autant au domaine de la connaissance qu’à celui de l’action. Dans cette perspective, il existe deux réformes à préconiser, la consolidation du pouvoir de contrôle du juge d’une part en limitant les pouvoirs discrétionnaires de l’administration et de l’autre d’étendre ces pouvoirs d’instruction.
L’administration a
développé des techniques qui lui sont propres. Sur le plan politique, elles
sont principalement destinées à maîtriser la pression contentieuse, mais
également à améliorer la relation entre les contribuables et l’administration.
Elles ont en ce sens pour but de permettre à l’administration de dialoguer avec
les contribuables. Il s’agit en l’occurrence du recours gracieux[3]
ainsi que de la transaction[4].
Sur le plan juridique, ces techniques constituent de véritables moyens
procéduraux. Par leur biais, l’administration peut être saisie d’une simple
demande de bienveillance ou d’une demande plus conflictuelle. En ce sens, même
si dans l’esprit des textes, elles restent des procédures facultatives dont
l’enclenchement dépend uniquement de la volonté du contribuable, leur
aboutissement dépend discrétionnairement du bon gré de l’administration. Le
contribuable est libre de faire une demande gracieuse ou encore une demande de
transaction. Néanmoins, une fois que l’un de ces recours est engagé,
l’administration est la seule qui a le pouvoir de décision sur la suite et sur
l’issu à donner. La décision gracieuse ou transactionnelle n’est pas
susceptible de faire l’objet d’un recours. Les textes ne prévoient aucun
système de contrôle et finalement, les deux recours ne laissent place qu’au
pouvoir exorbitant de l’administration fiscale. Limiter le pouvoir
discrétionnaire de l’administration fiscale suppose nécessairement une
redéfinition et une nouvelle conceptualisation de ces deux recours. Le nouveau
paradigme est en ce sens basé sur une logique de contrôle et d’encadrement
juridique. L’implication davantage du juge s’impose d’elle-même. Dans cette
optique, il est important de pouvoir les confronter au-devant des principes
fondamentaux lesquels sont écartés ou délibérément ignorés à cause du pouvoir
discrétionnaire de l’administration.
Il est de principe
que les agents ne peuvent abandonner l’établissement d’un impôt dû.
L’établissement et le recouvrement de l’impôt sont impérativement les
principales attributions de l’administration fiscale. S’agissant d’une créance
publique, le renoncement au recouvrement de l’impôt pourrait en effet engager
la responsabilité de l’administration fiscale[5]. Cet acte est passible de
sanction pénale dès que la concussion[6] est caractérisée. En outre,
le régime propre aux dettes fiscales et sociales trouve sa raison d’être dans
la primauté de l’intérêt général, l’hypothèse d’une remise ne peut dès lors
accorder qu’à titre exceptionnel. En d’autres termes, malgré qu’elle soit
légalement prévue, la remise gracieuse constitue une dérogation. La faculté de
l’administration fiscale de recevoir et de statuer sur une demande de remises
gracieuses est une exception.
Force est
toutefois de constater que ce caractère exceptionnel de la remise est
totalement absent dans la rédaction des dispositions y afférentes. Ni le Code
général des impôts ni le Manuel de procédure des centres fiscaux n’en font
mention. Ces derniers se cantonnent à disposer succinctement que l’octroi d’une
remise gracieuse est sous réserve d’une part de la régularité de l’imposition
concernée et d’autre part de la situation de détresse matérielle extrême que le
contribuable subisse. Dans ces conditions, le pouvoir d’accorder une remise,
partielle ou totale, ne relève en aucune manière de la discrétion de
l’Administration. En effet, en s’alignant sur cette logique de faculté
exceptionnelle, il n’est plus question de pouvoir discrétionnaire, mais plutôt
une compétence liée. En ce sens, un système de contrôle est de mise et l’octroi
d’une remise partielle ou totale non justifiée serait passible de sanction. La
précision du caractère exceptionnel, combinée à ces conditions d’octroi
précédemment indiquées, susciterait inexorablement un système de contrôle et
limiterait ainsi le pouvoir de l’administration. C’est d’ailleurs le cas de
nombreux systèmes juridiques en vigueur tels que le système applicable en droit
français[7].
Il en est de même de la procédure transactionnelle. Les textes excluent
définitivement toute hypothèse de contrôle a
priori ou a posteriori d’une
transaction. Mais, à la différence de la remise gracieuse, d’une part la transaction
concerne uniquement les pénalités et exclut par conséquent les droits
principaux, c’est-à-dire les impôts dus en principal. D’autre part, la
transaction pose d’une manière plus fondamentale le problème lié au manque de
contrôle juridique. Outre le fait qu’elle rentre dans le pouvoir
discrétionnaire de l’administration en ce que cette dernière est libre
d’accepter ou non une demande de transaction, elle permet surtout la soustraction
de celle-ci à la loi en vertu de sa
présomption irréfragable de légalité. En effet, la transaction, en ayant la
même caractéristique qu’un contrat, s’impose aux parties au même titre que la
loi. De cette manière, elle peut, dans certains cas de figure, permettre à ces
acteurs de légaliser des situations illégales.
Pour illustration, une transaction peut légaliser
et régulariser un redressement entaché d’illégalité pour non-respect du
principe de contradictoire. La signature de la
transaction empêche définitivement le contribuable de se prévaloir de
l’illégalité de son redressement. Il ne sera plus recevable à contester le
redressement devant une juridiction. En d’autres termes, il est de principe que
lorsque la convention a été entièrement exécutée par le contribuable
postérieurement au dépôt de la requête et qu’elle a été régulièrement
approuvée, la transaction fait obstacle à la reprise de toute procédure
contentieuse[8].
Pourtant, il est incontestablement acquis que le caractère contradictoire de la
procédure et le respect des droits de la défense constituent
des formalités substantielles[9] et
des principes généraux de droit[10]
régissant le contentieux fiscal. Toute atteinte à ces formalités entache de
nullité le redressement et devrait aboutir à l’annulation de l’imposition. Le
contribuable, lié par la transaction, se voit dans l’impossibilité de faire
valoir ces illégalités devant le juge. Le principe de légalité, un des
principes fards de la fiscalité, se trouve dès lors remis en cause. En droit
français, le juge refuse d’examiner la légalité du redressement[11].
Seul le recours contre la régularité de la transaction est déclaré recevable et
est ainsi susceptible de faire l’objet d’un examen judiciaire. En droit
malgache, même ce recours n’est ni prévu par les textes fiscaux ni invoqué par
la jurisprudence.
Dans le cadre de ces deux voies de droit, si on
peut encore les appeler ainsi, le problème majeur est l’absence d’un système de
contrôle du juge. Toutes réformes devraient dès lors prendre en considération
cette faille. Toute perspective de démocratiser la justice requiert de ce fait
la consolidation et l’extension des pouvoirs du juge. Concernant ces deux
recours, la consolidation peut être réalisée à travers l’ouverture de voie de
recours en annulation, laquelle est pour l’heure définitivement écartée en
matière de contentieux fiscal.
Concernant le
recours gracieux, pour justifier la marginalisation de la procédure gracieuse
par rapport à la loi fiscale, il est soutenu que la remise ne remet pas en
cause la base juridique de la dette fiscale. Elle atteste en ce sens du
caractère purement administratif de la procédure. Cependant, en réalité, il
s’agit de justifier le caractère administratif du recours en matière fiscale en
général et non pas uniquement en matière de recours gracieux[12]. Ainsi, la logique fait que
même si la remise gracieuse se trouve à l’extérieur du domaine de la
fiscalité proprement dite, son caractère administratif a permis à la
juridiction gracieuse de faire partie de la juridiction
administrative. Ce mécanisme a conduit, en France, à la possibilité d’un
contrôle juridictionnel dans le cadre de la demande gracieuse. Le contrôle se
fait par le biais du recours pour excès de pouvoir.
En effet, si la
remise ne constitue pas encore un droit, elle peut être plus encadrée par un
régime plus juste. Il peut être envisagé que toutes les décisions de
l’administration fiscale rejetant, en tout ou en partie, une demande gracieuse
pourraient être déférées par la voie du recours pour excès de pouvoir au juge administratif[13]. Il s’agit pour le juge de
vérifier que l’administration ne fonde pas sa décision de refus sur un droit
erroné[14]. Dans cette perspective,
deux hypothèses sont à envisager.
Premièrement,
dans le cas où la décision contestée est considérée comme une décision
administrative, la compétence en la matière, relève exclusivement du juge
administratif. Il est ainsi le seul compétent à se prononcer sur les recours
pour excès de pouvoir contre une décision de refus de remises gracieuses, ce
quel que soit l’impôt concerné et notamment les impôts dont le contentieux
relève de la juridiction judiciaire[15]. Il s’agit d’un monopole
naturel du juge administratif en matière de recours pour excès de pouvoir. Dès
lors, le juge peut prononcer l’annulation de la décision de refus aux motifs
tenant à son illégalité. Il en est ainsi en cas d’incompétence de l’auteur de l’acte, d’erreur de droit,
d’erreur sur la matérialité des faits, de détournement de pouvoir et d’erreur manifeste d’appréciation. Mais il
est interdit au contribuable d’invoquer une divergence d’interprétation de la loi fiscale pour appuyer sa requête. Un
tel moyen s’avère inopérant devant le juge de l’annulation[16].
Deuxièmement, la
décision est considérée comme une décision rattachée à l’imposition. Dans ce
cas de figure, le juge de l’impôt est compétent pour prononcer son annulation.
Ce rattachement du recours en annulation est très rare, voire inexistant.
L’autonomisation de la procédure gracieuse par rapport à la procédure fiscale
est consacrée. Les décisions de refus de l’administration sont considérées
comme des actes individuels détachables de la procédure d’imposition[17].C’est le cas dans le système
juridique français. En droit français, les décisions gracieuses suivent le
régime des actes administratifs unilatéraux. Mais cette rareté ou l’inexistence
n’empêche pas de faire un développement sur le sujet. En tous les cas, il
convient de retenir que d’une part que les deux logiques pourraient être
développées sur le terrain du recours pour excès de pouvoir. D’autre part, force est de
constater les points de convergence entre le droit administratif et le droit
fiscal évoqués par Jean-Pierre Camby[18]. Néanmoins, malgré la
convergence entre les deux branches de droit public dans sa généralité, le
domaine gracieux demeure très à l’écart de ce mouvement de convergence, ce qui
explique l’exclusion du recours en annulation. Le but est de préserver le
caractère discrétionnaire du pouvoir de remise de l’administration. Il est
temps de bousculer cette ligne au nom du droit et pour la démocratisation de la
justice.
L’ouverture de
cette voie de droit s’inscrit dans le cadre du renforcement de l’effort pour le
juge et par le juge d’exercer son pouvoir de contrôle, qui est déjà très
développé sur le terrain de la procédure d’imposition[19]. Mais l’extension serait
vaine si elle est développée dans un environnement procédural très restreint.
La procédure contentieuse fiscale est en effet connue pour sa complexité. La
consolidation du pouvoir du juge doit aussi passer par le déverrouillage des
règles de la procédure fiscale.
Le verrouillage
procédural, quoique véhément démenti par les tenants du positivisme, existe et
bien réel. Toute construction théorique sur le pouvoir du juge doit nécessairement être pensée en dehors de
sa conception classique du positivisme juridique[20]. La pensée « dworkienne »[21] constitue une piste de
réflexion intéressante. Si la conception positiviste consiste à prétendre que
l’art du juriste est de lire mécaniquement les articles du Code ou de se
référer aux décisions antérieures, la conception « dworkienne » consiste, quant à elle, à
insister sur la notion de droit et de l’établir au cœur du raisonnement
juridique. Selon R. Dworkin, le droit évolue et s’adapte,
et cela même en l’absence de modification des textes[22]. Cela résulte du fait que la
société évolue et les cadres légaux mis en place n’arrivent plus à répondre aux
nouvelles attentes et aux nouveaux enjeux de la justice. Le philosophe conteste
la capacité du positivisme à offrir une description générale du phénomène
juridique et une solution à tous les cas soumis au juge. Ce dernier est amené à
ne pas se fonder uniquement sur des textes, mais aussi sur des principes. Le
monde est en perpétuel mouvement, par conséquent l’interprète ne doit pas être
passif. Il développa ainsi sa théorie du droit sur la base du concept de
droit-intégrité, un concept interférant entre le jusnaturalisme et le
positivisme[23]. Ce concept dénonce le
formalisme du positivisme lequel postule à l’inexistence d’un pouvoir
interprétatif et/ou discrétionnaire du juge. De cette optique est démontrée la
dimension politique de la question relative à la fonction de juger. Une telle
dimension n’occulte aucunement les autres aspects de la fonction.
Par conséquent, repenser le pouvoir de juger, c’est conceptualiser la mise
en contexte des grandes lignes directrices qui le délimitent et l’encadrent.
Pour pouvoir faire évoluer et ainsi abandonner leur position secondarisée[24], les juges devraient se
réapproprier leurs offices en rompant avec les approches trop catégorielles du
contentieux. En ce sens, le rôle classique assigné au juge relatif à
l’application stricte de la loi n’est plus adapté à la réalité économique,
politique et sociale. Sa mission devrait être le reflet de son engagement dans
la vie de la société. Cette socialisation de la fonction de juger nécessiterait
un élargissement des sphères d’influence des décisions juridictionnelles et
impliquerait un nouveau rapport du juge au droit. Le soupçon systématique à
l’encontre du juge, qui conduit à son illégitimité, résulte en effet du
décalage entre les justiciables et l’institution judiciaire.
La légitimité institutionnelle ne suffit plus ; elle devrait être
assortie d’une légitimité individuelle. L’internationalisation du droit oblige
d’ailleurs de revoir le cadre juridique classique, souvent délimité par les
frontières. Parler du pouvoir normatif du juge en général et du juge de l’impôt
en particulier, ne devrait plus être considéré comme un tabou. Au contraire, il
devrait susciter plus de débats doctrinaux. Cela n’équivaut pas à une
subversion de la loi et le juge ne créerait pas un système de lois qui
concurrencerait celui du législateur. Néanmoins, force est de reconnaître que
l’avancée du juge se conjugue nécessairement avec la désacralisation de la loi[25]. Dans cette optique, il
s’agit de redéfinir d’une part les divers aspects du rôle qui est le sien dans
l’ordonnancement juridique, et d’autre part les pouvoirs et les obligations
qu’il exerce ou doit respecter dans l’accomplissement des fonctions qui lui
sont dévolues[26]. La mise en lumière de ces
obligations conduit à la consécration du concept de la responsabilisation du
pouvoir de juger et à l’intégration de la notion des droits fondamentaux. En ce
sens, il y a lieu de parler d’abord de la question relative à l’accessibilité aux lois, au juge et au droit. Nous verrons
par la suite la question relative à l’intelligibilité des décisions du juge.
Le concept d’internationalisation du droit redessine définitivement le
contour de la notion du positivisme lequel se définit désormais dans le temps, mais
aussi dans l’espace. Il nous oblige à se référer aux textes, aux notions, qui
n’ont pas forcément une existence expresse dans le droit positif malgache au
sens strict du terme. L’accessibilité au droit[27], aux lois ainsi qu’au juge
en constitue la plus fondamentale de ces notions[28]. Aucun texte de loi ne
prévoit ni même fait mention de ces notions. Tous droits y afférents résultent
uniquement de l’interprétation extensive des textes. Pourtant,
l’accessibilité, tant au droit, aux lois qu’au juge, a longtemps dépassées la
simple rhétorique. Elle a acquis une existence juridique effective. Au sens du
droit au procès, en d’autres termes à l’accès au juge et aux lois, elle est
énoncée par les articles 6 et 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
En France, le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle à
l’accessibilité et à l’intelligibilité de la loi[29] aux motifs que l’égalité devant la loi énoncée par l’article 6 de la
DDHC et la garantie des droits requise par son article 16 pourraient ne pas
être effectives si les citoyens ne disposaient pas d’une connaissance effective
des normes qui leur sont applicables, qu’une telle connaissance est en outre
nécessaire à l’exercice des droits et libertés garantis tant par l’article 4 de
la Déclaration, en vertu duquel cet exercice n’a de bornes que celles
déterminées par la loi, que par son article 5, aux termes duquel tout ce qui
n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être
contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas[30].
L’accessibilité est ainsi une notion de droit fondamental.
Néanmoins, il convient de noter que c’est une notion qui demeure abstraite et
que son application reste floue. Cela tient du fait que la notion de droit
fondamental elle-même ne trouve pas encore sa place effective dans le système
juridique malgache. D’ailleurs, elle est encore en maturité dans les autres
démocraties. Aussi, succinctement, pour mieux l’appréhender, il y a lieu de
préciser que le générique droit fondamental est né en Allemagne. Cette
apparition est liée à une volonté de rompre avec l’abstraction inhérente à la
notion de droits de l’Homme et dans le but de concrétiser effectivement ces
droits dans le droit positif[31]. Elle tend ainsi à repenser
les instruments juridiques existants en se basant sur une autre logique que
celle de l’ordre juridique interne et de rechercher les rapports entre droit
interne et droit international. Michel Virally
soutient l’interdépendance des deux ordres juridiques en se
reconnaissant mutuellement leurs validités et entretient entre eux des rapports
multiples[32]. La notion de droit
fondamental consacre dès lors d’autres voies combinant les normes externes et
internes pour le traitement des conflits. En ce sens, l’idée est définitivement
de tendre vers une « fondamentalisation » du droit au procès, du droit au juge et du droit au tribunal.
Mais la singularité de la fiscalité fait que l’effectivité de ce droit
fondamental a une dimension plus large et plus définitive. Pour pouvoir accéder
au juge, il faut avoir accès au droit. Natalie Fricero affirme le lien certain entre l’exclusion de la justice et
l’ignorance du droit[33]. Cependant, la difficulté de
l’accès au juge fiscal traduit déjà la complexité de l’accès au droit
fiscal. Si cette complexité est irréductible en matière fiscale, qui rend
d’ailleurs classiques, dans leur approche, tous débats doctrinaux sur la
question, et n’apporte plus de solution concrète, la recherche de l’effectivité
du droit à l’accès au juge fiscal offre en revanche des perspectives de nuances
et des matières à réflexions. Nous savons que la difficulté se situe à deux
niveaux de la procédure. Elle commence par l’identification du juge compétent
matériellement et territorialement, et s’accentue dès qu’il s’agit de définir
le recours à exercer. Confronté à ces différents paramètres, il est évident que
le droit à l’accès au juge fiscal ne se limiterait pas seulement à l’accès au
prétoire pour les contribuables. D’ailleurs, c’est le principe qui devrait être
applicable dans tous contentieux, même en dehors du contentieux fiscal.
L’approche ne saurait être ainsi restrictive à la simple capacité et faculté de
se présenter devant la Cour. Selon Natalie Fricero, la possibilité d’atteindre
un juge n’aurait aucun sens si le système ne permettait pas au justiciable
d’obtenir que le juge statue sur sa prétention et d’être assuré de
l’effectivité du jugement par une exécution dans un délai raisonnable[34]. Il est tort de soutenir que
la présence de quelques articles dans le Code prévoyant deux types de recours,
à savoir le recours gracieux et le recours de plein contentieux, soit suffisante
pour affirmer que le droit au juge est effectif à Madagascar. Une telle
affirmation démontre une condescendance et une vraie ignorance de la réalité
juridique du pays.
Le droit au juge a une double acception ou du moins couvre deux
impératifs, celui de garantir au contribuable un accès au juge fiscal au sens
physique du terme et celui de garantir un accès au droit substantiel du droit
fiscal. Le premier impératif se réfère dès lors à l’effectivité de la
juridiction fiscale, tandis que le second fait référence au droit fiscal dans
une dimension substantielle.
La fondamentalisation de la notion d’accessibilité conduit inexorablement à la subjectivisation
du droit au juge. En ces termes, il devient
un véritable droit subjectif dont l’opposabilité est d’une part soutenue et
revendiquée par la doctrine[35] et d’autre part imposée par
le droit international ainsi que le droit communautaire[36]. C’est par le truchement de
cette approche qu’il a acquis son caractère contraignant. Transposer un tel
impératif juridique en droit malgache suppose de donner au droit au juge une
existence juridique explicite. En d’autres termes, cela consiste à donner au
droit au juge une garantie au rang jurisprudentiel, législatif et enfin
constitutionnel. Cette garantie est un aspect de l’effectivité de l’État de
droit. Elle contribuerait ainsi à l’instauration d’une sécurité juridique en matière fiscale. La connaissance des voies
de recours ainsi que leur effectivité sont les premiers
éléments de la sécurité fiscale. Dans ce cadre, la notion d’accessibilité revêt
une autre forme décisive, l’accès au tribunal. Le droit à un tribunal est en
effet le corollaire du droit au juge et constitue ainsi une pierre angulaire du
procès équitable.
Étant érigé en droit
fondamental, c’est la Convention européenne des droits de l’Homme qui lui a
conféré une reconnaissance expresse tant au niveau de la Convention qu’au
niveau de la jurisprudence de la Cour. En effet, la Cour énonce « qu’on ne comprendrait pas que
l’article 6 décrive en détail les garanties de procédure accordées aux parties
à une action civile en cours et qu’il ne protège pas ce qui seul permet d’en
bénéficier en réalité : l’accès au juge. Équité, publicité et célérité du
procès n’offrent point d’intérêt en l’absence de procès »[37]. Cette consécration revêt
une importance majeure. La Convention, même si elle demeure un texte
supranational, est ainsi une référence considérable en ce qu’elle est avant
tout un instrument de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés
fondamentales. Son but est de protéger les droits non pas uniquement d’une
manière théorique, mais concrète et effective[38]. La dimension réelle des
droits conforte aussi bien la nécessaire imbrication entre droit interne et
droit international que la réadaptation du droit interne suivant l’évolution du
droit international.
Se refuser à prendre en considération l’importance historique et le
caractère universel des droits énoncés par la Convention suppose à ignorer
l’effort le plus remarquable dans l’évolution et la transformation de la
société[39]. C’est dans cette logique
que la notion du procès équitable doit être développée en matière fiscale. Le
droit d’accès au juge, et par extension le droit à un tribunal, suppose
l’information du contribuable de ses droits de saisir le juge par un système
lisible et clair. Il doit ainsi bénéficier d’une aide matérielle et juridique
pour accéder au juge. Le système d’aide juridictionnelle pourrait être étendu
en contentieux fiscal. La lisibilité du système requiert en tout cas non
seulement la mention dans la notification du redressement ou dans d’autres
actes contestés, du droit au recours ou encore le délai pour l’effectuer, mais
aussi l’indication du tribunal ou la Cour compétente. L’existence
constitutionnelle dont bénéficie le Conseil d’État confère à la juridiction
fiscale une garantie institutionnelle. Cette garantie insuffle subrepticement
le droit à un tribunal, mais cela renvoie à une autre problématique relative au
principe du double degré de juridiction.
Le double degré de juridiction
Le principe du double degré de juridiction s’entend de l’idée du système d’appel lequel
est considéré comme une des plus sûres garanties d’une bonne administration de
la justice à tel point que l’institution des Cours d’appel a pu être considérée
comme une nécessité absolue. Elle est un gage de prévention et aussi de
réparation des décisions injustes[40]. Le principe a cependant
moins de visibilité et de consécration que le droit au procès. En d’autres
termes, il n’est ni un principe constitutionnel ni un principe général de
droit. Ainsi, il n’est pas étonnant qu’il ne soit consacré expressément ni par
la loi nationale ni par la loi internationale. Aucune disposition du droit
communautaire ou du droit international ou encore national n’impose le principe
ou l’institutionnalisation d’un double degré de juridiction. Il constitue
pourtant un élément du procès équitable. En son état actuel, la
jurisprudence communautaire fait une référence en matière de droit à un
tribunal, malgré le silence de l’article 6 de la Convention sur l’obligation
des États d’instituer un double degré de juridiction. La Cour considère en
effet que si l’État institue des juridictions d’appel ou de cassation, il doit
dès lors garantir que les justiciables jouiront auprès de ces juridictions les
garanties fondamentales de procès équitable[41].
Rappelons que l’inexistence des Cours administratives d’appel, liée surtout
par une question d’opportunité, n’exclut pas le fait que
l’organisation de la juridiction administrative malgache reconnaît le principe
de double degré de juridiction. En contentieux fiscal, à défaut de Cour
administrative d’appel, c’est le Conseil d’État qui
a pour vocation de statuer en appel sur les décisions des Tribunaux
administratifs. Il en est ainsi des recours en appel dans le cadre du
contentieux relatif aux impôts locaux dont la compétence en premier ressort relève des tribunaux. Dès
lors, le problème n’est pas tant l’inexistence de l’institution d’appel, mais
plutôt son étendue. En effet, le législateur réserve uniquement l’accès à
l’instance d’appel au contentieux de l’impôt local. Cette limitation peut être
expliquée par la centralisation du système fiscal. Néanmoins, cet état de la
législation pourrait aussi être analysé sur la base d’un ancien concept du
système d’appel dont le souci était de catégoriser les litiges suivant leurs
enjeux financiers. Les grands dossiers étant réservés à une juridiction
supérieure et le reste à des juridictions inférieures, le concept d’appel avait
été dénoncé comme allant à l’encontre du principe d’égalité des citoyens et de l’autorité du juge. Son
caractère démocratique avait été ainsi remis en cause[42]. Force est toutefois de
constater que le concept évolue vers l’institutionnalisation du droit d’appel
laquelle est élaborée essentiellement dans le cadre du principe du procès
équitable et est basée ainsi sur l’égalité des
justiciables. C’est dans cette logique que le droit d’appel collabore aussi à
l’effectivité du droit à un tribunal. Il assurerait au contribuable une
protection juridictionnelle de ses droits ainsi que l’accès aux droits.
Le droit se
complexifie, plus particulièrement le droit fiscal. D’ailleurs le droit
législatif est souvent décrié comme l’instrument passif d’une communication
politico-administrative[43]. La doctrine parle d’une
véritable pathologie de la complexité du droit liée à une course épuisante à la
satisfaction d’objectifs souvent étroitement techniques et largement volatiles[44]. Le droit fiscal est
l’illustration parfaite de cette conception s’étant incarnée dans le
développement et la protection du pouvoir souverain de l’administration
fiscale. Les lois fiscales sont des lois techniciennes, des lois techniques
dont la puissance est réelle et dominatrice[45]. Le droit de recours ou en
d’autres termes le droit de contester, matérialisé et encadré par le système
contentieux, constitue une limitation à cette domination. Le juge est le
gardien de ce droit. Il assure son effectivité en veillant sur le contentieux, car
l’accès au contentieux suppose l’accès au droit. La légitimité du juge se
révèle dès lors dans ce pouvoir, voire dans ce devoir, d’établir une démocratie
procédurale. L’accessibilité n’est plus uniquement une question de législation,
elle est également et surtout l’affaire du juge. C’est donc à l’intérieur même
du paradigme des règles de la procédure qu’il faut identifier les traits de
l’effectivité de la démocratisation de la justice. En ce sens, la règle du
préalable obligatoire attire tout particulièrement l’attention.
De la
règle du préalable : consécration d’un verrouillage procédural
La règle du préalable est en effet le cœur de la
procédure contentieuse fiscale. Mais pour rendre compte d’une institution et a fortiori pour pouvoir la remettre en
cause, il faut savoir tracer son histoire[46]. Le règlement du contentieux fiscal est plus qu’une
question de procédure. Il organise la protection de la liberté des
contribuables contre l’arbitraire de l’administration fiscale. Selon Marcel
MARTIN, le règlement du contentieux administratif est un élément pour chaque
peuple de concevoir ce qu’est l’État[47]. En observant une telle théorie, nous rattachons
évidemment le contentieux de l’impôt au contentieux administratif général[48]. Si dans d’autres démocraties, l’institutionnalisation
du contentieux administratif en général et la règle du préalable en particulier
résulte d’une évolution historique propre à leur pays, Madagascar en revanche
n’a pas eu le temps de faire sa propre expérience avec les éléments
intrinsèques corrélatifs à sa propre culture juridique. Les options du pouvoir
sont déterminées par les circonstances auxquelles le pays a été confronté.
Pourtant, il est erroné de reconnaître à tout système procédural uniquement une
valeur purement conjoncturelle. Il manque à la procédure fiscale malgache
l’empreinte de la dimension sociologique du système. Malgré l’inévitable
influence de l’histoire et celle de la politique, les débats doctrinaux
auraient pu, au moins idéologiquement, mettre en exergue cette dimension
sociologique, culturelle et même psychologique de la détermination des systèmes
procéduraux positifs. Mais les règles ont été conceptualisées uniquement sur la
base de l’imposante logique juridique et historique[49]. La réclamation préalable obligatoire a été ainsi institutionnalisée suivant la
forme exacte de la réclamation préalable obligatoire devant le service des
impôts prévu par l’article R 190-1 du Livre des procédures fiscales français[50]. La question consiste à savoir si elle répond aux mêmes
préoccupations que les législateurs français avaient eues et qui par la même
occasion si elle sert aux mêmes causes. Le doute est légitime, car si on se
réfère aux statistiques des dossiers litigieux enregistrés devant les
juridictions, ces dernières demeurent sous-exploitées contrairement aux
juridictions d’autres pays, surchargées par d’importants volumes de requêtes.
Une telle différence, ne serait-ce que statistique, est un révélateur d’une
différence plus profonde en corrélation avec la société malgache. Cette
dernière n’a pas en effet la culture du contentieux. Imposer des barrières
procédurales comme office de filtre n’a tout simplement aucun sens sauf si
l’objectif de la politique judiciaire est de maintenir une justice sélective et
de le réserver à une catégorie de personne.
Au regard des rares décisions rendues par la juridiction
administrative malgache, la règle du préalable a définitivement acquis sa
lettre de noblesse avec le caractère d’ordre public que la jurisprudence lui a
reconnu. Le juge, même en cas d’absence de mémoire en défense de l’administration
en ce sens, a décidé qu’il est tenu de la relever d’office. La règle ne souffre
par conséquent ni de dérogation ni d’exception ; toute requête directement
adressée au juge est systématiquement déclarée irrecevable. Les tendances
jurisprudentielles sont fortement influencées par la jurisprudence française et
allemande. Cependant, le penchant des juges administratifs, français ou
allemand, au recours préalable obligatoire n’est pas étonnant ni une nouvelle
tendance conjoncturelle. Il convient en effet de rappeler que la théorie du
ministre-juge, qui constitue la source juridique de la règle du préalable, a
été forgée par le Conseil d’État en 1813 et 1814.
Du concept de régularisation sur le fait de l’administration
Des observations sont toutefois de mise, car malgré la
tendance à la généralisation de la règle du préalable, elle fait paradoxalement
l’objet de plusieurs assouplissements. Pour illustration, contrairement à la
position très tranchée de la jurisprudence administrative malgache, la jurisprudence
française ouvre une voie à la désacralisation de la règle du préalable. Outre
la position constante et consacrée[51] de la jurisprudence sur la question de l’opposabilité de
la formalité au contribuable[52], celle sur les possibilités de régularisation est
également à observer. Les requêtes introductives d’instance non précédées d’une
réclamation préalable pourraient être déclarées recevables dans le cas où
l’administration, dans son mémoire en défense, statue directement au fond de l’affaire et n’a pas argumenté les moyens
d’irrecevabilité[53]. Cette position résulte
nécessairement d’un souci de pragmatisme du juge, mais également et surtout le
souci de rester cohérent dans la logique de la finalité de la réclamation
préalable. Cette dernière, étant destinée à renouer le dialogue et à éviter que
le contentieux soit transmis au juge, est vidée de son objet du moment que
l’administration s’est prononcée sur le fond de l’affaire. Le dialogue n’a pas
été rompu et l’éventuelle réclamation préalable n’aurait rien apporté puisque
l’administration conteste les moyens du requérant et confirme la décision du
redressement. L’impératif du préalable ne se justifie plus.
Cette prise de position jurisprudentielle de la part de
la juridiction administrative française constitue une sorte de contre-pied à la
volonté du législateur d’instituer et de sacraliser le système du préalable.
Cela peut s’interpréter finalement par une défiance du juge dans la mesure où
il s’est rendu compte que l’exigence du recours administratif préalable déforme
en réalité son visage en complice de l’administration[54]. Mais surtout, il s’agit d’une prise de position neutre
tendant à rétablir un équilibre légalement rompu entre les pouvoirs exorbitants
de l’administration et les droits et garanties du contribuable. La piste de
cette jurisprudence administrative française est à approfondir comme d’autres
jurisprudences favorables à une possibilité de régularisation.
Le concept de régularisation tend à sauver le procès et à
garantir le droit au juge. Par la même occasion, il replace le juge au centre
de la perspective de la démocratisation de la justice. Incontestablement, en
limitant l’effet de la règle du préalable, la jurisprudence limite par la même
occasion le pouvoir discrétionnaire d’appréciation du juge. Il s’agit en
d’autres termes d’une autolimitation du pouvoir juridictionnel. Mais la
question qui se pose est : sur quel fondement le juge imposerait-il un
dialogue fictif entre les parties ? Le dialogue est a priori un moyen pour permettre un débat contradictoire hors du juge. Ce fondement se trouve affaibli
dès lors que le débat contradictoire est garanti sous le prisme de la procédure
contentieuse proprement dite, à savoir les échanges de
mémoires. L’insistance de la jurisprudence sur le caractère d’ordre public de
la réclamation préalable s’apparenterait à une exigence politique plus qu’une
nécessité scientifique.
Le recours au juge devrait
constituer l’équité, la justice par excellence et
pas uniquement une justice d’exception. Le développement des mécanismes
parajudiciaires et para-administratifs est, certes, susceptible de combler les
lacunes de la règle de droit, cependant, ces mécanismes ne devraient pas pour
autant constituer un verrouillage à l’action en justice.
En son état actuel, en
reprenant les termes de Jean-Marie Leloup, le contrôle juridictionnel est « une citadelle investie, dont
le rayonnement décroît, et les citoyens qui ne savent pas le travail qui se
fait dans cette citadelle, qui ne savent pas que c’est là qu’ils devraient
aller chercher refuge, voient leur liberté restreinte »[55].
Mais dans ce cadre, l’accès au juge décline un autre impératif, le droit
d’accès aux droits fiscaux. La doctrine parle de l’intelligibilité de la loi et des droits.
L’intelligibilité suppose une égale réception, compréhension et application
univoque de la loi fiscale. Il est question de la connaissance de lois, mais
aussi, et surtout de droit. Selon Jean Carbonnier, l’erreur ou l’ignorance fait
participer le droit dans l’angoisse contemporaine que subit
l’homme-contribuable[56].
Il convient de constater que les mécanismes de publicité et d’opposabilité
de la loi règlent d’une manière absolue la question de la connaissance de la
loi. Cependant, ces mécanismes tendent uniquement à garantir l’accessibilité matérielle de la loi sans traiter la question
relative à leur intelligibilité, laquelle dispose pourtant,
au même titre que l’accessibilité, une valeur constitutionnelle et fondamentale[57]. La phase matérielle,
concrétisée par la publication, est en effet l’expression de l’accessibilité
physique et formelle de la règle. Elle ne garantit pas pour autant au
contribuable la connaissance de la portée de la disposition. Nous savons qu’un
droit méconnu est un droit inexistant. Dans cet état de fait, la maxime « nul n’est censé ignorer la
loi » est réduite à son sens premier
et ne suppose que l’idée de contrainte et d’obligation. Il est, par conséquent,
difficile de prendre comme socle juridique de base la règle de publicité et
d’opposabilité pour épuiser les questions relatives à l’accès aux droits. Il
n’y a que l’accès au juge qui constitue une voie juridique pouvant arrimer
l’accès aux droits. Dès lors, l’intelligibilité s’impose aussi au juge et
constitue un impératif dans l’exercice de la fonction de juger. En ce sens,
elle suppose pour le juge de prendre en considération le fait qu’à dans un
contentieux, le contribuable est à la fois le débiteur du Trésor public, mais
aussi le créancier du service public[58]. On assiste ainsi à un
transfert de charge de responsabilité. Il relève dès lors de l’obligation du
juge d’apporter des éclaircissements dans l’application d’un texte. Ce
transfert soulève d’une part le problème lié à l’interprétation de la loi
fiscale et d’autre part il exclut d’emblée le concept de l’application
littérale et mécanique de la loi connue sous le nom barbare de « légi-diction »[59]. Cela renvoie nécessairement
à la désacralisation de la loi et à l’émancipation du juge par rapport à la
loi. Selon Denis Salas, « le juge trouve sa
justification la plus solide en se plaçant dans le registre d’une herméneutique
des principes fondamentaux »[60] . Le pouvoir de juger
acquiert en ce sens de nouvelles bases, celle relative aux principes généraux
du droit. La conceptualisation des principes généraux du droit octroie au juge
plus de liberté d’action et lui permet de se défaire ainsi de toute forme de
subordination en instaurant une véritable place de dialogue sur la base de
l’égalité des armes[61]. C’est dans cette logique
que le rôle du juge fiscal doit se développer.
La récente création d’une Chambre fiscale au sein du Conseil d’État offre
une existence plus formelle et institutionnelle au contentieux fiscal. Elle
signe la particularité de la fiscalité et lui offre plus de visibilité par
rapport au contentieux administratif général. Mais la visibilité doit aussi
arrimer l’intelligibilité. Il est indispensable en ce
sens de maîtriser l’imbrication des normes juridiques et des normes techniques
fiscales. Certes, contrairement au droit administratif général, le droit fiscal
est un droit codifié, mais seulement, pour son intelligibilité, il devrait être
aussi jurisprudentiel. D’ailleurs, en France, la codification du droit fiscal est remise en cause par
certaines doctrines. Maurice Prelle parle de codifications dangereuses[62]. L’illégalité du Code
résulte, selon Maximilien Messi, à la fois « du non-respect des règles présidant à la création du Code
lui-même et le fait pour le codificateur d’outrepasser son rôle de
transcripteur de la règle fiscale dans le Code »[63]. En outre, le caractère
prétorien du droit administratif, donc du droit fiscal, est d’une évidence.
Bernard Pacteau soutient que le droit administratif n’avait le choix qu’entre
être jurisprudentiel ou rien[64]. Cette remise en cause
sérieuse de la valeur juridique du Code, combiné au caractère jurisprudentiel
du droit administratif, dessine une perspective d’un droit fiscal, ou plus
précisément d’un contentieux fiscal, à la fois jurisprudentiel et codifié. Cela
pourrait résulter d’une amplification du rôle du juge en rendant un jugement
intelligible[65] et à une finalité
pédagogique.
Pour conclure, le paradigme sur la légalité du droit fiscal est forcément
réformé et tempéré. L’internationalisation du droit limite l’effet et la portée
du droit positif et la notion des droits fondamentaux s’impose au juge comme
étant l’axe de la régénération de son rôle juridictionnelle. Dans ce cadre,
elle aboutit nécessairement à l’extension conceptuelle et institutionnelle du
pouvoir du juge.
[1] G. Guglielmi,
« Introduction », in Démocratie
de proximité : Bilan et perspective de la loi du 27 février 2002, dix ans
après, Berger-Levrault, 2013, p. 13.
[2] G. Sainati, « L’indépendance de la
justice n’est pas un dogme », Le
monde diplomatique, 2009, pp 4-5.
[3] Le recours gracieux est
prévu par le CGI dans ses articles 20.02.03 à 20.02.09. Le manuel de procédure
des centres fiscaux en fait aussi mention dans ces fiches.
[4]
Seuls deux articles du Code régissent la
procédure transactionnelle : 20.02.114 et
20.02.115.
[5] O. Fouquet, « La responsabilité de
l’administration fiscale : jusqu’où ? », Études fiscales internationales, 2011, v. aussi CE, 8e
et 3e SSR, 12 mars 2014, Lebon, n° 359643.
[6]Le Code
pénal, mis à jour le 31 mars 2005, dans son article 174 dispose que : «Le fait, pour une personne
dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public,
de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir à titre de droits ou
contributions, impôts ou taxes publics, salaires ou traitements, une somme
qu’elle sait ne pas être due, ou excéder ce qui est dû, sera puni de deux à dix
ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 000 000 Ariary à 200 000 000 Ariary,
ou l’une de ces deux peines seulement.». L’article 174.1 dispose en
outre que : « Sera puni des mêmes peines le fait, pour les personnes visées à l’article
précédent, d’accorder sous une forme quelconque et pour quelque motif que ce
soit, sans autorisation de la loi, des exonérations et franchises de droits,
impôts ou taxes publics, ou d’effectuer gratuitement la délivrance des produits
des établissements de l’État ».
[7] Les dispositions des
articles L.247 et s du Code de Procédure
Fiscale font figure d’exception. Sur ce point v. aussi Ch. Boullez, P. Schiele, « Le règlement non contentieux des conflits en
droit fiscal », BF Francis Lefebvre,
7/97, p. 437 et s.
[8] M. Collet,P. Collin, Procédures fiscales : contrôle, contentieux et recouvrement de
l’impôt, Paris, PUF, 2011, p. 216.
[9] CE, Sect., 8 février
1991, 61 025, 69 712 et 61 093, RJF, 1991.3, concl. Fouquet, Dr.
fisc.,
1991.10.490, concl. J. Arrighi de Casanova, BGFE,
1991.25.12.
[10] 89-268 DC, 29 décembre
1989, RJF, 1990, n°127, v. aussi CAA
Versailles, 4e ch., 19 janvier 2010, Rec. Leb., 2010, n° 07MA00476.
[11] CE, 11 juillet
1983, no 32256, RJF,
1983, 567, v. aussi CE, 1er octobre 1986, no 45374,
RJF, 1986, p. 629.
[12] V. Coq, « La notion de juridiction
gracieuse en droit fiscal », RDP, 2015, n°2, p. 389.
[13] C’est déjà le cas en
droit français, cf. CE, 3 novembre 2006, n°268919, Martin, RJF, 2007, n° 88 ; BDCF,
2007, n° 13, concl. Verclytte.
[14] CE, Sect., 12 juin 1936,
n°47.785, Dame de Crozals-Roch et sieur Delpon de Vaux, Rec., p. 640.
[15] CAA Paris, 6 juillet
2000, n° 98-2319, Rédélé, RJF,
2/01, n° 213.
[16] CE, 8/3 SSR, 23 octobre
2013, n° 367228, Rec. Leb.,
2013.
[17] CE, Sect., 29 juin 1962,
53090, Société des aciéries de Pompey, GAJF,
5e éd., n° 60, p. 1025.
[18] J.-P. Camby, « Droit administratif et
droit financier », RDP, 1998,
n°4.
[19] J.-M. Carbasse, Introduction au droit, PUF, coll. Droit fondamental, 1998.
[20] D’ailleurs, le
constructivisme et le positivisme juridiques s’opposent en ce que le
positivisme soutien que la connaissance que constitue progressivement la
science est la connaissance de la réalité, tandis que le constructivisme ne
présuppose pas l’existence d’une réalité objective. Le constructivisme postule
que la connaissance implique le sujet. La connaissance répond donc d’un sujet,
v. C. Sintez, Le constructivisme juridique : essai sur l’épistémologie des
juristes, Paris, Mare &Martin, 2014, Tome 1, p. 19 et suivants.
[21] Le terme utilisé par F. Michaut, « Introduction à la
version en langue française », R. Dworkin,
Prendre les droits au sérieux, trad.
P. Bouretz et F. Michaut, PUF, 1995, p. 35.
[22] R. Dworkin, Taking Rights Seriously, Londres, Duckworth, 1977, Prendre les droits au sérieux, trad. P. BOURETZ et F. MICHAUT, PUF,
1995.
[23] R. Dworkin, Law ‘s Empire, Londres, The Belknap Press of Harvard
University Press, 1986, L’empire du droit,
trad. Elisabeth
Soubrenie, Paris, PUF, 1994, p.
195 et suivants.
[24] Un terme emprunté à
Denis Salas
quand il faisait le constat du « Juge d’aujourd’hui », op.cit.
[25] D. Salas, « Le juge
aujourd’hui », Droits, 2001, n°
34, p. 61.
[26] L. Cadiet (ss. dir.), Dictionnaire de la justice, Paris, PUF, 1re éd., 2004.
[27] Le droit est ici compris
au sens de Santi Romano. Selon
lui, le droit ne doit pas être pensé à partir du concept de norme. Le droit est
plus qu’un ensemble de normes, il est même plus qu’un système de normes. C’est
une institution, un ordre juridique. Il y a donc droit, institution, ordre
juridique dans tout être ou corps social. Il écarte dès lors l’exclusivisme
étatique. Pour lui, l’ensemble des normes juridiques n’est en substance qu’une
fiction, qu’une clôture délibérée du champ d’observation. V. Santi Romano, L’ordre juridique, [Ordinamento giuridicio] , Paris, Dalloz, 1975, trad. L. Francois et P. Gothot.
[28] Sur le principe
d’accessibilité cf. Bertrand Mathieu,
« Liberté contractuelle et sécurité juridique : les oracles ambigus des sages de la rue de
Montpensier », LPA, 1997, n° 29, p. 7, v. aussi
A.-L. Valembois, « La
constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique en droit
français », Cahiers du Conseil
constitutionnel, 2005, n° 17.
[29] Le Conseil
constitutionnel français par une décision du 16 décembre 1999 a élaboré une
doctrine d’un objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, précisée par
la Décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006.
[30] Décision n° 99-422 du 16
décembre 1999, JO du 22 décembre
1999, p. 19041, RTD civ., 2000, p.
186, obs. N. Molfessis.
[31] Th. Meindl, La notion de droit fondamental dans les jurisprudences et doctrines
constitutionnelles françaises et allemandes, Paris, LGDJ, 2002, p. 103.
[32] M. Virally, « Sur un
pont-aux-ânes : les rapports entre droit international et droit
interne », Le Droit international en
devenir, Essais écrits au fil des ans, PUF, 1990, p. 103.
[33] N. Fricero, « L’accès au juge », Justice & Cassation, 2008, p. 16.
[34] N. Fricero, op.cit.
[35] Idem.
[36] Convention européenne
des droits de l’Homme, Article 13.
[37] CEDH, 21 février 1975,
Golder c/ Royaume-Uni.
[38] CEDH, 9 octobre 1979,
Airey c/ Ireland, Les grands arrêts de la
CEDH, Sirey, 2002, 8e éd., n° 47.
[39] L. Milano, Le droit à un tribunal au sens de la Convention européenne des droits
de l’Homme, Montpellier, Dalloz, 2006.
[40] N. Molfessis, « La protection constitutionnelle
du double degré de juridiction », Justice
et double degré de juridiction Revue Justice, Dalloz, 1996, p. 17.
[41] CEDH, 29 janvier 1970,
Delcourt c/ Belgique ; CEDH, 26 octobre 1984, Decubber c/ Belgique ;
CEDH, 29 juillet 1998, Omar c/ Belgique ; CEDH, 16 octobre 2001, Eliazer
c/ Pays-Bas.
[42] Au 19e siècle en France,
le droit d’appel avait été présenté comme anti-démocratique au motif qu’il
était réservé aux grands fortunes, v. Henri Giraud,
Suppression des Cours d’Appel et le
deuxième degré de juridiction, Paris, Auguste Ghio, 1882, p. 9.
[43] EDCE, 2006, p. 229,
Rapport sur la complexité du droit et la sécurité juridique.
[44] Y. Gaudemet, « La loi
administrative », RDP, 2006, no
1, p. 65.
[45] A. Louvaris, « Lois techniciennes et
le droit à un procès équitable : le cas des lois
de régulation économique », LPA, 2007,
n° 134, p. 60.
[47] Martin et Berthelmann, « Les juridictions
administratives en Allemagne », EDCE,
1952, pp. 166-178.
[48] La question oppose deux
écoles de pensée à savoir celle qui affirme l’autonomie du contentieux fiscal
et celle qui soutient son rattachement purement et simplement au contentieux
administratif général. V. L. Tallineau,
« Le particularisme de la cause de la demande dans le contentieux de
l’imposition », RSF, 1976, pp.
533 et suivants.
[49] H. Bérthélemy, dans
sa préface de l’ouvrage d’Otto Mayer,
Droit administratif allemand, Paris,
1903, p. XIV explique la même la logique juridique qui régit le système français
et le système allemand malgré les œuvres des circonstances historiques
différentes que les deux systèmes ont expérimenté. Cette thèse conduit à
l’atténuation des conceptions de l’école dite historique du droit laquelle base
sa conviction sur la nécessité pour chaque nation d’élaborer un système de
droit qui corresponde le plus parfaitement possible à ses particularités liées
à ses coutumes, ses conditions de vie distinctes, son passé.
[50] Selon l’article R 190-1
du LPF : « [le contribuable…] doit d’abord adresser
une réclamation au service territorial de l’administration des impôts dont
dépend le lieu de l’imposition… »
[51] Cass.com., 23 mai 2006,
Receveur des impôts de Bourg-en-Bresse, Nord, AJDI, 2007, note Maublanc, p. 222.
[52] Th. Lambert, Contentieux fiscal, op. cit.,
p. 31 : « La réclamation préalable obligatoire n’est
opposable au contribuable qu’à la condition qu’il ait été précisément informé,
par l’acte de poursuite, les modalités et les délais de recours ».
[53] CE, 3 février 1899,
Beaudoin, Rec. Leb., p. 91 ; 5
décembre 1919, de Bazelaire, Rec. Leb.,
p. 882 ; 28 février 1938, commune de Miliana, Rec. Leb., p. 377 ; 2 juin 1938, Catellani, Rec. Leb., p. 505 ; 29 juillet 1943, commune d'Oued-Zenadi, Rec. Leb., p. 396.
[54] P.-C. Kobo, « Le recours administratif
préalable, une condition de recevabilité absurde du recours pour excès de
pouvoir », Actualités Juridiques (Côte d’Ivoire),
2007, n° 55, p. 112 et s.
[55] J-M. Leloup, op.cit, p. 27.
[56] J. Carbonnier, « La part du droit dans
l’angoisse contemporaine », Flexible
droit pour une sociologie du droit sans rigueur, 6e éd., LGDJ,
1988, p. 181.
[57] M. Messi, Nul n’est censé ignorer la loi fiscale, Th. Paris 2, 2002, p. 8.
[58] C. Leclerc, Le renouvellement e l’office du juge administratif français, Paris, L’Harmattan,
2015, p. 415.
[59] Terme
emprunté à S. RIALS, « Office du juge », Droits : la fonction de juger, 1989, n° 9, p. 4.
[60] D. Salas, op.cit.
[61] Dans son arrêt du 20
avril 2004, Fondation d’Aguesseau et autres, le Conseil d’État Français a
défini ce principe d’égalité des armes en considérant que :
« dans un débat juridictionnel, aucune partie ne doit être défavorisée par
rapport aux autres ».
[62] M. Prelle, « Les codifications
dangereuses », Gaz. Pal., 1990,
2, p. 622.
[63] M. Messi, op.cit., p. 217.
[64] B. Pacteau, « Comment aménager la
rétroactivité de la justice ? Sécurité juridique,
sécurité juridictionnelle, sécurité jurisprudentielle », La rétroactivité des décisions du juge
administratif, Economica, Paris, 2007,
p. 117.
[65] En France, J. Dabin dans son ouvrage Théorie générale du droit, 1960, affirme que lorsqu’une jurisprudence
est en fait établie, spécialement par un arrêt de la Cour suprême, le principe
en application du quel l’espèce a été jugée, soit qu’il interprète la loi, soit
qu’il en comble les lacunes a, en fait, jusqu’à nouvel ordre, force
équipollente à celle de la loi.